mercredi 3 novembre 2010

Et maintenant, l'Education nationale doit éduquer les enfants à la publicité...

Ce matin, alors que je sirotais mon café au lait, j'écoutais nonchalamment l'émission "Service Public" sur France Inter, qui traitait de la question des enfants consommateurs. Depuis 10h00, on a eu le droit à toutes les perles sur ce type de sujet : la télé est très vilaine, les enfants connaissent mieux les pubs que la littérature, l'influence des médias est telle qu'il est impossible d'y résister...

Lorsqu'on écoute ce genre de débat, on peut avoir une réflexion qui vient de suite : comment est-il possible que les enfants soient aussi influents sur les choix des parents ? Je m'explique.

Je suis né à la fin des années 1970, et comme tous les enfants de ma génération, j'ai été soumis au flot publicitaire massif qui se déversait sur nous autour des émissions jeunesse. Plus j'ai vieilli, plus le phénomène est devenu marquant et il m'est en effet arrivé de demander à ma mère au supermarché qu'elle daigne m'acheter un produit que je puisse consommer, alors que celui-ci n'était pas dans nos habitudes. Eh bien, cher lecteur, je peux te dire que jamais je n'ai pu obtenir des choses délirantes. Ma mère gérait son argent et n'était pas du genre à se laisser déborder par des sales gosses en train de faire des caprices. Or, en écoutant France Inter, on se demande si les enfants ne sont pas devenus des monstres. Les discours des intervenants étaient très clairs : impossible de résister à la pression de nos chères têtes blondes en train de réclamer des marques.

D'ailleurs, à un moment, l'une des intervenantes a déclaré, péremptoire : "ah, mais vous savez qu'un gamin qui ne sait même pas encore lire sait reconnaître un pot de Nutella et connaît totalement cette marque ?"

Bon, essayons de nous mettre à la place d'un gosse de trois ans. Tous les matins, ses parents lui servent un petit déjeuner. Lors de celui-ci, ils lui présentent différents aliments, généralement en demandant au bambin s'il souhaite manger tel ou tel. Par exemple, la maman, pleine de gentillesse, lui propose du lait, des céréales, du beurre, de la confiture ou du Nutella. Le problème, c'est que ce produit est tellement devenu dominant dans sa branche que son nom a remplacé l'appellation de "pâte à tartiner" qui est normalement le sien. Les enfants identifient donc cet aliment comme du Nutella, comme il le ferait d'un frigidaire, d'un kleenex ou d'un morceau de sopalin. On en vient donc à reprocher à la publicité des choses dont elle n'est pas responsable. Durant toute cette émission, on a entendu la complainte de parents incapables de gérer les pulsions de leurs enfants et de les refuser. Certes, la publicité est un vecteur de pulsion, mais il y en a d'autres.

Si vous voulez que vos gosses cessent de demander des choses sans arrêt en s'appuyant sur des pubs, inutile de les priver de TV ou d'internet, de faire des scènes au supermarché voire de les envoyer dans leur chambre avec une punition. Il suffit de dire non, tout simplement, et de vous y tenir. D'ailleurs, une auditrice le disait ce matin : la suppression de la TV à son domicile n'a servi à rien sur ce point.

Malheureusement, dans ce genre d'émission, comme tout le monde est en train de se décharger de ses responsabilités, arrive le moment fatidique où le problème retombe sur la tête des privilégiés. Là, Isabelle Giordano proclame que l'Education nationale doit mettre en place une éducation à l'image et à la publicité.

Cette idée était déjà présente dans la réforme du lycée, mais nous n'en voyons heureusement pas tellement la couleur. Bien sûr, les images ne sont pas absentes de nos cours. On travaille beaucoup sur des oeuvres d'art, sur la propagande politique, et il m'est même arrivé de faire un cours s'appuyant sur des pubs lorsqu'on travaille sur le développement de la société de consommation au XXe siècle en terminale générale. Cependant, ce que nous demande ces irresponsables, ce n'est plus d'utiliser l'image comme support et document historique pour apprendre des vraies choses importantes mais d'utiliser cette image comme objet d'apprentissage en soi.

