lundi 15 décembre 2008

Et, à la surprise générale, Xavier Darcos capitula !

Je suis, cher lecteur, depuis que je tiens ce blog, toujours très critique à l'égard du ministre de l'Éducation nationale. Chargé par le chef de l'État de supprimer des fonctionnaires par tous les moyens, il a mis en œuvre une stratégie consistant à justifier systématiquement, et ce par tous les discours imaginables, la logique de la suppression des postes par d'autres biais que par la réduction des dépenses, et par qualifier ceux qui dénonçaient cette réalité de réactionnaires. Il a ainsi supprimé les postes l'an dernier et mené une réforme du primaire très contestée.

Lorsqu'il annonça la réforme du lycée, je me suis dit qu'il s'avançait sur un terrain relativement facile. Contrairement à ce que dit sans arrêt la droite, les enseignants sont bien conscients des difficultés du lycée mis en place par Claude Allègre. Les heures sont très nombreuses, le taux de redoublement est élevé (20% en 2nde), les résultats du bac sont bloqués depuis le milieu des années 1990 autour de 65% d'une classe d'âge. Pas besoin, pour que les profs soient d'accord avec ces constats, d'aller chercher les résultats des études PISA de l'OCDE qui concernent des enfants de 15 ans, donc n'ayant pas encore été au lycée...

Or, dès le début, il est apparu que, finalement, le calendrier était plus important pour Darcos que la réforme en lui-même. Je ne vais pas te refaire tout le récit de ces trois mois, mais le ministre et ses représentants n'ont cessé de faire des allers-retours médiatiques sur quantité de sujets différents, annonçant par exemple la sortie de l'histoire-géographie du tronc commun pour l'y remettre deux semaines plus tard, faisant la même chose avec la physique-chimie et les SVT, imaginant un lycée modulaire dont il ne restait plus rien trois semaines après. Tout cela ressemblait bien à un beau désordre, et une chose était claire : le ministre ne savait pas du tout où il allait, nous amenant à penser que nous allions devoir mettre en place une seconde nouvelle sans savoir ce qui se passerait en première et en terminale. Au final, les acteurs de l'éducation ont vite compris que, malgré la coordination de la réforme par un ancien adjoint de Jack Lang, Jean-Paul de Gaudemar, le but était encore de trouver un moyen de supprimer des postes.

Cette réalité a amené à deux grèves et à une manifestation nationale un dimanche, et à un début de mouvement lycéen. Cependant, Darcos restait inflexible, annonçant qu'il n'hésiterait pas. Hier encore, dans le JDD, il décrivait déjà, en partie, la structure de sa future seconde. Et puis, ce matin, vers 10h30, le Figaro a lâché un communiqué à l'AFP, annonçant le report de la réforme à septembre 2010 et la réouverture des négociations avec les syndicats. Pour nous, enseignants, c'est un soulagement, parce que, si la réforme du lycée est nécessaire, ce délai va nous permettre de nous en saisir pleinement et de voir la logique gouvernementale dans son entier. Pour Darcos, s'il survit à son poste, l'objectif sera tout simplement de trouver une logique.

D'où est venue la capitulation ? Ce matin, le Figaro, peu charitable, imputait à Sarkozy la décision de reporter, alors que le Monde suggérait que Darcos avait lui-même demandé au président de lâcher du lest.

Reste à savoir pourquoi ? Tout cela ressemble quand même à une belle improvisation, sans grand sens politique. Alors que le ministre pouvait rallier une partie des enseignants à sa réforme, il a tout gâché par un amateurisme digne d'un grand débutant. Il a montré son absence de cohérence politique. Il faut dire que je n'aimerais pas être à sa place : devoir mener une politique éducative dont le seul but est de réduire les dépenses n'est pas de nature à faire de vous un homme d'État qui marquera l'histoire politique de ce pays. Il y a aussi un contexte politique et économique plus vaste, mais n'étant pas dans leurs têtes, je ne ferai pas de prospective cette fois-ci.

Aujourd'hui, avec ou sans Darcos, la possibilité de mener une vraie réforme du lycée reste ouverte. Il faut espérer que la droite saura mener une action un peu plus responsable. Je te rassure, cher lecteur, je ne demande pas à la majorité actuelle d'être de gauche. Je veux juste que ces politiques qui nous gouvernent soient capables d'avoir un vrai discours cohérent au plan éducatif. Il ne faut jamais oublier que l'éducation est l'un des fondements de notre civilisation : la traiter par dessus la jambe n'est pas digne d'un dirigeant d'une grande démocratie comme la nôtre.

