samedi 18 octobre 2008

Sésame, ouvre-toi !

Ce matin, nous remettions à nos joyeux anciens élèves diplômés leurs sésames : le baccalauréat.
En effet, cher lecteur, la remise du diplôme a changé. Autrefois, l'Éducation nationale faisait cela à la française. Tu recevais un vague courrier cartonné par la Poste, dans lequel se trouvait le papier salvateur. Qu'en as-tu fait, cher lecteur ? Moi, pas grand-chose. Je l'ai remisé dans un vague carton qui doit traîner dans ma cave, entre mon dernier carton de vin rouge et les boites occupées par les cours des années précédentes de ma conjointe. En fait, en y réfléchissant bien, je ne sais même pas où est mon bac.

Depuis deux ans, le système a changé. Voulant redonner un peu de sens aux choses, le gouvernement de droite a décidé d'une mesure salvatrice et qui a l'avantage de faire économiser à l'administration des milliers d'euros de frais de port. Dorénavant, les diplômes sont remis au lycée où l'élève se trouvait inscrit. Certains établissements envoient alors un courrier pour demander aux anciens élèves de se déplacer sur les heures ouvrables pour les récupérer.

Dans mon bahut dit "difficile", nous avons décidé de faire autrement. Une cérémonie de remise est organisée, qui réunit les édiles locaux, les anciens élèves, l'administration du lycée et les enseignants qui le souhaitent. Les élèves ont droit à quelques discours, puis le diplôme est solennellement remis. A la fin, le lycée offre un pot aux jeunes bacheliers.

Au départ, je dois t'admettre, cher lecteur, que je ne voyais pas bien ce que le gouvernement pouvait trouver à cette organisation, à part économiser des timbres. Après avoir assisté à deux cérémonies, je reste persuadé que cela ne change pas vraiment l'attachement de nos élèves à la France et au respect des lois.

Par contre, il y a un effet inattendu : nos anciens élèves repassent au lycée tous ensemble, viennent nous voir, nous racontent leurs premières expériences d'étudiant et, s'ils le souhaitent, nous marquent un peu d'affection.

Je dois te dire que je ne suis jamais retourné dans mon propre lycée après l'obtention de mon diplôme. Pour moi, le lycée avait été un calvaire total. Je n'ai pas vraiment été un adolescent épanoui et ma jeunesse a plutôt ressemblé à une survie qu'à une vie. Mon lycée était devenu un peu un symbole de ce mal-être, et y revenir était bien la dernière des idées que j'aurai eu à l'époque. D'ailleurs, je ne me sentais pas du tout proche de mes enseignants, des gens sans aucune capacité d'écoute et détachés de leurs élèves, et je n'avais pas vraiment envie de les revoir, à l'exception peut-être de mon prof d'histoire-géographie, homme admirable par les cours que j'ai eu la joie et le bonheur de suivre.

Il y a six ans, par un hasard étrange, j'ai été nommé dans un jury de bac qui siégeait dans cet établissement. J'y suis donc revenu, et rien n'avait changé, à part peut-être quelques peintures refaites. Intrigué, je me suis glissé dans la salle des profs et j'ai retrouvé quelques noms de personnes qui avaient été mes profs et qui étaient maintenant mes collègues. Je n'ai rencontré personne, mais je me suis dit, alors jeune enseignant moi-même, que j'aurai quand même pu venir dire un mot à ceux que j'aimais bien, mais à l'époque, je ne pouvais pas.

Ce matin, j'ai croisé quelques-uns de mes anciens élèves de l'an dernier, tout heureux de nous raconter leurs aventures dans le supérieur. Ces quelques échanges avec ces jeunes serrant leurs bacs dans les bras m'ont suffi à me satisfaire du travail effectué. Je sais d'expérience que nous avons une part infime de responsabilité dans la réussite de ces jeunes, qu'il y a tout un contexte qui entre en jeu et qu'ils sont les seuls acteurs de leur succès. Moi-même, je n'aurai jamais reconnu à un seul de mes profs de lycée une toute petite part dans mes réussites scolaires. Mais là, ces quelques échanges m'ont largement suffi, et fait du bien. Je suis regonflé à nouveau, et prêt à manifester demain.

Finalement, cher lecteur, voici un exemple de mesure gouvernementale qui, réapproprié par un lycée, a permis peut-être de consolider un lien entre ces jeunes et leur école. Par contre, pour la belle image de la nation triomphante, je crois qu'il y a encore beaucoup à faire...

8 commentaires:

  1. Je crois que j'aurais bien aimé ce genre de cérémonie ! Je reste frustré du côté administratif-froid de l'obtention des diplômes. Un côté très "joie intérieure"... :)

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  2. @ Balmeyer : oui, c'est vrai que le courrier, c'est quand même assez glacial. C'est comme l'arrivée d'une facture.

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  3. Comme quoi le symbolique ça a aussi du bon (cf l'idée de remise de médailles en fonction de la mention...) ;)

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  4. @ Elyas : non, les médailles ne serviraient pas plus que la remise symbolique des diplômes. A part peut-être décorer un mur ou une cheminée...

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  5. Mon hypothèse est qu'ils avaient en vue la privatisation de la poste, donc un fonctionnement aléatoire façon compagnies téléphoniques d'aujourd'hui. Ne pouvant prendre le risque de perdre ces diplômes dans la nature après avoir payé des frais de ports exorbitants, ils ont décidé de contourner l'envoi postal.
    Moi je suis toujours retournée dans mes bahuts de toute façon. Suis une nostalgique de naissance.

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  6. @ MGP : belle manif hier, non ?

    Pour les envois, je crois aussi que ce système permet surtout de grosses économies. Quant à imaginer la privatisation de la Poste, il y a un pas que je ne franchirai pas...

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  7. Cela ressemble à un désir d'importer chez nous des coutumes anglo-saxonnes,comme halloween, non? ;=) (mais organise-t-on ailleurs ce genre de solennité avant l'enseignement supérieur, au fait?)

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  8. @ LCC : c'est possible, on est pas à ça près dans le suivi du modèle américain (cf. les subprimes).

    Cela dépend des établissements je crois.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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