mardi 30 juin 2009

La polémique anti-prof du jour : les arrêts-maladies.

Tiens, une nouvelle polémique anti-prof ! Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas eu une charge de ce type. Généralement, elle se produit lorsqu'un gouvernement de droite est en difficulté ou lorsqu'il prépare une nouvelle réforme qui va soulever les profs. Luc Chatel en a d'ailleurs profité pour jouer au ministre protecteur qui va rétablir la vérité. Bon, essayons un peu de débroussailler…

Je vais prendre l'article du Figaro pour essayer de comprendre les raisonnements anti-profs. L'idée ici est de dire que les instituteurs (il faudrait que les journalistes du Figaro actualisent leurs dossiers, car le statut d'instituteur a quasiment disparu) prennent davantage de jours d'arrêt-maladies que les salariés du privé : 11 jours par an contre 9 jours. De plus, ces arrêts sont bien plus diffusés que dans le privé : 45% des professeurs des écoles auraient des arrêts, contre 22% dans le privé. Très bizarrement, l'article communique d'ailleurs les raisons qui me sont venues de suite en lisant l'information : les maladies présentes dans les écoles et la difficulté du métier.

En effet, les écoles (et on peut y ajouter les collèges et les lycées) sont de véritables bouillons de culture : les jeunes charrient des maladies en quantité astronomique. On ne les attrape pas toutes, mais certaines sont systématiques. Dans mon lycée dit difficile, deux maladies font des ravages chaque année : la gastro-entérite, très redoutée car très virulente (la moitié des collègues la subissent chaque année dans mon bahut) et la grippe qui a une forte tendance à se répandre rapidement. Je le sais assez : je n'attrape jamais la gastro mais je me ramasse la grippe au moins une fois tous les deux ans, ce qui me cloue au lit pendant quatre à cinq jours (tiens, je ne l'ai pas eu cette année). Il est d'ailleurs intéressant de constater que la grippe porcine, en ce moment, est présente dans les écoles et se diffuse par là. La difficulté du métier est aussi un autre problème : très souvent, les collègues dépressifs sont arrêtés.

Dans les articles, comme dans les commentaires, il y a une chose qu'on ne dit jamais : on ne choisit pas de prendre un « congé-maladie » (sic), on est arrêté par un médecin. Cela signifie donc que les professionnels de santé collaborent à la fainéantise des profs. Pourquoi ??? Je pose la question à un blogueur médecin au passage. Les enseignants bénéficient donc d'un traitement de faveur de la part du corps médical. Je laisse la possibilité à des médecins de répondre, mais je crois qu'on peut mettre en avant quelques petits éléments.

Il ne faut jamais oublier qu'un prof a en responsabilité un groupe de gamins. Il doit éviter les accidents et être en permanence attentif. J'ajoute que, quand on bosse dans un établissement difficile, l'attention doit être à son maximum. Or, quand on est malade, on est d'abord moins attentif (la fièvre n'arrange rien) et on est en plus un vecteur de transmission de maladies (on passe notre temps à postillonner sur les gamins). De plus, un dépressif est très dangereux dans une classe, parce qu'il a tendance à être moins attentif et à laisser se développer des processus dangereux dans sa classe. Il ne vaut mieux donc pas qu'un malade reste en classe : c'est du bon sens et c'est une attention envers les élèves.

Reste un aspect que je voudrais souligner. Dans ce billet d'Hermès, relayé par le Coucou, on peut remarquer que les salariés du privé accusent les enseignants de fainéantise. Ce n'est pas nouveau. J'aurais tendance à retourner l'argument. Dans le privé, il y a une véritable pression pour éviter que les salariés ne prennent des arrêts. Les salariés se font donc violence et viennent bosser, chargés de médicaments et vecteurs de maladies. La hausse du chômage et la faiblesse des syndicats n'arrangent rien. Par contre, les profs, comme l'ensemble des fonctionnaires, bénéficient d'une protection qui leur permet d'aller voir leurs médecins lorsqu'ils sont malades, et de se faire soigner. Cela peut aussi expliquer la durée de vie plus longue des enseignants. La question n'est donc pas, à mon sens, de réduire les possibilités des fonctionnaires de se soigner, mais de permettre aux salariés du privé de se soigner convenablement.

Pour finir, je voudrais juste remarquer quelques points pour compléter cette analyse :

  • Il n'existe pas de médecine du travail dans notre ministère. Cela évite au gouvernement de repérer des maladies professionnelles chez nous et de mettre au point de la prévention et des traitements, mais peut aussi se répercuter sur les arrêts qui sont accordés. Il serait important, alors que plus de 800 000 personnes sont enseignantes, de déterminer un peu ce qui frappe ces personnes pour réduire les arrêts-maladies. Malheureusement, au départ, l'investissement est coûteux, même si le gain devrait être positif à terme…
  • L'Education nationale ne lutte que très rarement contre les arrêts abusifs. Il y a dans chaque établissement un ou deux collègues absents tout le temps alors que tout le monde sait qu'ils ne sont pas malades. Or, les principaux et proviseurs ne demandent jamais de contrôles de la Sécurité Sociale. Après tout, le ministère n'a qu'à prendre ses responsabilités.
  • Enfin, à cause des suppressions de postes, on ne remplace plus les arrêts, ce qui fait que la qualité du système éducatif se dégrade. Dans le secondaire, à Créteil, il faut un minimum de deux semaines d'absence pour que l'administration remplace. En effet, on a d'abord supprimé les remplaçants, parce que cela se voit moins en début d'année dans les bahuts. De fait, on remplace de moins en moins, et la continuité du service public est mal assurée. Je signale cependant que cela varie en fonction des disciplines : en maths, on est presque à trois semaines…

Voilà, cher lecteur, quelques éléments concernant cette énième polémique anti-prof. Attendons maintenant la prochaine…

4 commentaires:

  1. Très bon billet qui a le mérite de remettre les pendules à l'heure.

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  2. Arrêtons de nier les évidences. On devrait licencier les enseignants qui abusent du système qui d'ailleurs les encourage.

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  3. @ Anonyme : j'espère qu'à chaque fois que vous êtes malade, vous démissionnez, histoire d'être en cohérence avec vous-même.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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