mardi 21 octobre 2008

Quand le bâtiment va, tout va !

Aujourd'hui, cher lecteur, je dois te dire que j'ai éprouvé un moment de satisfaction intense. Lorsque je suis sorti de mon établissement scolaire dit difficile, remontant dans mon automobile, j'ai pu entendre la nouvelle suivante : Christine Boutin venait de subir un camouflet au Sénat, les retraités de la République retoquant l'un des articles de sa loi sur le logement visant à permettre aux communes d'inclure les logements en accession sociale à la propriété dans les 20% de la loi SRU.

Cet événement (il est quand même rare que le Parlement crache sur un ministre issu de la majorité) m'amène à te proposer quelques réflexions sur cette loi.

A l'époque, je faisais partie de ces gens plutôt sceptiques devant cette nouvelle tentative de réforme de Lionel Jospin. La loi SRU contenait plusieurs aspects, mais le plus médiatisé à l'époque fut cette mesure visant à imposer à toute commune de plus de 3 500 habitants de construire du logement social pour que 20% de son parc immobilier soit en social. Cette mesure visait les communes des grandes agglomérations françaises se refusant obstinément à en construire. Cette situation marque simplement la volonté toujours plus ségrégative des groupes sociaux les plus aisés de notre pays. Le processus est ancien, et il se poursuit malgré la loi.

Son principe était a priori très clair. Pourtant, j'étais sceptique car cette loi me semblait l'illustration même de la politique jospinienne : une mesure forte dans le principe mais tout à fait évitable dans les faits. D'abord, l'existence même de la loi reconnaissait que la gauche au pouvoir renonçait plus ou moins à ce que l'État investisse à nouveau massivement dans le logement, alors que les besoins commençaient à se faire sentir pour les plus pauvres à l'époque. Ensuite, elle ne réglait pas les problèmes des quartiers, puisque peu de choses étaient prévus pour ceux-ci, et elle n'empêchait pas les communes riches de concentrer ces 20% de logements quelque part à leur tour. Enfin, il était possible aux riches de la contourner en payant une contribution, ce que s'empressèrent de faire les communes bourgeoises de la région parisienne.

Comme sur les 35 heures, Jospin avait poussé en avant une loi molle qui ne pouvait changer radicalement la répartition spatiale des groupes sociaux dans notre pays et amener à une vraie mixité sociale. En plus, j'étais sûr que la droite allait s'empresser, une fois revenue au pouvoir, de la remettre en cause. Cette loi n'avait en effet rien de libéral, symbolisait l'interventionnisme de l'État sur les communes et imposait en plus aux riches de vivre avec des pauvres ou de payer pour l'éviter.

Et pourtant, il n'en fut rien. La loi existe toujours et le Sénat vient de réclamer qu'elle reste en l'état (mais rien n'est joué, le texte devant faire une nouvelle navette vers l'Assemblée nationale). Il est vrai que la loi étant déjouable, pourquoi s'en débarrasser, vu que tout le monde sait qu'elle ne marche pas ?

Il y a sans doute le contexte qui a joué. Il ne faut pas oublier que les sénateurs représentent les collectivités locales. Ils sont cependant aussi parlementaires, et ils ont pris en compte la situation nationale. Comment en effet justifier aux Français qu'on renonce au logement social alors que nous entrons dans une dépression économique grave et que les prix du crédit immobilier et des logements restent inaccessibles pour beaucoup ? Nous aurions été en croissance économique, les choses auraient sans doute été différentes. De plus, les Français ne savent pas que la loi ne sert pas à grand-chose, mais ils sont attachés au symbole : remettre cela en cause dans le contexte du jour ferait du plus mauvais effet.

Finalement, la loi SRU semble s'installer dans le paysage politique et historique français, encore plus que les autres lois de Jospin. Les 35 heures ne sont plus qu'un souvenir, la CMU est régulièrement accusée de tous les maux par les pseudo-penseurs de droite. La loi SRU tient le coup, envers et contre tous les membres de la majorité au pouvoir.

Dommage pour cette loi qui, finalement, n'a que peu d'impact sur la crise du logement et sur celle des quartiers difficiles de notre pays...

P.S. : aucun de mes blogs favoris ne parle de cette nouvelle, m'empêchant de faire même un seul lien... Si cela change, je le ferai, cher lecteur avide de lectures enrichissantes...

