vendredi 24 avril 2009

Les ouvertures américaines vers Cuba et le Venezuela : espérons que cela aille plus loin.

Cela est passé assez inaperçu dans la blogosphère, mais la semaine dernière, Barack Obama a commis deux gestes qui méritent d'être relevés. Tout d'abord, il a manifesté une ouverture nouvelle envers Cuba, puis a serré la main d'Hugo Chavez, montrant sa volonté de détendre des relations crispées avec le Venezuela. Voilà donc le président américain tentant de nouer le dialogue avec les frères idéologiques de l'Amérique latine, figures de proue de l'antiaméricanisme. Pourtant, il me semble qu'on n'est pas là du tout face aux mêmes enjeux et aux mêmes questions.

Le blocus de Cuba a commencé au tout début des années 1960, après la victoire des révolutionnaires de Fidel Castro et de Che Guevara contre la dictature de Batista, puis la crise des missiles. Sa justification était basée sur les volontés de nationalisations des propriétés américaines sur place. Très vite, les Cubains se sont tournés vers l'URSS, seul État capable de concurrencer la puissance américaine. Pendant la Guerre Froide, Cuba a donc survécu sous perfusion soviétique. L'effondrement de l'URSS a complètement isolé l'île, où le régime se maintient par un discours nationalisto-communiste et de victimisation face à l'infâme blocus américain. Or, l'arrivée de Chavez au pouvoir au Venezuela a donné un peu d'oxygène au régime cubain. Aujourd'hui, le blocus se justifie-t-il encore ? Déjà, il ne se justifiait pas au départ puisque seule l'ONU a le droit de mettre en place un blocus. A mon sens, il va aujourd'hui à l'encontre des intérêts américains. C'est en ouvrant à nouveau l'île aux échanges internationaux qu'on donnera le coup de grâce à une dictature qui ne tient que grâce à cette fierté du peuple cubain. Rien ne dit que ce qui succédera aux Castro sera meilleur, mais au moins, on améliorera un peu l'ordinaire des Cubains. On peut juste espérer que les Cubains préserveront les importantes conquêtes sociales de leur pays en mettant en place la démocratie : rien ne les oblige à faire ce qu'on fait les Russes au début des années 1990.

Le Venezuela n'a rien à voir avec le cas cubain. Chavez est arrivé au pouvoir par les urnes et est parvenu à s'y maintenir en développant d'importants programmes à destination des plus pauvres, dans un pays où les inégalités sont énormes. Il a profité au maximum de la manne pétrolière du pays pour développer ces actions, mais aussi de l'aide des importants contingents de médecins cubains. Cette position de pays pétrolier, avec pour client numéro un les États-Unis, lui a permis à la fois d'être très violent avec les Américains tout en continuant à faire des affaires avec eux. Aujourd'hui, le régime de Chavez ne se porte pas très bien. Le général s'use progressivement et ne se maintient que parce que les classes populaires craignent un abandon des programmes sociaux et de redistribution des richesses s'il venait à s'en aller, crainte, vu les pratiques antérieures des élites vénézuéliennes, qu'on peut trouver tout à fait justifiées.

Les États-Unis sont face à des États très différents, à propos desquels deux politiques pourraient être envisagés :

  • Pour Cuba, une levée de l'embargo est une nécessité, d'autant plus que ce blocus ne se justifie plus par le contexte international. Il est anormal qu'un pays puisse mettre sous embargo un autre pays sans aucun contrôle des instances internationales. De plus, je suis sûr que rouvrir Cuba est un excellent moyen de faire chuter, à terme, la dictature cubaine.
  • Pour le Venezuela, la situation est différente. Le pays est une démocratie, son président a gagné des élections à plusieurs reprises. La moindre des choses pour les grandes démocraties est de respecter ce choix des Vénézuéliens, quand bien même les programmes chavistes exaspèrent les capitalistes de tout poil. Nous devons pourtant rester vigilants à l'évolution du régime. Si Chavez remet en cause la démocratie, nous devrons clairement nous positionner à l'encontre du régime.

