jeudi 15 octobre 2009

1 500, cher lecteur, 1 500…

Évidemment, toi qui a été attiré par ce titre, tu te demandes de quoi je parle.

Aujourd'hui, par une source syndicale, nous avons appris que 1 500 gamins n'avaient toujours pas de place en classe de seconde sur l'Académie de Créteil. La plupart d'entre eux avait demandé une place en seconde professionnelle, et les conseils de classe de troisième avaient donné leur accord. Or, depuis deux ans, le lycée professionnel est en pleine réforme, mettant en place le bac professionnel en trois ans.

Au passage, le Rectorat de Créteil, sous l'impulsion ministérielle, ferme des places. Pourquoi ? Officiellement parce que le gouvernement s'est engagé à appliquer la loi d'orientation de 2005 visant à respecter le 100-80-50, soit 100% des élèves avec un diplôme, 80% avec un bac et 50% avec une licence. Or, seulement 35% des élèves vont maintenant vers le lycée général. Pour arriver à 50% d'une classe d'âge à BAC+3, il faudra donc pousser davantage d'élèves à aller au lycée général, car les deux autres lycées donnent plutôt accès à des cycles courts d'étude (BAC+2 par des BTS ou des DUT). Au passage, on récupère ainsi des postes

Pour obliger les gamins à changer d'idée, on ferme donc les places et on les réaffecte en lycée général. Enfin, en théorie… parce qu'en parallèle, contraint par la politique de suppression des postes, le ministère de l'Éducation pousse à la fermeture de classe partout où c'est possible. Comme, officiellement, nous sommes, au lycée, dans un creux démographique, on fait des projections et on élague autant que faire se peut.

On arrive à une situation kafkaïenne ! Les élèves les meilleurs demandant le pro sont pris, vu qu'ils ont un bon dossier, et restent sur le carreau les gamins dont le dossier est le plus fragile. Ceux-là ne trouvent alors plus de place en lycée général, où s'ils en trouvent, risquent d'avoir de grosses difficultés. En parallèle, les élèves sortant de seconde générale et qui avaient demandé une réorientation vers le professionnel, alors que le président souhaite instaurer un droit à l'erreur dans l'orientation, se voient obligés de redoubler en seconde générale, en attendant des jours meilleurs.

Parmi ces 1 500 gamins, 400 ont moins de 16 ans. Ils sont donc soumis à l'obligation scolaire, mais ils ne peuvent poursuivre les études auxquelles ils ont droit de par leurs résultats. Certains ont donc été remis en troisième ! Mais oui, cher lecteur, tu as bien lu. Alors que le redoublement doit devenir l'exception, selon Sarkozy, on oblige des élèves ayant obtenu leurs passages à retaper une troisième. D'autres sont carrément hors de l'école, malgré leurs âges, et sont pris en charge par la Mission Générale d'Insertion, alors que celle-ci n'est pas censée s'occuper d'enfants de moins de 16 ans.

Et les autres, vas-tu me dire ? Eh bien, ils restent à la maison…

Depuis deux ans, les ministres et les recteurs affirment que les suppressions de postes et les réformes ne changent rien. Pourtant, pour la première fois, on entend parler de cas où l'école ne parvient pas à respecter la loi et à scolariser les gamins qui y ont droit. En clair, c'est le désordre

Je suis sûr que dans quelques années, on va commencer à nous parler de privatisation ou de décentralisation parce que, soi-disant, cela ne marche pas…

7 commentaires:

  1. c'est le principe de base de toute libéralisation d'un service public : le casser de l'intérieur, constater l'échec du service public, (étape parfois employée : dépenser un max de pognon sur une période courte pour tenter de redresser la situation mais en utilisant ces fonds à mauvais escient, mais là c'est un truc de vicieux, j'avoue), tout filer au privé

    on est mal barrés on est mal barrés

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  2. Les élèves ont une autre solution : passer 3 ans à attendre d'avoir le bac général qui, avec les taux de réussite actuels, n'est pas forcément plus difficile à avoir qu'un bac pro puis se réorienter en filière professionnelle après le bac général
    (et le pire, c'est que ces cas là existent...)

    Oui, le système marche sur la tête. On peut en vouloir au gouvernement pour une loi d'orientation de 2005 mais il ne faut pas oublier les gouvernements précédents (quel que soit leur bord). Ils n'ont jamais remis en cause la loi d'orientation de 1989 qui sortait déjà du même tonneau idéologique des "80%"...
    On peut faire exactement la même démonstration avec les élèves qui ont dû poursuivre leur scolarité jusqu'en classe de troisième à une époque où des choix d'orientation après la 5ème étaient encore possibles.

    Il est scandaleux que le gouvernement se mette lui même hors la loi en sortant de l'école des jeunes qui devraient encore y être mais je resterai plus circonspect quant à la conclusion du billet.
    Même si le système fonctionnait, j'aimerais bien que l'on me parle quand même de décentralisation car il est toujours possible de fonctionner mieux.

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  3. @ Gaël : mais non, camarade, la lutte continue !

    @ Oaz : concernant ton dernier paragraphe, je ne vois pas bien pourquoi la décentralisation serait la seule solution pour fonctionner mieux. Cela a marché pour les murs (et encore, pas partout) mais une administration reste une administration. De plus, la territoriale a tendance à augmenter ses coûts...

    Cela ressemble bien à une prise de position idéologique sans réelle justification derrière.

    @ Mtislav : merci.

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  4. @Mathieu,
    Je n'ai pas dit que la décentralisation serait la seule solution pour fonctionner mieux. Je dis juste que ce n'est pas une piste à bannir par idéologie jacobine...
    Par ailleurs, quand je dis "décentralisation", je ne pense pas forcément à appliquer à la partie ressources humaines et pédagogie le système existant pour les murs, à savoir un contrôle quasi-intégral par les collectivités locales.

    J'avais écrit un billet sur le sujet il y a fort longtemps : http://barrejadis.azeau.com/post/2006/05/16/Decentraliser-le-mammouth
    En gros, je crois que l'EdNat a besoin d'être décentralisée de l'intérieur en étoffant et en donnant du poids à des niveaux de coordination intermédiaires "métier", c'est à dire les matières enseignées (par opposition à une décentralisation administrative qui donnerait encore plus de poids aux chefs d'établissements)

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  5. ça donne la gerbe, tout simplement.
    A quand la grève générale? On attend quoi: qu'il nous fasse un 11 septembre à la sauce La Défense?

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  6. @ Oaz : cela ressemble davantage à de la déconcentration qu'à de la décentralisation, ton explication. Je vais aller lire le billet.

    @ Cpolitic : l'apathie ambiante a de quoi être surprenante il est vrai...

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