mercredi 31 mars 2010

Les profs, quelle bande de fainéants.

Vous allez croire, cher lecteur, que nous nous sommes pris, avec Manuel, d'affection pour Didier Goux, mais je me dois de réagir à une de ses publications.

Depuis quelques mois, le leader charismatique de la réacosphère publie une sorte de journal intime sur un blog assez confidentiel et sur lequel nous ne pouvons laisser de commentaire. J'admets que la lecture complète de chacun des billets est assez dérangeante, surtout pour le bien-pensant que je suis (bien sûr...), quand on doit enfiler en quelques minutes toutes les réflexions de l'auteur sur sa vision des différentes communautés habitant notre pays.

Dans son dernier billet, Didier me tacle dans une remarque que je trouve finalement assez juste. Je te la remets ici :

"Sur le blog de Mathieu, sympathique professeur d'histoire-géographie dans une banlieue de cailleras (je dis ça juste pour faire mon atrabilaire), je tombe sur cet incipit de billet : « Bon, les vacances sont là. Je vais enfin pouvoir me poser un peu après deux semaines très actives. » (C'est moi qui souligne.) Après ça, les professeurs s'étonneront que les travailleurs normaux les considèrent comme des fainéants. Heureusement, juste ensuite, il nous annonce une journée de grève pour la rentrée. Et il s'inquiète de ce que le “mouvement” des professeurs risque de venir buter contre les manifestations programmées concernant les retraites. Ah, c'est que ça devient délicat, de glisser sa petite grève dans un calendrier aussi surchargé, c'est sûr !"
Le raccourci m'a beaucoup fait rire, puis m'a fait très sérieusement réfléchir. D'abord, qu'est-ce qu'un travailleur normal ? Sans doute pas Didier Goux lui-même en tout cas. J'aimerais bien qu'on me donne une définition de ça...

On peut reprendre le terme travail de plusieurs manières. Tout d'abord, il s'agit de l'activité que nous effectuons pour gagner notre croûte et pouvoir manger. Cependant, dans le sens commun, le mot "travail" se charge souvent d'un aspect très négatif.

En fait, quand je repense à mon boulot de prof, je ne peux m'empêcher de différencier des activités qui me font profondément plaisir et d'autres qui me pèsent et dont j'aimerai bien pouvoir me débarrasser :
  • Préparer un cours reste un véritable moment de plaisir. Il s'agit de se replonger systématiquement dans nos connaissances, de les réactualiser et d'essayer d'imaginer une trame, une problématique, un scénario pour que les faits et les interprétations des historiens et des géographes passent chez nos élèves. Evidemment, c'est du travail, mais comme c'est un travail qui suscite du plaisir, je ne le prends que rarement comme un poids.
  • Faire cours, dans la plupart des cas, reste synonyme aussi de plaisir. Certes, c'est fatiguant (on est en représentation), parfois usant quand la classe est rétive (ce qui arrive souvent dans un lycée comme le mien) mais finalement, ce sont les moments les plus intenses de la semaine.
  • Un premier poids est la correction des copies, pour plusieurs raisons. D'abord, c'est un travail fastidieux. Ensuite, nous nous positionnons en tant qu'évaluateur, certes des élèves, mais aussi de nous-mêmes lorsqu'il apparaît évident que toute une classe n'a pas saisi un concept ou une notion. Enfin, en lycée, c'est long, très long si l'on fait le travail sérieusement, et là, je peux entièrement reconnaître que j'éprouve souvent l'envie de laisser traîner les paquets. Je me souviens qu'une année, j'avais carrément oublié un paquet qui est resté dans mon casier des semaines, et un beau jour, mes élèves de terminale m'ont rappelé qu'ils leur manquaient une note. Je me suis platement excusé pendant une demi-heure, et j'ai retrouvé les copies sous un tas d'autres choses dans mon casier. Heureusement que je suis rapide normalement, car sinon, ils m'auraient rudement remonté les bretelles, à juste titre.
  • Un second poids reste la lourde tendance de l'Éducation nationale à rajouter sans cesse des missions au travail de base, se matérialisant par des réunions sans intérêt. Pour moi, une bonne réunion a un ordre du jour, dure 30 mn et amène à l'action. Dans l'éducation, on se contente souvent de nombreuses parlotes sans intérêt, d'autant plus que chaque prof, individualiste lorsqu'il s'agit de pouvoir se montrer, tient à s'exprimer pendant au moins 5 mn... Là, j'admets aussi que je subis, tout en n'hésitant pas à prendre mes 5 mn réglementaires.
  • Enfin, il y a de nombreuses tâches techniques dont on aimerait bien se débarrasser, comme les bulletins ou les cahiers de texte, voire les conseils de classe, mais qui doivent être faites.
  • Et puis, il y a les relations avec les élèves, mais aussi avec les parents, voire avec la hiérarchie. Dans un récent rapport, les profs en fin de carrière indiquaient que deux choses les fatiguaient beaucoup dans leur métier : les élèves et... leur ministre.

