jeudi 5 juin 2008

Pour répondre à la crise environnementale, rendons les transports en commun gratuits.

Cher lecteur, j'ai aujourd'hui pitié de toi. Je sais que mes longs articles sur le temps de travail avaient une tendance à s'alourdir. De plus, j'ai besoin aussi de structurer ma réflexion. Aussi, je pensais te parler de l'inspection dans l'Education nationale, lorsque j'ai été attiré, entre deux conseils de classe, par un article du Monde de ce jour. Ce document mettait en valeur la difficulté pour les chauffeurs de bus de la Société de Transports par Autocars (STA) de récolter les paiements des voyages par les usagers sur les communes de Corbeil-Essonnes et Mennecy.

A l'évidence, la première réaction est la révolte: pourquoi nos concitoyens ne s'acquittent-ils pas du prix de leur ticket? Il faut quand même rappeler que les tarifs pratiqués par le STIF en Île-de-France restent parmi les moins chers du monde pour une grande ville comme Paris. De plus, en tant qu'usager régulier des transports en commun, je ne peux que souligner les efforts importants de modernisation qui sont effectués en ce moment sur le transport francilien, ainsi que la croissance régulière de la fréquence des différents moyens.

Pourtant, cher lecteur, la demande de ces chauffeurs m'a posé question. Tout d'abord, je m'étonne des difficultés qui sont rencontrées dans la collection de ces paiements. Doit-on y voir un lien avec les baisses du pouvoir d'achat? En fait, le Monde nous informe que les agressions, globalement, sont en moyenne de deux sur Paris par million de voyage, et que ce chiffre n'a que peu varié ces trois dernières années. Étant moi-même un voyageur qui paie son ticket ou sa carte orange, je dois dire que mon côté civique en a été remué.

Surtout, je me suis demandé si ces violences en valaient le coup, et s'il ne vaudrait pas mieux tenter de faire baisser le prix du ticket de transport, voire de le faire disparaître complètement. Je vais te donner, ami lecteur, quelques arguments qui me sont venus en y réfléchissant un peu:
  1. Tout d'abord, les contrôles des voyageurs créent des tensions assez fortes dans les transports. Il faut voir l'ambiance lorsqu'un groupe de contrôleurs monte dans un bus ou un tramway. Personnellement, j'admets avoir beaucoup de mal à supporter ces contrôles. En plus, la police en profite parfois, en ce moment, pour débusquer quelques sans-papiers se rendant tranquillement au travail. Ces arrestations provoquent un ralentissement du moyen de transport, une dégradation de l'ambiance et des souffrances pour tout le monde. Je ne suis pas du tout persuadé que les contrôleurs eux-mêmes n'en souffrent pas.
  2. Le deuxième argument est la baisse du pouvoir d'achat. Alors que l'essence ne cesse d'augmenter, jouer sur le prix du transport public pourrait permettre une amélioration du budget des ménages.
  3. On pourrait aussi se dire que la gratuité des transports publics est une question sociale importante. En effet, le tarif est unique et cela pèse donc sur les petits budgets. Certes, depuis quelques années, les pouvoirs publics ont mis en place une carte pour que les chômeurs puissent chercher du travail à petits prix. Les étudiants ont aussi la carte Imagine R, et les retraités la carte améthyste. Ces systèmes existent dans la plupart des villes. Cependant, rendre le transport gratuit pour tous, retraités, étudiants, salariés pourraient être une belle mesure sociale collective.
  4. Pourtant, tous ces arguments ne sont pas les plus porteurs. La dernière raison, celle de l'environnement, me semble la meilleure. Nous devons tout faire pour réduire au maximum le trafic routier et inciter les automobilistes à laisser leurs chars au garage. Certes, cela n'est pas possible partout: dans le milieu rural, on pourrait avoir de grosses difficultés. Il est pourtant anormal que se déplacer en train en France coûte plus cher que d'utiliser son véhicule diesel. Il est aussi anormal que les Franciliens préfèrent prendre leur automobile et passer 1h30 deux fois par jour dans les bouchons plutôt que de disposer de systèmes ferroviaires efficaces, nombreux, fréquents et rapides.
La gratuité peut donc être une vraie chance sur plusieurs aspects: elle peut permettre de réduire nettement la pollution automobile, elle peut créer des emplois car il faudra bien construire ou remettre en fonction des réseaux abandonnés, elle peut redévelopper un service public auquel les gens seront attachés et elle fera disparaître un foyer de tension de nos vies de tous les jours.

