mardi 27 octobre 2009

Des sans-papiers de la Porte des Lilas.

Le lundi 12 octobre, une collègue me déposa à la Porte des Lilas, côté Paris. Je devais ensuite rejoindre ma conjointe à Gambetta, ce qui est assez pratique depuis ce lieu. En effet, la petite ligne 3bis relie en trois minutes les deux points. Lorsque nous arrivâmes, ma collègue remarqua la présence de nombreux drapeaux de Solidaires entourant les barrières du chantier du tramway.

En effet, depuis plusieurs mois maintenant, d'importants travaux de déplacement des canalisations passant en-dessous des Maréchaux sont à l'œuvre, pour préparer le passage du tramway qui reliera la Porte d'Ivry au nord de la capitale, en passant par l'Est. Le premier tramway devrait passer là aux alentours de 2012.

« Sans doute une grève. », dis-je à ma collègue, elle-même syndiquée à SUD. Descendant de voiture, je décidais de passer à proximité du groupe de personnes qui s'étaient regroupées dans l'enclos. Tous des Africains à priori, venant d'Afrique Noire, avec des bannières indiquant leurs conditions de sans-papiers. Renseignements pris, un des sous-traitants d'ERDF, Selpro, employaient ainsi des sans-papiers. Ils sont toujours là, équipés de tentes que l'on déplie en 30 secondes mais que l'on remballe en une heure, et faisant des barbecues à l'intérieur du périmètre. Aujourd'hui, alors que je marchais dans Paris, j'ai pu voir un KFC à Châtelet couvert de tracts, d'affiches et de drapeaux de la CGT, exactement pour le même motif.

Traditionnellement, la tendance est de considérer que ces salariés sont les premiers coupables d'être venus en France sans autorisation et d'y travailler. Ils doivent donc être renvoyés chez eux, et fissa. Pourtant, ces personnes ont trouvé du travail, alors que le chômage est en hausse. Normal : les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées apparemment, se sucrent sur le dos de ces salariés, qui ont l'avantage d'être très malléables. Heureusement qu'ils parviennent à trouver la force de se révolter contre les conditions de travail et contre l'exploitation que les entreprises font d'eux.

Cette possibilité offerte aux entreprises l'est du fait de la politique de fermeture des frontières, en place depuis les années 1970. Craignant un déferlement d'immigrants, effrayé par le chômage et par la montée des mouvements d'extrême-droite, l'Europe s'est refermée sur elle-même. Instituant la libre-circulation des personnes à l'intérieur de son territoire, l'Union Européenne, libérale quant il s'agit des biens et du pognon allant et venant de l'extérieur, continue à se refuser à la libre-circulation des personnes.

Nous faisons une grave erreur. Rien ne démontre que ces gens viendront. On nous disait cela des habitants de l'Est, et, s'il existe une immigration venant de ces pays, elle est très majoritairement temporaire. Il n'y a pas eu la vague slave que les mouvements xénophobes nous promettaient dans les années 1980. Pourquoi y aurait-il une vague africaine si on ouvre les frontières. Intimement, les individus rechignent à immigrer si ce n'est pour des raisons de survie. Ceux qui en ont vraiment besoin font de toute façon déjà tout pour venir, et ils sont là, dans nos entreprises. La seule chose que nous faisons finalement est de permettre à un secteur informel de se développer chez nous, d'entretenir les réseaux mafieux des passeurs et de laisser des milliers de personnes dans la précarité et dans la honte d'eux-mêmes. Ces gens ont simplement voulu se trouver un avenir meilleur. Qui sommes-nous pour les condamner, nous et notre vie bourgeoise ?

Cher lecteur, nous nous targuons d'être de grands libéraux, mais finalement, nous tolérons sans arrêt de nombreuses contraintes qui ne nous font rien gagner, à part d'entretenir notre peur de l'autre.

En attendant que nous revenions enfin sur ces politiques migratoires frileuses et stupides et que nous cessions de la justifier par une soi-disant identité nationale (concept en soi lui-même totalement miteux, comme celui de patrimoine), tu peux toujours, cher lecteur, aller serrer la main des grévistes de la Porte des Lilas et leur donner un ou deux euros pour qu'ils tiennent le coup et parviennent à obtenir les papiers qui leur permettront de vivre une vie honnête et digne ici. Tu verras, ils ont beau être des infâmes délinquants qui sont entrés en France illégalement, ils sont tout de même sympathiques.

Toutes mes vues sur la politique migratoire sont là :

Immigration


PS : je suis agacé que toute la blogosphère de gauche tombe à pieds joints dans le piège du gouvernement sur l'identité nationale. C'est un débat sans intérêt, digne du Front national et introduit uniquement pour détourner les débats. Camarades, revenons aux choses sérieuses, et laissons les xénophobes s'amuser avec ces bêtises.

14 commentaires:

  1. Entièrement d'accord avec toi sur l'immigration. On se donne bonne conscience en envoyant un kilo de riz en Afrique de temps en temps, mais quand il s'agit de vraiment partager les richesses, y'a plus personne.
    Par contre je ne serais pas aussi dur sur l'identité nationale. D'accord c'est une manipulation grossière de la part du gouvernement pour essayer de faire oublier quelques petits tracas, mais le débat sur la nation est intéressant et mérite mieux que M. Besson à la baguette et les autres au mépris. L'idée de nation est tout ce qu'il reste à pas mal de gens qui ne comprennent rien à la mondialisation libérale, qui voient tous leurs repères s'effondrer. Prendre le débat à son compte c'est justement ne pas le laisser tomber dans les mains de l'extrême droite.
    Si je suis complètement allergique au nationalisme, j'ai du mal à encaisser que Le Pen récupère mes grands parents (et ceux des autres) parce qu'il est le seul à ne pas cracher sur le monde qu'ils ont connu, dans lequel ils ont grandi.

