Cela fait un moment que j'ai vu passer des textes sur cette idée, et que je me suis d'ailleurs étonné. Les libéraux soutiennent en général une diminution drastique des dépenses publiques et un recul de la place de l'Etat. Or, ce système de chèque permet de contourner l'attachement des Français au système éducatif en leur disant que l'investissement de l'Etat se maintient. Cependant, comme les écoles ne toucheront plus d'argent de l'Etat, elles devront forcément draguer les citoyens, et donc, produire des offres éducatives suffisantes pour attirer le citoyen. Elles seront donc privées, puisque les fonds publics partiront tous dans les chèques. En plus, l'Etat perdrait le contrôle de ses fonds, ce qui m'étonne encore plus chez des libéraux toujours prêts à contrôler et recontrôler ce que l'infâme voleur de notre argent fait avec.
Pourquoi donc maintenir une dépense publique pareille et ne pas laisser le marché équilibrer les choses ? Les libéraux essaient simplement de prendre en compte deux aspects importants de la société française qu'ils sont bien obligés d'intégrer. D'abord, ils acceptent quand même l'idée qu'il y a des pauvres dans ce pays mais que le système vise à éduquer tout le monde : il faudra donc que les pauvres puissent quand même payer. Ensuite, ils savent qu'une pure suppression de l'Education nationale entraînerait une grosse émotion qu'il faut compenser.
Les promesses de ce chèque sont-elles tenables ? Je ne le crois pas, et ce à plusieurs titres.
D'abord, on considère qu'avec ce chèque, les familles auront le libre-choix de leurs écoles. On te met donc en avant, cher lecteur, l'idée de libre-concurrence entre les écoles pour séduire le demandeur. Or, on sait que lorsqu'un système éducatif est mis en concurrence, ce ne sont pas les usagers qui choisissent leur établissement, mais les établissements qui choisissent leurs élèves. Toutes les écoles ont un problème de places, du fait de la structure. Par exemple, imaginons un lycée qui peut accueillir 1 000 élèves, et pas plus. Si ce lycée a bonne réputation, comme un grand lycée du centre de Paris, il va recevoir 15 000 dossiers. Dans ce cas, c'est l'établissement qui choisira les meilleurs élèves et pourra continuer à dire qu'il est excellent. Ensuite, les élèves rejetés se rabattront sur les lycées de second rang, qui prendront les meilleurs dossiers rejetés. Enfin, c'est l'argument géographique qui jouera, et là, on retrouvera dans le bahut de secteur, en banlieue, les gamins les plus pauvres et les plus faibles. Mécaniquement, on va retrouver une structure par niveau, et y compris s'il se met en place des écoles qui innovent pédagogiquement : elles choisiront le public souhaité par l'école, et pas l'inverse. D'ailleurs qu'est-ce qui empêchera une école de demander un tarif plus élevé que le chèque-éducation ? On pourra comme cela créer des écoles pour riches qui absorberont en plus des fonds publics.
A partir du moment où le libre-choix n'existe pas, à quoi servent ces chèques ? A part à supprimer les fonctionnaires et le système public, à peu de chose. Or, ce qui me gène dans la démarche libérale, c'est qu'on va obtenir un système totalement inégalitaire (déjà que l'actuel l'est…), avec des avantages pour ceux qui connaissent les réseaux ou ont des ressources, et qui n'a aucune garantie d'être plus efficace. Aurélien Véron met en avant l'idée de la liberté pédagogique offerte aux écoles qui seraient choisies. Mais là encore, en système libre, les parents choisissent les établissements qui ouvrent l'entrée au supérieur d'élite. La pédagogie n'intéresse que les enseignants, les parents parlent eux de réussite et d'avenir professionnel. En clair, on aura un système encore plus inégalitaire qu'aujourd'hui, voire même qui coûtera plus cher que l'actuel aux familles, tout en continuant à avoir la même dépense publique.
Et puis, il manque quelque chose. Si on met en place un système d'écoles privées, comment vont-elles, avec la dépense actuelle, mettre un place un système de profit ? En effet, on va avoir des acteurs privés qui vont investir, et qui attendront des retours d'investissement. J'aimerai bien savoir comment on dégagera le bénéfice que la dépense publique actuelle ne permet certainement pas de trouver.