15 commentaires:

  1. Oui, la loi SRU peut être un outil efficace, pour peu qu'on l'utilise pour assurer la mixité sociale, et non effectivement pour construire de mini-ghettos.
    Il est malheureux qu'un certain nombre de communes rechignent à s'y plier, même si quelque part je peux comprendre les craintes de certains des habitants. Mais à ce niveau-là, je ne suis même pas sûr qu'il faille en laisser la responsabilité aux municipalités, qui peuvent craindre la réaction de leurs électeurs. C'est à l'Etat d'agir pour s'assurer qu'on ne reproduise pas les erreurs des années 70, avec les cités-ghettos et la communautarisation galopante que cela entraine...Y compris en l'imposant aux villes récalcitrantes!

    Agir pour le logement social c'est aussi une politique de droite quelque part : c'est à mon sens un des éléments de réponse aux problèmes des banlieues...

    En revanche je confirme : la CMU est effectivement un véritable fléau en terme de coûts pour la Sécu et entraine une déresponsabilisation totale...

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  2. @ Elyas : c'est vrai que le logement fut une politique de droite dans les années 1960, mais rien depuis...

    Avoir des soins, c'est déresponsabilisant ?

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  3. C'est vrai, peu de blogs en parlent. Je crois avoir entendu à la radio, hier soir, que Christine Boutin renonçait définitivement à son article.

    J'ai une autre vision que toi de la relation entre l'état et les collectivités, dans cette histoire. Dans "notre" brave république, il me parait normal que l'état fixe des missions aux régions, départements et communes par la loi. Ce n'est pas nécessairement en désengagement de l'état mais une "décentralisation".

    Mais c'est vrai : cette loi ne résoud pas grand chose.

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  4. La création de logements sociaux ne signifie pas forcément la construction d'une cité ghetto... Certaines mairies réquisitionnent de l'ancien ou construisent autrement et préservent ainsi la mixité sociale des quartiers, heureusement. Quant à la CMU, moi qui en ai bénéficié, je ne vois pas non plus en quoi elle est déresponsabilisante. Notre pays devrait être fier de cette avancée qui permet au moins aux gens sans revenus d'obtenir les soins élémentaires. Elle n'est pas si confortable ; avec elle l'accès aux soins n'est pas toujours aisé (nombre de spécialistes refusent les patients CMU, c'est souvent l'hôpital ou rien, je l'ai testé).
    "Responsabiliser" (les malades, les pauvres en général, jamais les industriels en matière de pollution par exemple ?) est un concept qui me paraît douteux. Va-t-on passer des vacances dans un pays pauvre en se félicitant que les mendiants lépreux soient courageusement "responsables" ? Ils assument leur pauvreté jusqu'au bout, c'est ça ?! Je ne comprends pas. La maladie touche tous les milieux sociaux et je me félicite qu'on fasse en sorte que tout le monde sans exception puisse voir ses soins remboursés.
    (J'ai déjà un peu écrit au sujet du concept de responsabilisation mais ce que je lis là me donne encore envie d'y revenir !)

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  5. En fait la Loi n'est pas censée pouvoir être si facilement contournée : les amendes pour non-respect des textes sont calculées pour faire mal aux finances locales(même si, l'exemple de Neuilly est pour cela frappant, il y a souvent des arrangements pour diminuer fortement lesdites annonces, lisez le canard d'il y a 3 semaines...), et le Préfet a toute autorité pour se substituer au Maire en cas d'infractions à répétition...

    Il suffirait de presque rien...la la lalalalaaaaaa

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  6. Quand on sait que le Neuilly de Sarkozy n'avait (et n'a encore) que 2% de logements sociaux, on se dit que la contrainte des amendes est insuffisante! Soit son montant n'est pas assez dissuasif, soit il manque un dispositif d'intervention directe de l'état à partir d'un certain seuil d'indifférence aux sanctions.

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  7. @Marie-Georges
    Effectivement, logement social ne veut pas dire création d'un ghetto : c'est en revanche un risque, qu'il faut absolument éviter. Et il est peut-être plus facile pour l'Etat de l'éviter, que pour les collectivités locales, qui peuvent subir les pressions de leurs administrés. Et du coup concentrer tous les logements sociaux au même endroit, ou même ne pas en construire du tout. Mais il est vrai que c'est quand même avant tout un problème de volonté et de courage politique, y compris à Neuilly.

