jeudi 5 mars 2009

La mise en examen du président Bachir par la CPI : une bonne décision pour le Darfour ?

Comme tu le sais sans doute, cher lecteur, la Cour Pénale Internationale (CPI) a osé, pour la première fois, inculper un chef d’État en exercice pour crime contre l’humanité et crime de guerre, dans le cadre de la guerre au Darfour.

Cette guerre opposant les différentes composantes de la population soudanaise n’a jamais vraiment passionné les médias français, sauf à quelques moments très particuliers. Finalement, on a l’impression que ce conflit, toujours en cours et particulièrement meurtrier, revient sur le devant de la scène non pas pour lui-même, mais plutôt à cause de l’épisode nouveau de la tumultueuse histoire du droit public international.

Depuis sa création en 1998 par le traité de Rome, la CPI s’est lancée dans de longues procédures, et uniquement sur des pays d’Afrique (Ouganda, République Démocratique du Congo, Centrafrique, Soudan). Certes, elle bénéficie des expériences des tribunaux pénaux internationaux ayant fonctionné avant elle, et particulièrement de ceux sur le Rwanda et la Yougoslavie.

Personnellement, je pense que la CPI est une excellente chose dans ses fondements idéologiques. Traditionnellement, nous concevons le droit, nous citoyens lambdas, comme une simple résultante du travail de l’État national. La CPI pourrait offrir la garantie que lorsqu’un État déraille, ses dirigeants qui ont bafoué les droits du peuple et ont commis des crimes puissent un jour être jugés, même si la justice de l’État en question ne parvient pas à agir. Il s’agit bel et bien d’un droit supplémentaire. De nombreuses dictatures ne s’y sont pas trompées (la Chine ou la Russie par exemple) et il est dommage que des grandes démocraties aient pris la création de cette cour comme une limitation de leurs souverainetés (États-Unis, Israël). L’histoire montre que les tribunaux nationaux, s’ils arrivent parfois à juger, peuvent aussi être bloqués par des contingences nationales. Il n’y a qu’à voir le temps que la France a mis pour juger certains de ses criminels de guerre de la Seconde Guerre Mondiale.

Pourtant, en mettant en examen un chef d’État dirigeant un pays en guerre, la CPI a pris une lourde responsabilité. Le régime soudanais a en effet réagi en commençant à expulser les humanitaires occidentaux travaillant sur place. De plus, les États africains réagissent en invoquant un discours anti-occidental assez nauséabond dans ce cas précis.

Je partage donc avec toi deux réflexions, cher lecteur :

Pour éviter cet effet de répression contre les victimes du criminel de guerre, il faudrait une police qui assiste la justice, comme cela se fait à l’intérieur des États. Actuellement, il est clair qu’aucune intervention de l’ONU n’est prévue dans ce pays : depuis l’échec des Américains en Somalie en 1993, les grands pays ne sont pas très dynamiques pour se lancer dans des opérations africaines d’ampleur. Dans ce cas, la CPI est obligée d’attendre que Bachir se déplace et soit arrêté par une autorité judiciaire d’un autre État. Il est évident, vu les réactions dont je parle ensuite, qu’aucune justice africaine ne le fera. D’ailleurs, un État occidental le ferait-il ? Sans police valide, la CPI ne peut donc rien faire et ne fait que provoquer un peu plus de souffrance au Darfour, région déjà bien éprouvée.

La seconde question concerne la polémique soulevée par le président Wade sur l’intérêt unique de la CPI pour l’Afrique. Il faut quand même dire, sans jouer à l’Occidental moralisateur, que l’Afrique est un continent où les dictatures et les guerres civiles sont nombreuses. Maintenant, je crois aussi que l’inculpation d’un dirigeant d’une grande démocratie aurait un effet redoutable. Je vois mal un président démocrate se maintenir après une inculpation de la CPI. La démission serait automatique. Elle est donc sans aucun doute une menace assez importante sur la tête de nos propres dirigeants. Les Africains doivent faire le ménage chez eux aussi, même si nous avons, nous Occidentaux, notre part de responsabilité dans leur situation. Président Wade, laissez tomber ce criminel de guerre. L’Afrique mérite mieux que cela…

La CPI est donc fondamentalement une bonne chose, mais elle n’a pas les moyens de ses ambitions. Le seul espoir des Soudanais serait que les soutiens de Bachir le lâchent et le fassent tomber, pour sauver leur régime en ce moment en crise. Espérons pour les habitants du Darfour ce dénouement.

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