Après, je ne nie pas du tout que, comme tout être humain, les enseignants tentent d'échapper à tout ce qui est pénible dans le boulot. Je suis sûr que je ne suis pas le seul, vu le nombre de blogueurs qui gèrent cette activité depuis leur lieu de travail !

Cependant, quel plaisir de donner un cours, cher lecteur ! Si un jour tu en as l'occasion, et malgré toute la préparation que cela suscite, je te conseille vivement de tenter le coup. Transmettre, tout de même, quel métier...

8 commentaires:

  1. Il ne faut pas généraliser, ni dans un sens, ni dans l'autre. D'abord, certains profs travailleurs et ambitieux (pour leurs élèves) vont refondre sans cesse leurs cours ou passer du temps à personnaliser la correction quand d'autres font du "fini-parti" comme on dit à Marseille.
    Ensuite, il y a une sérieuse différence de travail à fournir entre un prof d'histoire ou de philo au lycée et un prof de math en 6ème. Ce n'est pas le même métier, et je m'étonne que les horaires et les salaires soient comparables.

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  2. @ Paul : en fait, ce billet visait plutôt à parler de mon cas, et pas de faire des généralités, même si les tâches se ressemblent par ailleurs.

    Sur les différences, un collègue de collège subit bien plus de la part des élèves. Je passe sans doute plus de temps sur mes cours, mais certains de mes collègues de collège doivent passer plus de temps chez le psy.

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  3. moi je ne la trouve pas fastidieuse la lecture du leader charismatique (enfin il faudrait le voir pour être sur qu'il est charismatique), mais il n'a pas l'air d'avoir un travail harassant.

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  4. @ Olympe : en fait, je ne visais pas la qualité de l'écrit, mais plutôt ce que dit parfois l'auteur. En fait, tu as raison, le terme est mal choisi. Je vais modifier.

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  5. Je suis tout à fait d'accord avec ta vision de la réunion efficace !

    En ce qui concerne les mathématiques, je pense que le travail est différent, ni plus long ni plus court si on le fait consciencieusement. Par exemple il me faut en moyenne 3 heures pour préparer un contrôle d'1 heure, et effectivement les corrections sont peut-être moins longues (20 minutes par copie de bac de 4h, plutôt 45 min au début et 15 à la fin).
    Et en temps de préparation les profs de collège ont certainement besoin d'autant, si ce n'est de plus de temps : plus les notions sont "faciles" à nos yeux, plus elles sont difficiles à transmettre.

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  6. @ June : en HG, c'est très différent. Au collège, le temps de préparation est nettement plus court. Par contre, une copie de bac met plus de temps à corriger (30 mn au début, 20 mn à la fin).

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  7. J'ai eu mon dernier cours hier il faut que je raconte ces 5 années...

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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