    En revanche, pour la CMU : sauf preuve du contraire on a déjà des soins qu'on ait la CMU ou pas, et une grosse partie d'entre eux sont pris en charge.
    Quel est mon problème vis à vis de la CMU : ce n'est pas son existence en soi, mais ce sont tous les effets pervers qu'elle entraine. Comme les patients n'ont strictement aucuns frais à régler, ni même à avancer quitte à se faire rembourser après, il y a un désintérêt complet de ces patients pour le prix des traitements, encore plus que dans la population générale. Ainsi, l'immense majorité d'entre eux refusent catégoriquement les génériques, là où la plupart des personnes sans CMU s'y plie sans broncher. L'exemple le plus extrème et pourtant relativement répandu est le cas des toxicomanes, toujours sous CMU : la société leur paie ds traitements de substitution, qui coûtent cher. Le coût pourrait être amoindri grâce aux génériques; mais ceux-ci ont le tort de ne pouvoir être revendus au marché noir, ce qui fait qu'aucun pharmacien n'arrivera à délivrer du Subutex générique...
    Prenez une ordonnance qui prescrit 4 boites de Doliprane, 8 en cas de douleurs. Là encore, un nombre certain des patients sous CMU demandera le maximum ("Donnes moi tout, donnes moi tout") quand bien même le pharmacien les invites à n'en prendre que 4 quitte à repasser pour prendre le complément, ce que font spontanément la plupart des assurés non CMU. Etc, etc, les exemples ne manquent pas.

    Et c'est sans compter que, malheureusement, les patients CMU sont généralement les plus vindicatifs et agressifs, prenant pharmaciens et médecins pour des distributeurs de médicaments. Il y a là un véritable malaise : demandez-vous un peu pourquoi justement beaucoup de médecins refusent de prendre des patients CMU !

    Quelque part, je peux comprendre ce qui se passe dans leur tête : la vie n'est pas facile pour eux, et comme tous les soins leurs sont payés, ils ne voient pas pourquoi ils devraient se résoudre à ce qu'ils considèrent comme une "médecine au rabais". En gros, ils se font plaisir, et demandent la "totale".
    Réaction que je peux comprendre, mais qu'il est important de combattre. Outre l'impact sur les dépenses de santé, cela crée un véritable sentiment d'injustice par rapport à ceux qui ne bénéficient pas de la CMU et font des efforts.

    Cela ne veut pas dire qu'il faille forcément faire disparaitre la CMU; en revanche, rien qu'une franchise symbolique pourrait jouer.

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  8. @elyas… il manque une information pour apprécier vos propos sur la CMU: à savoir si vous êtes au contact direct de ses bénéficiaires, ou si vous en parlez par ouï dire ?

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  9. Pardon, oui c'est vrai...le problème de l'anonymat !

    Je viens de finir mes études de pharmacie, donc j'ai effectivement été en contact, même si je ne le suis plus (je me suis orienté vers l'industrie pharmaceutique). Et j'ai de nombreux amis qui exercent en pharmacie d'officine.

    En fait tout le problème de la CMU, c'est que l'on s'aperçoit dans un nombre important de cas que ce ne sont pas forcément ceux qui en ont le plus besoin qui en profites malheureusement. Tout le problème du pharmacien, c'est qu'il est témoin de tous les cas d'abus du système. Ce qui lui donne une vision peut-être un peu parcellaire du coup, j'en conviens.
    Mais rien de plus rageant que de voir une pauvre petite vieille ou un père de famille manifestement pas riche, qui paye consciencieusement, et après d'avoir un mec qui déboule en BMW et vous jette son ordonnance à la figure en vous disant "J'ai la CMU" (et vous insulte quand tel ou telle boite n'est pas remboursée...).

    Le seul problème, est que forcément ce n'est pas très politiquement correct de toucher à la CMU (ce que je peux comprendre). Et du coup on n'ose pas s'attaquer aux nombreuses dérives (y compris de la part de médecins et pharmaciens laxistes)...

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  10. @ Nicolas : d'accord sur cette mission si l'Etat fait un suivi derrière. S'il ne bouge pas et attend tranquillement que cela se passe, aucun intérêt.

    @ MGP : la responsabilisation est en effet un terme employé à tout bout de champ et avec des sens très divers. Voilà un mot sur lequel il faut travailler.