Mais, cher lecteur, je te vois de loin chausser tes gros sabots et m'asséner dans la figure: "Tu es bien mignon, privilégié, mais cela va encore coûter cher et augmenter les impôts. Où va-t-on trouver l'argent sinon???"

Je sais que c'est la partie faible de mon raisonnement. Les entreprises de transports doivent assumer plusieurs choses: elles doivent faire fonctionner les transports, les entretenir mais aussi investir pour rénover et développer. En 2007, la RATP avait un chiffre d'affaire de 3,9 milliards d'euro. Sur ce total, 96% vient de l'activité transport ce qui montre bien que le prix des billets est important, mais il faut souligner que les collectivités territoriales, la région et l'Etat participent déjà au financement de l'investissement. Il faudrait donc trouver 2 milliards d'euros pour permettre à l'entreprise de continuer à s'améliorer. Il n'est certes pas obligatoire de supprimer complètement la tarification tout de suite, tant que le réseau ne suit pas partout.

Alors, comment financer? Quelques idées:
  • On pourrait d'abord mettre en place des péages sur les automobiles entrant dans les agglomérations. Un rétablissement de la vignette, en fonction de la pollution du véhicule, pourrait être ajouté. Evidemment, ces mesures sont impopulaires, ignorent que le réseau n'est de toute façon pas suffisant pour accueillir tout le monde et qu'il faut le développer.
  • Ne pourrait-on pas reprendre alors sur une éventuelle taxe carbone pour réduire la circulation automobile et développer les transports? La taxe carbone n'existant même pas à ce jour, je ne sais qu'en dire...
  • Et si on prenait sur les impôts classiques? Là, au moins, on aurait l'impression que nos impôts servent à quelque chose.
Le débat me semble en tout cas intéressant et mérite que l'on se penche dessus. N'hésite pas, cher lecteur, à nous faire partager tes réflexions sur ce sujet.

3 commentaires:

  1. Je soutiens l'idée dans l'absolu pour des raisons similaires, et j'ai les même doutes quand au financement.
    Sinon, j'ai ouïe dire que le taxes de pollution sur les voitures pourraient devenir annuelles, c'est à dire qu'un propriétaire de 4X4 devrait s'acquitter de sa taxe chaque année.
    Tout ça pour combler le déficit imprévu du système de bonus malus écologique sur les voitures.
    J'ai également entendu qu'il y avait une réflexion à moyen terme de mettre en place un système équivalent sur les logements...
    On veut croire que c'est pour notre bien, mais auront nous les moyens de vivre "écologiquement" ou veut on juste nous ponctionner?

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  2. Cela dépend du gouvernement qui est à notre tête. Je crois que la question environnementale a de nombreux avantages:
    - Elle peut nous permettre de recréer du lien social et de nous retrouver ensemble pour régler une question qui est fondamentale pour notre avenir en tant qu'espèce.
    - Ce problème démontre que le libéralisme et l'individualisme sont des facteurs de crise pour gérer des problèmes politiques.
    - Elle peut être une source d'emplois et donc, de croissance économique, mais d'une croissance qui aurait l'avantage de ne pas détruire l'environnement et de ne pas gâcher l'avenir de nos jeunes.
    - Elle peut être un très important facteur d'innovation et de point de départ pour de nouvelles évolutions scientifiques.

    Une crise grave comme celle-là ne peut que nous aider à progresser, et elle peut être, sur certains aspects, une chance.

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  3. J'ai toujours pensé que l'humain était capable de réagir face à problème grave remettant en cause son existence même, mais cette foi s'effrite dangereusement devant l'immobilisme de nos dirigeants (pas que français).
    Les grand décideurs de ce monde se contenteront de la situation actuelle au détriment de l'écologie et donc de nous tant que le pognon rentrera. Malheureusement les problèmes climatiques vont d'abord toucher les plus pauvres, et les pauvres tout le monde s'en fout.
    Alors ce que je viens de dire est bien connu, j'ai rien inventé ni découvert de nouveau, mais ça me laisse à penser que toute action intentée par notre gouvernement qui irait dans le sens de la protection de l'environnement aura toujours une autre raison d'être, économique ou démagogique.
    Je ne vois pas Sarkozy (ou un autre) faire quelque chose de gratuitement bénéfique pour l'humanité .

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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