C'est évident, en ces journées difficiles, nous sommes tous choqués. Rien de plus normal. Notre pays vient de traverser un épisode atroce, ponctué de massacres, de coups de feu, de sirènes de police et d'alertes multiples partout où l'on pouvait passer en Île-de-France.
Dimanche, beaucoup d'entre nous vont manifester, se recueillir et se tenir chaud.
Mais après ?
Il va être très urgent que les femmes et hommes de gauche se mettent à réfléchir sur tout ce qu'il vient de se produire et à émettre des idées et des raisonnements pour construire.
Tout d'abord, il faut prendre la mesure de l'influence des réseaux islamistes en France et proposer des solutions qui ne soient pas celles de la droite et de l'extrême-droite. La tentation va être forte pour beaucoup de plonger dans le sécuritaire, poussés par l'extrême-droite qui va en rajouter dans le "on vous avait prévenu, les musulmans, y sont très dangereux". Cela fait pourtant de nombreuses années que les islamistes labourent le terrain des quartiers populaires et séduisent. J'en ai parlé à différentes reprises dans ce blog, dans le cadre du système éducatif sequano-dyonisien, et tous ces éléments sont toujours d'actualité. Évidemment, la répression a son rôle à jouer, mais on ne peut non plus oublier la question sociale, la déshérence des quartiers populaires, le retrait progressif des services publics de ces zones, l'abandon des milieux populaires et des classes moyennes et enfin l'absence d'alternative politique progressiste crédible, ne laissant plus à cette jeunesse que l'extrême-droite franchouillarde ou l'extrême-droite islamiste pour espérer sortir de son trou.
Ensuite, il faut réaffirmer la volonté de la gauche de défendre la liberté d'expression et de défendre ses valeurs. Il est intéressant de constater que nos dingo-islamistes ont frappé trois adversaires qu'ils estiment centraux : la gauche progressiste, les juifs et l'autorité républicaine. On a beaucoup dit ces derniers jours, du fait du métier des journalistes de Charlie, que c'était la liberté d'expression qui était attaquée. C'est vrai, bien sûr, mais cela ne résume pas tout le sens politique de ce crime. Nos dingos auraient parfaitement pu canarder le siège du Front National ou encore tenter d'agresser Nicolas Sarkozy, qui, rappelons-le, est à l'origine de la légitimation de l'islamophobie par le lancement du débat sur l'identité nationale. Ils auraient pu essayer de frapper les tenants de la théorie du grand remplacement qu'on a beaucoup entendus dans les médias ces derniers temps.
Mais non, ils ont attaqué Charlie, journal militant mais aussi en difficulté financière importante et dont l'audience pouvait laisser penser qu'il ne représentait pas un adversaire substantiel, pour une raison simple : ceux que j'ai cités auparavant sont leurs alliés objectifs, car ils entretiennent l'amalgame entre musulmans et islamistes, et ils servent donc leurs intérêts en renforçant les craintes du reste de la population. Ces fachos jouent en permanence sur toutes ces ambiguïtés et ils les exploitent : un homme qui se moque des religions est un raciste, un juif est forcément un soutien total des politiques israéliennes, un policier est forcément un xénophobe. Les islamistes ont donc frappé la gauche progressiste, qui se permet de se moquer ouvertement d'eux et d'ouvrir les consciences, et qui est un réel adversaire politique qu'ils doivent faire taire.
Nous devons donc à la fois défendre la liberté d'expression mais aussi la liberté de se moquer de tout le monde, y compris d'ailleurs de nous-mêmes. Nous devons défendre une laïcité militante, pas celle qui vise à stigmatiser les musulmans et qu'on a trop souvent vu à l’œuvre ces dernières années, mais celle qui nous permet à tous d'être libres et de pouvoir se moquer et critiquer tout le monde.
Pour terminer, je crois qu'il faut aussi combattre un certain discours visant à dire que Charlie avait d'une certaine façon une responsabilité du fait de ses attaques récurrentes contre l'islam. Et quand bien même, un républicain ne peut laisser passer cela : en République, un journal peut être condamné lorsqu'il dépasse les bornes posées uniquement par la loi. Charlie a régulièrement été trainé en justice. On pourrait d'ailleurs demander à ceux qui soutiennent cette idée si la policière municipale de Montrouge l'avait aussi un peu cherché, ou si les clients de cet Hyper Cacher avaient aussi une part de responsabilité dans ce massacre qu'ils ont subi... Ensuite, nous devons dire que ce qui permettra à la situation des musulmans d'évoluer, c'est le traitement de la question sociale. Ce n'est qu'en améliorant la situation des Français dans leur ensemble, en réduisant le chômage, en permettant à l'école d'être plus égalitaire, en diminuant le temps de travail, en faisant monter les salaires et en partageant mieux les richesses, en réformant pour l'améliorer notre sécurité sociale, en faisant progresser la démocratie sous toutes ses formes, qu'on viendra à bout de tous ces abrutis qui n'ont qu'un rêve : nous pourrir la vie et vivre sur la peur que nous éprouvons.