    @ Fabrice : tu insinuerais que Neuilly a un traitement de faveur ? Toi, tu vas avoir des problèmes...

    @ LCC : il manque le dispositif d'intervention directe de l'Etat.

    @ Elyas : sur la CMU, ce que tu décris me semble plutôt être lié à des problèmes venant du système. Si ce que tu dis est juste, il faut que la Sécu rembourse le montant des génériques, et pas les médicaments originaux. Pourquoi ne le fait-elle pas ?

    Merci à tous pour vos commentaires.

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  11. @Mathieu
    Tu touches le noeud du problème : la Sécu ne rembourse que le prix du générique pour les assurés "classiques". Si ceux-ci souhaitent quand même le médicament original (ce qu'on appelle le princeps), ils payent le complément.
    Mais pour les CMU, ce n'est pas le cas; princeps ou générique, ils sont pris en charge à 100%. En effet, le générique n'est pas "obligatoire", pour personne; simplement la Sécu essaie d'encourager les gens à y avoir recours, et incite les médecins et pharmaciens à convaincre les patients. Mais cela reste un choix personnel.
    La logique voudrait donc que cela s'applique aux CMU : mais avec le risque de levée de boucliers que cela entraine, les politiques préfèrent laisser tomber (un peu comme l'idée des franchises pour les gens qui sont en Affection Longue Durée).

    C'est pour cela que je dis que je suis tout à fait pour le principe, à savoir permettre aux plus faibles revenus d'avoir un accès au soin non seulement décent, mais aussi égal à ceux qui ont de meilleurs revenus.
    Mais la façon dont cela est mis en place, la CMU telle qu'elle est conçue aujourd'hui, pose de sérieux problèmes. il ne faut pas la faire disparaitre, mais la réformer.

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  12. @ elyas. Ma femme est en ALD, elle est néanmoins soumise à une franchise de 1€ par acte ou ordonnance.

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  13. @ Elyas : là, je te suis mieux, et je suppose que tu as raison. Maintenant, les CMU n'ont a priori pas le choix puisque les autres ont les moyens de se payer les médicaments premiers. Ce système leur donne le choix, mais je te suis dans ton raisonnement, vu que les génériques sont identiques.

    @ LCC : ça, c'est un vrai scandale.

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  14. @LCC
    En effet, je me suis mal exprimé : les franchises existent déjà pour les ALD. Je faisais en fait référence à la proposition, vite retirée, de la direction de la CNAM de diminuer le taux de remboursement pour certaines ALD.

    @Mathieu
    Cette franchise est tout de même plafonnée à 50€ maximum par an. J'aurais donc plutôt tendance à y être favorable, pour les raisons exprimées dans mes commentaires précédents.

    En fait, tout le problème de l'ALD c'est que cela représente une part grandissante des dépenses de santé : 7 millions de Français concernés, représentant 60% des dépenses maladie. D'un point de vue idéologique j'y suis absolument favorable.
    Le problème c'est que chaque année les dépenses de santé croissent, plus vite que le PIB. Et qu'à un moment donné des choix se posent en termes de remboursement : c'est pour cela qu'on dérembourse de plus en plus, et que le gouvernement essaie de gratter partout où il peut...

    Le choix en France est de laisser se débrouiller la majorité des gens pour des sommes qui restent modestes, afin de pouvoir prendre complètement en charge ceux qui ont des pathologies lourdes. Ainsi, les traitements contre le SIDA ou le cancer par exemple, représentent des coûts de plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'euros/an et par personne.

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  15. @ Elyas : cela me semble somme toute cohérent. C'est le principe même de la solidarité. Quand tu es en bonne santé, tu contribues en fonction de tes revenus et tu payes un peu. Lorsque tu es malade, quelque soit tes ressources, tu es entièrement pris en charge. Moi, je trouve ça très cohérent et très beau en plus.

    Pour les franchises, vu le gain obtenu, je n'en vois pas vraiment l'intérêt. De plus, cela fait penser que les malades sont responsables du trou, alors qu'il y a bien d'autres phénomènes à prendre en compte, comme le vieillissement, la hausse des coûts des équipements médicaux, les dépenses des médecins... Faire tout porter par les malades qui ont pourtant payé toutes leurs vies les cotisations sociales honnêtement, c'est malhonnête.

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