Franchement, camarades libéraux, payer des impôts pour avoir un système éducatif qui favorise encore plus les enfants favorisés que celui d'aujourd'hui ne le fait, cela ne m'intéresse pas. Encore une belle usine à gaz…
PS : tiens, comme je suis charitable, vous pouvez aller lire ce billet de l'Hérétique, dans lequel il me taille un beau costume. Il faut que je réponde, mais je ne pourrais le faire qu'après avoir lu complètement le Rapport Descoings, ce que, j'admets, je n'ai pas encore fait…
Entièrement d'accord. Le chèque-éducation n'est pas une solution car, tout comme le système actuel, il ne garantit pas l'accès à un enseignement de haute qualité pour tous les élèves.
RépondreSupprimerJe rajouterais même que la notion du choix de l'établissement par les élèves me semble être un système imaginé par des citadins.
En dehors des grandes agglomérations, on ne choisit pas son lycée : on va dans l'unique lycée du secteur. Et ce n'est pas le chèque éducation qui fera pousser de nouveaux établissements. Les faibles volumes de clientèle n'intéressent pas souvent les marchands.
@ Oaz : eh bien, pour une fois, nous sommes d'accord...
RépondreSupprimerMerci de noter que le système actuel est déjà inégalitaire. Il n'y a guère de raisons qu'il le soit davantage avec le chèque-éducation. Et, ce que vous ne dites pas, c'est que le chèque-éducation peut aussi être dégressif selon les revenus des parents. Ensuite, sur la sélection des élèves et des professeurs par les meilleurs établissements : non seulement c'est déjà le cas en pratique, mais une sélection couplée à la liberté pédagogique aurait le mérite de permettre aux établissements de recruter des profils originaux d'élèves et d'enseignants, selon la politique éducative de l'établissement et de son directeur. Une plus grande offre pédagogique, avec les mêmes risques, mais en prenant ceux-ci en compte, et avec un coût dont rien ne prouve qu'il serait supérieur. Quand bien même il le serait, le désastre de l'Éducation nationale est tel qu'il justifierait un surcroît de coût. Mais rien ne prouve, dans les expériences qui ont eu lieu ailleurs dans le monde, qu'il puisse l'être.
RépondreSupprimer@ SOS Éducation : je n'ai jamais nié les inégalités du système éducatif. Je les vis tous les jours.
RépondreSupprimerSi le chèque est dégressif, cela change encore davantage les choses, puisqu'on est sur un système de charité et plus de solidarité.
Pour la sélection, c'est le cas pour les élèves mais moins pour les profs. Pour nous, c'est l'ancienneté qui joue encore majoritairement. Pour les élèves originaux, il s'agira des riches et des gens ayant des réseaux.
Évidemment, je suis en désaccord avec vous sur le désastre de l'Éducation nationale. Le problème est qu'elle n'arrive toujours pas à être moins inégalitaire. Par contre, je note que vous êtes prêt à payer plus pour vous débarrasser d'un service public. Là, on est vraiment dans l'idéologie...
Avec un budget de l'Éducation nationale qui est le premier poste budgétaire de l'État, un personnel qui est l'un des plus importants du monde, nous ne prenons pas beaucoup de risques. Des essais ont été faits aux États-Unis, et il ne s'est pas ensuivi une augmentation des frais de scolarité.
RépondreSupprimer@ SOS Education : votre exemple est mal choisi, car le fait que la dépense soit assurée par les individus directement ne fait pas baisser la dépense, vu que l'éducation est un investissement lourd quand on veut s'y mettre vraiment : il faut regarder tout cela en point de PIB. De plus, je suis étonné que vous vous basiez sur le modèle américain. Comme échec du système secondaire, on peut difficilement faire pire dans le monde développé. Il y a d'autres systèmes plus libéraux et moins désastreux par rapport au niveau des élèves tout de même.
RépondreSupprimerN'oublions pas qu'en France, une part des dépenses d'éducation est consacrée aux cours particuliers.
RépondreSupprimerSi les écoles étaient libres, on peut imaginer que ce surcroît de coût irait à ces nouvelles écoles.
@ SOS Education : les cours particuliers existent partout, je ne crois pas que cela soit lié au système mais à l'angoisse des usagers...
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