lundi 14 décembre 2009

« L’école ne peut pas tout ».

Cher lecteur, j'ai envie de partager avec toi un extrait d'un ouvrage que je suis en train de lire en ce moment, consacré aux résultats des examens PISA menés par l'OCDE, « L'élitisme républicain », de Christian Baudelot et Roger Establet, publié au Seuil en 2009. Ce petit bouquin est très intéressant et j'aurais sans doute l'occasion d'y revenir prochainement.

Pourquoi cet extrait ? Il s'agit d'une réponse à un article du très libéral H16, avec qui je suis très peu souvent en accord par ailleurs mais qui est un blogueur intéressant en général. Cependant, là, il signe un papier rempli d'affirmations sans fondements scientifiques sur le système éducatif, alors que son objectif était de dézinguer un article de Meirieu paru dans le Monde récemment, qui le méritait bien en effet mais avec d'autres arguments. Le texte de H16 correspond aux stéréotypes les moins évolués qui parcourent la droite française sur l'école, et je me désole qu'il tombe là-dedans…

Voici donc cet extrait que je te recopie ici :

« Une grande partie des obstacles que rencontrent les systèmes scolaires qui cherchent à élever le niveau de la totalité des enfants dépend de causes extérieures à l'institution scolaire. Une école ne constitue pas, dans une société, un isolat autonome dont l'efficacité dépendrait seulement du savoir-faire et de l'engagement de ses enseignants, de la docilité des élèves, de l'intelligence des programmes et des contrôles exercés sur la façon dont ils sont assimilés, des taux d'encadrement ou de la modernité des locaux. Bref, l'école ne fait pas tout. Elle doit composer avec la nature et le degré des inégalités qui préexistent au sein de la société. Le niveau de richesse du pays, la composition sociale de sa population, le régime des inégalités économiques et sociales, sans compter la place occupée par le système scolaire au sein de la société, sont autant de traits dont la combinaison contribue à forger l'identité particulière de chaque système scolaire, miroir plus ou moins déformant de la société qui l'a produit. Une école est toujours à l'image de l'écosystème qui l'entoure. Surtout, elle n'est jamais un sanctuaire : le monde extérieur y pénètre chaque matin par la grande porte sous la forme très concrète des flux d'élèves qu'elle accueille et dont les origines sociales, les trajectoires familiales et les difficultés – ou les facilités – représentent un condensé vivant des contradictions qui travaillent le corps social tout entier. Se concentrent en effet dans le fonctionnement quotidien d'une école les rapports de force et les contradictions de la société toute entière.
C'est ainsi qu'au cours du dernier demi-siècle, l'école en France a été frappée de plein fouet par tous les traumatismes majeurs qui ont affecté la société française et accompagné le développement sans précédent de l'économie et du niveau de vie des Français. Exode rural et désertification des campagnes, urbanisation, industrialisation, désindustrialisation, chômage, immigration, banlieues, racisme… Autant de mutations violentes et de dégâts collatéraux de la croissance qui ont directement touché l'école et se sont traduits, au final, par une masse croissante et diversifiée d'élèves à scolariser de plus en plus longtemps. Ce mouvement social était nécessaire pour élever le niveau de qualification requis par une économie moderne et pour répondre à la demande d'éducation croissante de familles très conscientes des enjeux de la formation. Mais, contrairement à l'image idyllique (et fausse) véhiculée par les « hussards de la République », et aux mythes qui l'accompagnaient, l'école a toujours été conçue en France, de la base au sommet, de façon inégalitaire. Les mesures destinées à transformer un système éducatif au départ très sélectif et hiérarchisé ont été prises avec beaucoup de retard, et non sans heurter de nombreux corporatismes : le collège unique est postérieur aux chocs pétroliers (René Haby, 1975) ; la gauche a permis des mesures essentielles en faveur des plus démunis (Alain Savary, 1981) ; Lionel Jospin a aligné les statuts des enseignants de l'école obligatoire en plaçant les professeurs des écoles au même niveau que les professeurs de collège et en revalorisant leurs salaires.
En dépit de ce retard, la massification, conçue en grande partie comme un traitement scolaire du chômage, a permis une élévation sensible du niveau scolaire et une réduction des inégalités sociales. L'intérêt des mesures de PISA est de montrer que les solutions mises en place sont encore loin d'être à la hauteur des problèmes, notamment si l'on prend en considération les niveaux minimaux de qualification. »

4 commentaires:

  1. très bel extrait, très moche article de h16 (mais dont je n'ai lu que la moitié, déjà trop insupportable)
    et tes arguments contre l'article du Monde ?

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  2. @ June : j'y travaille, j'y travaille...

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  3. Mais Monsieur Prune! LISEZ cet article: il est en deux parties qui se contredisent totalement et qui révèlent une perversité achevée de la pensée! Cet article révèle ses vériatables ressors seulement dans le dernier tournant. In cauda venenum!
    à Mathieu: j'ai un doute, ne fais-tu pas un contre sens? cet article est-il l'émanation d'un esprit au cynisme total et à la tournure complètement tordue... ou est-il l'acte désespéré de quelqu'un qui tente une forme de dérision...? J'ai un doute sérieux.
    G.

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  4. @ G. : vu le peu de clarté de ton commentaire, j'ai dû mal à suivre. Il va falloir que tu explicites.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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