vendredi 16 avril 2010

Histoire de violences scolaires : deuxième partie.

L'histoire que je te racontais le week-end dernier, cher lecteur, je l'ai réellement vécue. Elle se déroulait durant l'année scolaire 1988-1989, année où j'étais en sixième. L'année suivante, le même gamin était toujours dans ma classe, mais je n'étais plus délégué, et je n'avais plus l'obligation systématique de l'accompagner chez les CPE.

A l'époque, j'étais dans un collège dit difficile. La commune dans laquelle mes parents vivaient, localisée en Seine-Saint-Denis, est aujourd'hui devenue l'une des plus chères du département, et sa population change. A l'époque, la ville était habitée principalement par des populations ouvrières, souvent immigrées, des classes moyennes se trouvant regroupées dans quelques rues très localisées. Mes parents étaient membres de cette dernière catégorie. Contrairement aux autres familles de ce groupe, qui commençaient à l'époque à fuir les établissements publics de la commune, j'ai fréquenté les bancs de l'école publique.

A l'époque, contrairement à ce qui semble être dit aujourd'hui, la violence scolaire était une préoccupation permanente et sans arrêt remise sur l'avant de la scène par les acteurs du milieu scolaire. Mon établissement n'y faisait pas exception. Les scènes étaient régulières avec des profs souvent très jeunes, mais, contrairement à ce que l'on peut entendre souvent, on y apprenait des choses. Je n'ai vraiment pas l'impression, avec le recul, de n'avoir pas pu travailler et de n'avoir rien appris. Certes, certains cours se passaient mal, voire très mal, mais avec un nombre très restreints d'enseignants qui devaient, je suppose, avoir des difficultés particulières avec la question de l'autorité. Ces profs devaient considérablement souffrir.

Les élèves pouvaient donc travailler, mais cela ne signifiait pas que tout allait bien par ailleurs. Je me souviens que, lors de mon année de troisième, une bande de sixièmes et de cinquièmes se mit à racketter consciencieusement tout l'établissement. Cette bande était menée par un sixième apparemment en grande souffrance qui s'attaquait aux quatrièmes et aux troisièmes considérés comme étant des "bouffons", c'est-à-dire des gamins qui travaillaient et qui avaient envie de s'en sortir. Lui était en échec scolaire grave et il tournait sa haine, pas tellement contre les profs mais contre les autres élèves. Il a tenu un an dans le collège puis a disparu de l'établissement. A l'époque, je ne me passionnais pas pour la question et j'ignorais comment il avait pu tourner.

Et puis, alors que j'étais étudiant, je regardais un match d'une des équipes de France et j'ai brusquement vu les noms et prénoms de ce garçon s'afficher sur mon écran, arborant le maillot tricolore. Voilà donc que cet insupportable élève terrorisant tout un collège était devenu le défenseur des couleurs de la France.

Pourquoi est-ce que je te raconte cette histoire nettement plus positive que la première ? Les auteurs qui évoquent la violence des jeunes semblent oublier qu'ils sont des jeunes, c'est-à-dire des individus en formation qui sont en train de se construire. A l'époque, je n'aurais jamais pu imaginer que ce petit caïd pourrait finir autrement qu'en cabane un jour ou l'autre, et pourtant, il a réussi à s'en tirer et à faire de sa vie quelque chose qui, je l'espère, est loin de la délinquance et le satisfait.

La force d'un jeune est qu'il est toujours possible qu'il puisse rebondir. C'est malheureusement plus difficile pour un homme ou une femme adulte qui est enferré dans la réalité de sa vie et qui peut avoir beaucoup plus de mal à ressortir la tête de l'eau.

Le traitement de la violence scolaire, pour être efficace, doit articuler deux choses totalement différentes. Il doit sanctionner sévèrement pour faire prendre conscience au gamin qu'il trouvera face à lui une réponse forte de la société. Les adolescents sont en quête constante de limites et ils demandent aux adultes de les marquer et de les fournir. Cela permet à l'adolescent de comprendre que, malgré ses souffrances et ses haines, il n'est pas seul et le groupe le sanctionnera s'il dépasse les limites.

Par contre, il faut toujours, tant que cela est possible et qu'on n'est pas encore dans le cadre d'une intervention de la police et de la justice, laisser à un gamin une porte de sortie. Il faut que nous ayons la force de croire en tous les jeunes et de ne pas céder à la facilité de la condamnation définitive. N'oublions pas que les enfants nous renvoient avant tout à nous-mêmes et à nos faiblesses, et que s'ils sont violents, c'est avant tout à cause de nous, les adultes. Sans remettre en cause nos comportements, nos valeurs et ce que nous sommes, il est impossible d'envisager un traitement de la violence des adolescents qui permettra de construire un avenir pour tous les enfants.

14 commentaires:

  1. Mais qui est ce footballer ?? Allez raconte !!

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  2. @ Paul : qui a dit que c'était un footballeur ?

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  3. tu n'as décidément rien compris à mon billet, il faut le lire de gauche à droite (sans jeu de mot). Il n'y a aucune "condamnation définitive" ni aucune condamnation tout court.
    Lien décevant, nul et inélégant

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  4. La banlieue que tu évoques me fait penser à Montreuil... Je suis d'accord avec ta conclusion. Il ne faut pas fermer la porte!

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  5. @ LCDM : tu as raison. Je te présente mes excuses et j'ai changé le lien de place.

