mardi 28 octobre 2008

Sarkozy s'en va à Rethel : j'espère qu'il sera accueilli à coup de boudins blancs...

En me connectant sur le site du Monde ce matin, j'ai découvert que Nicolas Sarkozy se rendait aujourd'hui à Rethel, sous-préfecture des Ardennes. Je me suis alors rendu compte que c'est de cette région, et particulièrement de la préfecture des Ardennes, Charleville-Mézières, qu'il lança pour la première fois son célèbre "travailler plus pour gagner plus". Ayant pris conscience de ce fait, cher lecteur, j'ai eu un moment de divagation. En effet, je connais moi-même un peu Rethel : mon grand-père maternel était originaire de cette petite ville de l'Est de la France. Je n'ai pas trop connu cet homme, qui est mort lorsque j'avais neuf ans, mais ma grand-mère et ma mère nous emmenait régulièrement, ma soeur et moi, dans cette petite ville. Pour nous, cétait une fête. Le périple se faisait toujours de la même façon. Nous partions de la banlieue parisienne tôt le matin. Nous faisions une première étape à Reims, où nous achetions une petite boite de bouchons de champagne, chocolats fourrés au marc de champagne pour les adultes et au praliné pour les enfants. Puis, nous faisions les trente derniers kilomètres vers Rethel. Là, nous déjeunions dans l'un des restaurants rethelois, soit le Sanglier des Ardennes, soit, lorsque nous avions plus de moyens, au Moderne. On se goinfrait de la spécialité locale, le boudin blanc rethelois, puis on allait voir les membres de notre famille et on prenait le thé en dégustant une belle tarte au sucre. Rien que le nom de la ville m'évoque ces quelques souvenirs d'enfance...

Pourtant, cher lecteur, si tu prends un jour la route de Rethel, tu verras que les images communiquées par l'article du Monde sont très discutables. D'abord, la région est très belle : de grandes forêts, des vallées dès que tu t'approches de Charleville, des petits cours d'eau qui serpentent à travers les champs. Puis, tu entres dans Rethel, et là, tu te retrouves dans une ville qui ne ressemble pas à une ville traditionnelle française. Il ne reste d'ancien que l'église. La ville a en effet subi les bombardements massifs de l'armée allemande en 1914, et la guerre est repassée par là en 1940 puis en 1944. Rethel est donc une ville assez moderne en apparence, qui fait penser à certaines villes de Normandie, comme Lisieux ou Caen par le type de constructions.

Et puis, partout autour, des usines. L'article du Monde insiste fortement sur ce point. La région s'est construite au XIXe siècle autour de l'industrie du textile et de celle de la mécanique et de la forge. Ma propre arrière-grand-mère était ouvrière dans une usine de ce type. Évidemment, dès la fin des années 1960, la région a commencé à souffrir de la concurrence des pays du Sud, et le chômage s'est installé durablement. Les migrations ont commencé, certains allant vers Reims, beaucoup plus dynamique et plus riche, d'autres quittant carrément la région pour Paris ou pour le Sud de la France. Les gens du coin, qui restent encore et continuent à travailler dans les usines, ressentent tous les jours les menaces de suppressions d'emploi et du mur qui se trouve au bout du processus : l'impossibilité de retrouver du travail et l'émigration quasiment obligatoire pour les enfants.

Ces régions, il est vrai, ont beaucoup été marquées par la gauche et particulièrement par l'action des communistes. Sarkozy ne pouvait y venir sans aborder des questions sociales. Il y retourne aujourd'hui, et j'espère qu'il sera bien accueilli. A l'évidence, la région n'a pas bénéficié des HS défiscalisées, et souffre toujours autant économiquement. Les promesses se sont évanouies, et la crise menace maintenant tous ces emplois déjà difficiles à maintenir.

Ce qui me hérisse finalement, c'est que c'est encore Sarkozy qui va voir ces gens pour leur raconter ses conneries. Que font les autres ? Pourquoi la gauche ne va-t-elle pas à la rencontre de ces personnes-là, qui travaillent beaucoup et durement, qui sont inquiets et qui souffrent ? Nicolas, puisque tu vois Julien Dray demain, tu voudrais pas lui demander ???

P.S. : photographie réalisée par l'auteur du blog, tous droits réservés.

14 commentaires:

  1. je découvre également ce village..et les priviligiés parlent aux Français.
    sympa comme intitulé

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  2. @ Peuples : merci pour le commentaire et bienvenue ici.

    Rethel n'est pas vraiment un village, c'est une petite ville typique du Nord-Est de la France.

    Bonne visite en tout cas...

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  3. Ben voilà, 100 000 emplois aidés histoire de noyer de poisson et on y glisse de nouveau le CDD comme "norme" au lieu du CDI...

    Sinon c'est bien de parler de ces territoires du nord, à force de n'aller que dans le sud j'avais fini par oublier qu'on a aussi des zones sinistrées météorologiquement en France...les pauvres....

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  4. @ Fabrice : des emplois aidés ? mais c'est étatiste, ça ? J'adore cette capacité à changer complètement de doctrine comme ça, en deux mois. Les hommes politiques ont des capacités incroyables. J'aurai envie d'appeler le président l'ambidextre politique

    Sinon, ta dernière remarque est chargée du mépris de l'homme du Sud pour qui le Nord de la Loire équivaut à l'enfer sur Terre. Ayant aussi des origines par là, je comprends, mais je n'approuve pas ;)

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  5. pas du mépris, de la pitié... Allez, on sait bien que les départements du nord font pression sur Météofrance pour qu'ils ne nous donnent pas les vraies températures là bas hien ;)

    Sur ce je vais mettre un deuxième pull moi, on commence à se cailler à Paris....

