samedi 16 janvier 2010

La difficile gestion de l’aide humanitaire dans les situations d’urgence.

Parmi les divers engagements que j'ai eus dans ma courte vie, j'ai appartenu à une importante association humanitaire. Lorsque je suis entré dans ce mouvement, nous nous trouvions en plein dans l'une des grandes crises qui suscita un important élan de dons de la part de la population française. Il s'agissait de la guerre qui frappa le Kosovo en 1999.

Souviens-toi, cher lecteur. A ce moment-là, l'armée yougoslave tentait d'écraser les Albanais du Kosovo, et la situation s'aggrava lorsque l'OTAN commença à bombarder celle-ci. Des flots très importants de Kosovars se jetèrent sur les routes et passèrent dans les pays voisins, en Albanie et en Macédoine particulièrement. Cette détresse, répercutée sur toutes les télévisions du monde, provoqua chez nos compatriotes une énorme vague de générosité. Mon association, comme beaucoup d'autres, se lança dans d'énormes collectes qui nous demandèrent, à nous bénévoles, un travail très important. Nous dûmes collecter pendant plusieurs semaines des produits alimentaires, des produits d'hygiène et des produits pour bébé. Nous dûmes préparer des palettes, même dans de toutes petites associations locales, et attendre que les services centraux viennent récupérer tout ça pour l'expédier vers ces régions.

Pour nous, cette campagne fut une déception. Malgré des collectes impressionnantes, une bonne partie est restée en France (du fait de l'incapacité logistique à acheminer cette masse sur place), les belligérants (et l'Albanie en particulier) en ont détourné beaucoup et finalement, les populations visées n'en ont que peu profité. Prenant acte de cet échec, les associations ont réorienté leurs actions vers la collecte de dons financiers, pour avoir une meilleure maîtrise, mais elles n'ont pas encore réussi à exploiter cette stratégie correctement. Par exemple, suite au tsunami en Asie, là encore, plusieurs milliards d'euros ont été collectés mais n'ont pas tous été utilisés, encore aujourd'hui. En effet, la loi interdit d'affecter un don à une autre cause que celle pour laquelle il a été envoyé. Cet argent va donc rester bloqué dans les comptes. Si on voulait le réaffecter ailleurs, il faudrait demander l'accord de chaque donateur. Je sais que mon association a détourné le problème en achetant des matériels qui pourront être mis en œuvre ailleurs, comme des systèmes de purification d'eau, mais on ne dépense pas plusieurs centaines de millions d'euros comme cela.

Malgré ces échecs, la population ne lâche pas et souhaite toujours contribuer. Encore aujourd'hui, plusieurs personnes sont passées dans nos locaux pour demander ce qu'ils pouvaient faire pour Haïti, et même, un jeune est venu se proposer pour partir sur place. Le problème est que le secours nécessite une organisation réelle, une réflexion forte, des processus de coordination et une estimation des besoins, humains et matériels, au plus près. Cet impondérable se confronte à un désir tellement fort d'aider, mais aussi à l'urgence de la souffrance sur place, qu'il provoque souvent de la frustration dans la population, qui se voit freinée dans son acte de générosité.

La situation haïtienne, au-delà de l'urgence du moment, devrait nous inciter pourtant, vu les expériences passées, à l'humilité. Cette île vient de subir un choc terrible, sa capitale a été frappée, une bonne partie de son gouvernement, de ses services publics et de ses infrastructures ont disparu. Il en est de même de la structure mise en place par l'ONU, la MINUSTAH. En clair, nos associations vont s'engager sur un terrain inconnu car reconfiguré, totalement détruit et où le naufrage pourrait très bien arriver.

Suis-je en train de dire qu'il ne faut pas donner ? Non, je n'irai pas jusque là, mais il faut que nos concitoyens se rendent compte qu'il ne suffit pas d'envoyer de l'argent ou une boite de pâtes pour qu'il arrive sur place dans l'assiette d'un habitant de Port-au-Prince. Tout cela demande une réflexion, une stratégie et une organisation, et les dons ne correspondront pas forcément aux besoins. Les associations ont certes une expérience maintenant, mais tout se jouera sur la coordination entre elles, les États intervenant sur place, l'ONU et l'État haïtien.

C'est pour cela que le don en argent reste encore le plus efficace, puisqu'il permet de s'adapter dans le temps, alors qu'un paquet de pâtes reste un paquet de pâtes…

7 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  2. D'autant que, l'argent, c'est tout de même plus facile à rapatrier sur un compte suisse, pour les quelques ceux qui, presque immanquablement, vont finir par mettre la main dessus.

    Alors qu'essayez donc de vous pointer dans une banque de Zurich avec un semi-remorque de macaronis...

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  3. @ cry : je n'aime pas les spams.

    @ Didier : certes aussi, mais on peut aussi détourner des pâtes, comme cela a pu se passer au Biafra ou en Éthiopie. Il n'existe pas de système parfait.

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  4. Vous avez raison : l'ingéniosité humaine n'a pas de limites...

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  5. @ Didier : c'est tout de même l'un de nos points forts...

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  6. Salut
    c'est quoi ce lien que tu me fais, un peu indécent de mettre mon billet sur wikio sur un billet sur Haïti... Mais c'est toi le chef ici :-)
    PS : c'est gentil quand même

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  7. @ LCDM : le lien avec le mot "stratégie" me semblait cohérent avec ton billet.

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