On ne peut donc que saluer les actes de Barack Obama, et on ne peut que souhaiter qu'il poursuive ces ouvertures, même en allant contre les lobbies réactionnaires de son pays qui ne doivent pas manquer de l'attaquer en ce moment.

5 commentaires:

  1. Ah voilà enfin un sujet où ne serons pas d'accord ! Il était temps !
    Tu écris "C'est en ouvrant à nouveau l'île aux échanges internationaux qu'on donnera le coup de grâce à une dictature qui ne tient que grâce à cette fierté du peuple cubain. Rien ne dit que ce qui succédera aux Castro sera meilleur, mais au moins, on améliorera un peu l'ordinaire des Cubains."Je ne sais pas si j'ai compris en fait : tu voulais dire que c'est la levée de l'embargo qui va améliorer le quotidien des Cubains ou la chute du régime de Castro ? Moi, je trouve évident que la levée de l'embargo va améliorer leurs conditions de vie puisque cela va forcément leur permettre d'avoir une meilleure économie, de ne plus être étouffés. Par contre, je ne suis pas du tout certaine que la fin du régime communiste soit nécessaire à une amélioration. Tu cites l'URSS et ce qui a suivi. Je pense que la condition des soviétiques sous Gorbatchev était largement meilleure que maintenant non ? Mon correspondant russe me disait en 1994 : "Avant, y avait pas grand-chose dans les rayons, pas de choix. Mais on avait de quoi manger et jouer (on était ados, je ressitue). Maintenant, on voit plein de choses mais on n'a plus de quoi manger et on peut rien acheter. C'est affreux."Moi, j'ai trouvé ça très cynique et sadique surtout.Très capitaliste en fait maintenant que j'y repense ; il découvrait la différence des classes c'est tout... Et je ne parle pas de tout ce qu'ils ont perdu sur la santé (tous les soins gratuits), la scolarité (idem gratuité absolue) la culture (une place au Bolchoï ne coutait pas très cher quand j'y suis allée)... Quand l'embargo sera levé, Castro tombera peut-être à cause (grâce) des espoirs que font toujours naître les sociétés occidentales. Mais il faudra de très bons reportages pour me prouver que ça sera forcément positif !Tout comme il me faudrait actuellement de vrais et objectifs reportages pour juger de la condition des Cubains. Pas les émissions de TF1 le dimanche à 19h ni celles de M6...

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  2. @ Nathalie : bon quelques explications de texte.

    Pour moi, la situation des Soviétiques n'étaient sans doute pas trop mauvaises socialement, mais cela n'a pas effacé le poids de la dictature. Le vrai socialisme ne peut exister qu'avec les droits de l'homme, et il doit être un choix du peuple. Tant qu'on a pas trouvé un modèle dans lequel il peut exister socialisme et démocratie, on se fera toujours avoir par les capitalistes, qui eux proposent le rêve de la consommation et la démocratie.

    Les Cubains ont le socialisme mais ils sont pauvres. Castro est un dictateur, et il faut s'en débarrasser. Après, je ne sais pas ce que feront les Cubains, mais j'espère qu'ils pourront construire un socialisme démocratique, comme le tentaient les Chiliens dans les années 1970, et qu'ils ne retourneront pas au système capitaliste le plus gras.

    Pour résumer ma position, je souhaite la chute du régime actuel mais je souhaite une démocratisation en conservant les acquis sociaux du régime précédent.

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  3. Ah d'accord, là on se rejoint !

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  4. Dans un premier temps, d'après une de mes amies d'origine cubaine résidant aux USA, les américains d'origine cubaine qui ont encore de la famille à Cuba vont pouvoir aller à Cuba... Un début... Je suis heureuse pour eux qui attendent cela depuis si longtemps !

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  5. @ H. Schild : bien sûr, cela est très important aussi. Encore faut-il que Castro autorise leurs entrées à Cuba...

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