    @ Gwenaelle : merci.

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  6. Excuses largement acceptées :-) J'étais vexé parce que ça sous-entendait que j'étais un mauvais prof. On peut être sévère et juste. On peut écrire que certains n'ont pas leur place en fac sans être pour autant ou défaitiste ou méchant.
    Si j'ai pu commettre des erreurs en 5 ans, je pense avoir pris ma tâche à coeur et les évaluations des étudiants que j'ai fait remplir chaque année sont bonnes, sauf exceptions.

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  7. @ LCDM : en fait, j'ai pris ton billet comme un billet désabusé, état que je connais souvent après des cours difficiles. Tout prof passe par là, et il n'y avait, dans le lien, aucune volonté de t'accuser d'être un mauvais enseignant. Ce métier est dur, quand même, et ce dépit que l'on ressent parfois fait partie intégrante de cette difficulté.

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  8. J'avais mal lu, je croyais que tu parlais d'un défenseur donc j'ai pensé foot. En fait c'était un défenseur des couleurs de la France...
    Mince, je croyais tenir un scoop ;-)

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  9. Non ce n'est pas désabusé, j'ai même aimé faire ça mais ce qui me surprend est que je n'étais pas triste d'arrêter

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  10. @ Paul : qui a dit que ce n'était pas un footballeur ? Je n'ai rien dit, et je ne citerai pas son nom. Il n'a pas forcément envie de voir sur un blog, malgré une petite audience, rappelé ce passé finalement sans importance pour lui dans son parcours public.

    @ LCDM : ok, c'est clair. Et personnellement, je crois que je serais triste d'arrêter, mais encore quelques années...

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  11. Dans le débat actuel autour de la violence en banlieue, lors de la campagne pour la Présidentielle de 2007 Jacques Cheminade avait donné quelques pistes de réflexion autour déun vrai projet de désenclavement de la banlieue, le Plan Jaures :

    - arrêter toute mesure provocatrice du type de celles proposées par MM. Sarkozy, Villepin et de Villiers, comme expulser les étrangers en situation régulière arrêtés lors des émeutes ou orienter des jeunes de 14 ans vers l’apprentissage, en cassant toute perspective de promotion sociale réelle ;

    - redéployer réellement une police de proximité, rétablissant l’ordre et rendant l’espace public aux jeunes, et tisser un réseau de médiateurs sociaux grâce à des emplois jeunes, pour éviter d’avoir recours à des CRS ou à des brigades de gendarmerie inexpérimentées ;

    - redonner, bien au-delà de ce que prétend faire M. de Villepin, de réels moyens aux associations (par exemple, les crédits du Fonds d’intervention pour la ville et ses subventions aux associations ont diminué de 40 % entre 2004 et 2005) et aux boursiers ;

    - multiplier les cours d’alphabétisation et de soutien scolaire, au besoin par la mobilisation de retraités bénévoles et prévoir le suivi cas par cas de chaque élève par une équipe pédagogique, avec des classes de quinze à vingt-cinq élèves maximum ;

    - prévoir dans chaque collège une assistante maternelle et sociale aidant et motivant les enfants et leurs parents. Les soins de dentisterie et de lunetterie doivent être enfin remboursés : il ne s’agit pas ici de rentabilité financière, mais de simple dignité humaine ;

    - la mise en place systématique d’écoles de la deuxième chance, fournissant à la fois une formation générale et une formation professionnelle. Or il n’y en a que huit aujourd’hui et l’Etat ne les finance pas ; il faut le faire sans délai, en les multipliant ;

    - créer dans chaque quartier une « maison du citoyen » regroupant dans des conditions de proximité tous les services administratifs aujourd’hui trop dispersés ou installés en dehors de la cité (CAF, services judiciaires, services de police, services d’accueil et de renseignement, interprétariat, cours pour adultes, activités d’animation) ;

    - stopper une politique d’imposition et de contributions sociales qui favorise les riches au détriment des pauvres et des classes moyennes ;

    - interdire les jeux de hasard destructeurs, de type Rapido, Point-courses et vidéopokers dans les bars, et réglementer plus sévèrement les jeux vidéo violents ;

    - assurer un service d’eau potable à bas prix (le prix de l’eau a augmenté de 38 % en dix ans !), en rétablissant les régies communales et inter-communales ;

    - donner à tous un logement digne de ce nom, pas une cage à lapins, et imposer aux communes (241 communes, Neuilly en tête) qui ne respectent pas les 20 % social des amendes de 1000 euros (et non 150) par logement manquant, affectés à la construction de logements sociaux ;

    -offrir un avenir chez eux aux travailleurs africains. Notre première tâche doit être de faire de l’Afrique un nouvel Eldorado. Notre premier devoir est d’arrêter le pillage d’une caste dirigeante maintenue au pouvoir par les colonisateurs financiers. Alors l’émigration pourra devenir un choix, et non une fatalité sociale. Les terribles images de Ceuta et de Melilla ont contribué à enflammer nos banlieues ; la seule solution pour empêcher qu’elles se reproduisent est de développer l’Afrique ;

    lire la suite : http://david.cabas.over-blog.fr/article-faire-face-a-la-violence-sociale-48982827.html

    Le blog de David C.
    david.cabas.over-blog.fr

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  12. @ David C. : soit, mais la violence scolaire ne concerne pas que la banlieue, loin de là.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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