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  6. @ Fabrice : c'est clair, j'ai vu passer quelques pingouins près de chez moi tout à l'heure. L'hiver du Nord approche...

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  7. Le coin est en effet très beau, tu as raison de le souligner. Quand au discours de Sarko, oui, il était quasi socialiste. Cohérence, quand tu nous tiens... (J'ignorais que le "travailler plus pour gagner plus" avait été prononcé là-bas ! Les pauvres...)

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  8. Oui moi aussi je crois qu'ils ne disent pas la vraie température du Sud pour ne pas déprimer le reste de la France, déjà qu'avec les subprimes ...
    Les Ardennes, c'est magnifique, même si je ne connais pas "en vrai", il y a les photos d'Archie, que je recommande toujours avec un grand plaisir (même si parfois, je reste un bout sans le visiter, pardon Archie !) :
    http://unzolitsa.blogspot.com/

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  9. @ MGP : euh, socialiste, c'est très vite dit...

    @ Audine : merci pour le commentaire et pour le lien.

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  10. Je reprenais ta remarque sur "ambidextre". La partie du discours de Sarkozy qui commence par "On me dit : ça coûte cher." et qui explique que oui, l'état va mettre de l'argent dans les compensations de perte de salaire + la formation des chômeurs et que cela coûte moins cher que des chômeurs longue durée, moi j'ai trouvé que c'était un argumentaire digne de l'opposition. Je ne dis pas que la mesure l'est. D'ailleurs, il dit juste que cela a été expérimenté et qu'il allait l'étendre, mais on ne sait pas vraiment ce que cela représente. (Fabrice parle de 100 000, je ne savais pas. C'est pas énorme en tout cas !)

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  11. @ MGP : non ce n'est pas énorme. Pour moi, c'est du vent, ce type d'annonce, censé calmer la foule avant la tempête. On verra bien...

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  12. Bonjour, je suis du coin (de Charleville-Mézières) Merci pour la description de notre petit coin de France.

    Je voulais vous signaler à propos de l'expérimentation du CTP que tout d'abord, c'est une mesure qui a été co-inventée par les représentants syndicaux et le Ministère des affaires sociales du temps de Martine Aubry, suite à la fermeture de l'Usine Celatex.

    Quelques années plus tard, le dispositif a été réactivé pour Thomé-Génot.

    Les salariés gardent leur salaire, travaillent dans une entreprise en tant que stagiaire de la formation professionnelle. Ce n'est pas le patron qui rémunère le travail mais le contribuable.

    En ce moment, nous trainons au tribunal un employeur qui a utilisé ce contrat non pas pour former ou requalifier des salariés victimes d'un plan social, mais pour les faire travailler sur les mêmes postes de travail que dans leur ancienne boite et sur les mêmes machines, le Conseil Général UMP les ayant racheté à la boite en faillite pis cédés à un autre (avec les salariés, de fait) pour une bouchée de pain.

    Une conclusion de cette expérimentation, c'est donc au minimum qu'il faut plus de contrôle. On nous a supprimé notre inspecteur du travail l'an dernier. Il ne nous reste plus que deux contrôleurs.

    Mon beau Département est déjà la plus grande zone franche de France (les 3/4 du territoire) on n'y paye pratiquement plus de cotisations sociales sur les nouvelles embauches, ni taxe professionnelle, ni impôt sur les sociétés. Un autre dispositif expérimental, l'amendement Warsmann, permet même aux cmmunes de renoncer à tout impôt sur les entreprises et un certain nombres de contributions des patrons. Et voilà que maintenant, c'est également le salaire net qui va être pris en charge par la collectivité.

    Nous sommes devenus quasiment un paradis fiscal et social. Ca nous rempli de honte.
    Nos employeurs ne veulent plus payer notre travail. Ils disent que ça coûte trop cher à cause de la concurrence. Pourtant dans les Ardennes, nous cumulons à la foi un des plus forts taux de chômage, un des plus bas niveau de salaire.
    C'est donc que ça ne marche pas de baisser le "cout du travail", à moins de chercher à faire pression à la baisse sur les salaires des autres travailleurs dans les départements voisins.

    Voilà, je suis très en colère par ce qu'on nous fait subir et je voulais aussi vous dire qu'on ne veut pas piquer vos emplois. Nous aussi, on est victimes de ce dumping.

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  13. J'ignorais tout ce que révèle Tom, c'est si loin et si secret les Ardennes! Je suis du sud et, non seulement je n'éprouve aucun dédain pour les Ardennes, mais elles font partie des coins privilégiés de mon imaginaire. Dans mon adolescence c'était le pays de Rimbaud, avec tout ce que cela entraine de curiosité et d'idées préconçues. Plus tard, j'y suis allé à trois reprises… La beauté des paysages, des forêts, était à la hauteur de mon attente… malgré le choc du climat. Six heures du matin, au pied de je ne sais plus quel village encore endormi. Un brouillard glacial sur une rivière, déchiré par un cygne. L'accueil réchauffant des ardennais, la découverte de leur simplicité endurante, d'un passé industrieux singulier comme ces forgerons cloutiers dont le souvenir me parait bien aussi attachant que celui des bouchonniers provençaux… Mais hier, j'ai mal suivi l'actualité, et je ne sais pas s'ils ont su clouer le bec à Sarkozy?

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  14. @ Tom : merci pour ce beau témoignage qui complète opportunément mon billet. Il faut que tu le dises sur ton blog !

    @ LCC : je crains que personne n'arrive à clouer le bec à Sarkozy, en tout cas, pour l'instant...

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