12 commentaires:

  1. Cycee apporte des éléments de réponse qui m'inquiètent sur l'avenir des relations entre le Ministère, les lycéens et les forces de l'ordre

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  2. @ Gaël : il allume des contrefeux partout pour dire qu'il est blanc comme neige, devant ces gauchistes énervés. C'est de la manipulation, un peu dangereuse cependant, j'en suis d'accord.

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  3. Malheureusement, il semble que la capitulation soit très partielle.

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  4. Que sa catastrophique réforme soit ajournée, c'est toujours une bonne nouvelle. Maintenant, comme tu dis, pourquoi et pour faire quoi...

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  5. @ Mtislav : Oui, mais c'est déjà ça. A trois jours des vacances, j'ai tendance à me réjouir de n'importe quoi...

    @ MGP : Aucune idée...

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  6. Il faudrait que les gouvernements arrêtent d'imposer leurs réformes pensées d'en haut, et engagent un vrai dialogue avec les acteurs de la vie réelle.
    Il faudrait également que les forces de gauche condamnent catégoriquement les blocages systématiques de lycées et d'universités ainsi que les grèves d'enseignants, qui sont contre-productifs et incompatibles avec le respect de la démocratie.
    Ce qu'il manque à ce pays, c'est clairement du dialogue.

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  7. @ P. Guignard : d'accord sur le dialogue. Je peux aussi partiellement adhérer à la question des blocages.

    Par contre, je ne vois pas en quoi la grève n'est pas démocratique ! Il s'agit d'un droit fondamental qui permet à tout salarié de protester contre les actions de son employeur, en contrepartie d'une perte de son salaire. Je ne vois pas ce qu'il y a d'antidémocratique là-dedans. C'est d'ailleurs un des droits fondamentaux du préambule de la constitution.

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  8. Le droit de grève est un droit fondamental, c'est vrai. Mais quelques remarques s'imposent :
    1 - Ce n'est pas un droit absolu : l'article 7 du préambule de 1946 précise bien que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent" (bon le problème c'est que les lois ont pas été prises)
    2 - La grève des fonctionnaires doit se concilier avec le principe de continuité des services publics, lui aussi a valeur constitutionnelle
    3 - La grève doit avoir un motif purement professionnel (conditions de travail, salaire), plusieurs grèves ont été jugées illicites lorsqu'il s'agissait uniquement de s'opposer à des mesures gouvernementales.

    La grève n'est pas anti démocratique en soi, mais bloquer le service public pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il retire une loi, je pense que ça l'est.

    De plus, quand ces blocages deviennent systématiques, ils perdent en crédibilité. Dommage, car les revendications me semblent censées. Mais c'est la manière de les faire qui est je pense contre-productive.

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  9. @ P. Guignard : il y a dans ton commentaire deux aspects totalement différents dans tes remarques.

    Il y a d'abord les grèves des enseignants. Celles-ci ne sont certes pas réglées par des lois, comme le prévoyaient les constituants en 1947. Cependant, des réglements existent et ils sont très clairs : dans le cadre de l'école, la continuité est matérialisée par l'ouverture de l'établissement au public. Les lycées et les collèges ne ferment que si la grève est telle que la sécurité de l'établissement est menacée. Cela n'arrive que très rarement, et les cours des non-grévistes ont lieu.

    Le blocage est différent car il est en effet illégal. A partir de là, les autorités gèrent avec la question du rapport de force.

    Je tiens à dire quand même que le grand nombre de grèves vient aussi du refus systématique de négociations des ministres successifs.

    Si on ne peut plus manifester contre une loi, on fait comment pour signifier notre désaccord ? On attend l'élection suivante, quand tout est fait ?

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  10. " Si on ne peut plus manifester contre une loi, on fait comment pour signifier notre désaccord ? On attend l'élection suivante, quand tout est fait ? "

    Hé bien... oui !
    La démocratie n'est pas un gadget.
    Cela dit, la solution démocratique, c'est à dire la tyrannie de la majorité, n'est pour moi qu'un dernier recours.
    Privilégier la négociation, le consensus, laisser à l'opposition un rôle à hauteur de sa représentativité, voilà comment éviter ces rapports de force idiots.
    (Toutefois, manifester est toujours possible, je parlais des blocages de lycées et des grèves)

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  11. @ P. Guignard : si on réduit la démocratie aux élections, vive la tension sociale ! Heureusement, tu te reprends ensuite. Ouf...

    Les grèves sont légales, démocratiques. Les blocages sont différents. Je te renvoie à mon commentaire du dessus.

    A bientôt et merci pour tes commentaires.

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