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  2. Je passe en coup de vent parce que je suis cité (tu me connais !) : je lis le billet demain. Mais je tenais à te dire que je suis parfaitement d'accord avec ta conclusion (le PS) !

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  3. Bonjour et bravo pour votre article

    L'identité comme écran de fumée

    « J'ai envie de lancer un grand débat sur les valeurs de l'identité nationale, sur ce qu'est être Français aujourd'hui. » Cette phrase est signée Eric Besson, ancien socialiste, nouveau UMP et accessoirement ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale.

    Disons-le tout net, ce débat n'aurait rien de déshonorant en soi s'il était le fait d'universitaires, écrivains, artistes. Après tout, l'historien Fernand Braudel a bien fait de « l'identité de la France » matière à interrogation et à ouvrage. Mais c'était une pensée au long cours, une pensée qui tel un fleuve avait du temps derrière et devant elle. Or en matière politique, on sait très bien qu'il n'en est rien.
    L'urgence et la circonstance commandent tout et faussent par avance le débat. D'autant que cette phrase de Besson arrive juste après l'expulsion de trois Afghans en situation irrégulière qui a fait hurler les partis de gauche, notamment le PS.

    Ramener le PS sur le terrain de l'immigration, n'est-ce pas la réponse du berger à la bergère d'Eric Besson ? On notera que ce débat avait déjà été instrumentalisé par le candidat Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle, quand il s'agissait de tailler des croupières au PS et faire signe aux électeurs du Front national. Pari gagnant au point que les électeurs du Front national ont voté massivement Sarkozy. On se souvient de Jean-Marie Le Pen estomaqué, criant au « hold-up électoral » !

    Le contexte économique et social n'étant pas au beau fixe, on peut penser que les nouvelles interrogations d'Eric Besson ne visent qu'à entretenir un rideau de fumée à quelques mois des régionales. Car à qui va-t-on faire croire que la question « Qu'est-ce qu'être Français ? », soit la question prioritaire du moment ?

    Si on tient à vraiment poser la question, posons-la tout d'abord à ceux qui vont payer leurs impôts en Suisse comme Johnny ou à ceux qui délocalisent abusivement mettant sur la paille les... Français !
    http://lavenircestmaintenant.skyrock.com/

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  4. @ Paul : je suis tout à fait prêt à reconnaître que la nation peut être un thème de débat intéressant. Je ne suis pas contre pas du tout certain qu'il faille l'aborder comme le fait le gouvernement. C'est de la politique politichienne, sans aucun intérêt, et je le maintiens.

    @ Nicolas : j'attends donc ton retour.

    @ Rachid : tout à fait d'accord. Ce débat, ce n'est rien.

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  5. Ca vient, ça vient, mais j'avais pas Internet au bureau, ce matin, je fais ma revue de blog plus tard !

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  6. @ Nicolas : ouh là, une matinée entière de retard ??? Bon courage.

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  7. Il me restait 91 blogs à lire avant que je m'y remette. J'en suis à 85. C'est con de devoir travailler pendant ses heures de travail.

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  8. @ Nicolas : ah, il faut faire enseignant, comme cela, tu as plein de temps libre pour bloguer tranquille.

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  9. Bon ! J'ai lu... Je suis d'accord. C'est un sujet qui nous touche beaucoup à Bicêtre (exemple).

    D'ailleurs, ils manifestaient encore lundi soir.

    Anecdote : ils sont aidés par les partis de gauche, les syndicats et différentes associations. Ils font des collectes pour leur permettre de subvenir à leurs besoins. J'étais au bistro, vers 20h30 (pas à la Comète). Un vieil ivrogne me cause : "Tu te rends compte, ils font des collectes et pour ça, ils ont des faux brassards de la CGT". Je n'ai pas réussi à lui faire comprendre que c'étaient des vrais brassards !

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  10. @ Nicolas : j'en avais déjà parlé, mais je trouve que cette stratégie des syndicats est une très bonne chose.

    Il faut soutenir ces gars, de toute façon.

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  11. Oui, il faut les soutenir mais il faut aussi que les syndicats communiquent plus, pas seulement en portant un simple brassard.

    Les sans-papiers sont des travailleurs comme les autres puisqu'ils sont "exploités" par des boites. Ils doivent donc être soutenus par les syndicats (et autres).

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  12. @ Nicolas : les syndicats sont assez ambivalents tout de même. Lorsque la CGT a fait expulser les sans-papiers de la bourse du travail de Paris, on ne pouvait que se poser des questions...

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  13. Ah, bravo ! Il y avait longtemps que vous n'aviez atteint de tels sommets ! Ce serait à se tordre de rire, si ça ne parlait pas de choses réelles !

    (Et le commentaire-spam de l'inénarrable Rachid, qu'on retrouve à la virgule près sur tous les blogs de gauche depuis trois jours ! Délicieux, vraiment.)

    « Rien ne démontre que ces gens viendront » : c'est somptueux, cela ! Non, non, en effet, rien ne le démontre, vous avez raison. Absolument rien.

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  14. @ Didier : rien ne le démontre, mais tout démontre le contraire. Allez fouiller ma perle sur le sujet, et vous y trouverez des arguments. Sauf si vous souhaitez rester dans vos incantations habituelles.

    Merci de l'info sur le Rachid spammeur, je ne savais pas que le même commentaire se trouvait partout.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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