Il serait tout de même bon que nos concitoyens comprennent que si l'on continue à charger l'Education nationale de toute une série de missions débiles et inutiles visant à compenser les manquements des parents et/ou de la société à l'égard des jeunes, on n'aura pas de meilleurs résultats que vous (comment remplacer l'autorité parentale ?) mais on fera de moins en moins de choses intéressantes, comme de l'histoire, de la géographie, des sciences, de la littérature...

Faites votre boulot de parents, et laissez-nous faire tranquille notre boulot d'enseignant.

11 commentaires:

  1. Je propose que l'EN soit dorénavant en charge de l'allaitement des mômes dès la naissance. Tas de fainéants !

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  2. Je veux bien qu'ils m'allaitent, mais ils n'auront pas beaucoup de lait...

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  3. C'est un billet (excellent au demeurant) sponsorisé en co-production par Nutella®, Sopalin®, et Kleenex® ?

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  4. Bravo.
    C'est comme les parents qui veulent le retour de l'uniforme à l'école parce que "les marques, ça coûte trop cher". Ils n'ont qu'à dire "Non!" à leurs enfants. Depuis quand ce sont les gosses qui décident?
    C'est toujours de la faute des autres, la société, mais surtout l'école.
    L'école n'est pas là pour se substituer aux parents, chacun son rôle.

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  5. Joli billet! Saine réaction d'un esprit encore à l'endroit.
    Nos gentilles éditocrates à tailleur Agnès B. veulent imposer leur aliénation à toute la société.
    Elles y mettent un bel acharnement qui cache mal leur soif de pouvoir.
    France inter devient insuportable et tout simplement inaudible; Audrey Pulvar n'y suffit plus.

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  6. Très bon billet. Auquel je souscrits tout à fait.

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  7. Voilà l'application suprême de la méthode globale, savoir reconnaitre les marques dans les supermarchés, et passer par dessus l'autorité, où ce qu'il en reste, des parents. La marque à la noisette accomplit avec pédagogie ce qu'aucun révolutionnaire n'a eu par la force!

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  8. "Isabelle Giordano proclame que l'Education nationale doit mettre en place une éducation à l'image et à la publicité."
    Tout à fait dans l'état d'esprit dominant de ce pays : déléguer à "l'état" ce que l'on devrait faire soi-même. Et l'État ne se fait pas prier pour accepter ...
    Et si l'école se chargeait uniquement de sa mission première : l'instruction ?

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  9. @ LCC : je suis sponsorisé.

    @ Ink : entièrement d'accord. Va bientôt falloir que je leur fasse les courses.

    @ Anonyme : pour moi, Audrey Pulvar n'a jamais suffi.

    @ H16 : ah non ! Si tu es d'accord avec moi, je vais passer en procès prolétarien.

    @ Boissoudy : si les parents abandonnent leur autorité, c'est un choix. Les révolutionnaires du passé ne sont pas parvenus à convaincre nos concitoyens de faire ce choix.

    @ Before : attention, vous êtes sur un blog de gauchiste. Je crois que l'Etat peut parfaitement s'occuper de nombreuses tâches. Cependant, l'autorité parentale reste encore une mission que les parents exercent très bien eux-mêmes. En théorie, tout du moins...

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  10. ben oui ,mais bon .... comprenez ces pov'parents aussi s'ils ne laissent pas leurs chers têtes blondes à leur nounou préférée et si pratique qu'est la télé que vont ils faire avec leurs gosses ? Alors que si l'école apprend à ces chérubins l'utilisation réfléchie de la zapette les voilà peinards et je pense que l'état préfère largement substituer les cours d'histoire à la bonne utilisation de tf1 , faisons des futures têtes pensantes de bon moutons bien éduqués enfin !!!

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  11. @ Anonyme : l'Etat n'est qu'un outil. Ce sont ses dirigeants qui rêvent de cela.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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