jeudi 26 novembre 2009

L'histoire-géographie disparaît en S : quelques éléments de réflexion.

Les principaux éléments de la réforme des lycées ne sont pas encore ressortis dans les médias non-enseignants. C'est finalement assez cohérent. Comprendre le fonctionnement de l'Éducation nationale n'est pas évident pour des personnes ne maîtrisant pas les arcanes de ce système administratif. Le gouvernement s'étant évertué à dire que la réforme n'aurait pas d'impact, les commentateurs de la vie politique suivent.

Or, dans notre beau pays, la France, il y a toujours des thèmes qui font réagir alors que nous, enseignants, y restons assez peu sensibles.

Ainsi est-ce le cas de la suppression de l'histoire-géographie obligatoire en S. Tu vas me dire, cher lecteur : « mais, Privilégié, tu ne vas pas défendre ta propre discipline ? Tu vas nous écrire ici que cela n'a pas d'importance ? Quel est ton objectif ? Défends-tu les Sarkozy, Chatel et consorts ? »

Avant de réagir à ton courroux, quelques explications. Les élèves inscrits en lycée général reçoivent un enseignement important en histoire et géographie, mais moins que par le passé. Actuellement, trois heures et demi par semaine sont dispensées en seconde, quatre heures en première et terminale ES et L, 2h30 en 1ère S et 2h30 ou 3h00 en Tle S. Les S ont déjà un programme plus léger que celui des autres, mais ils ont souvent aussi les meilleurs résultats. Personnellement, mes classes de S ont toujours été largement meilleures (plus curieuses, plus motivées et plus solides) que les autres. Cette aberration est due à l'inégalité des filières que la réforme aurait due modifier, les meilleurs élèves, y compris sans intérêt pour les sciences, allant en S.

La nouvelle structure propose de passer les secondes à 3h00, les 1ères dans leur ensemble à 4 heures, les Tle ES et L à 4 heures et les Tle S sans horaire obligatoire mais avec une option possible de 2h par semaine. Si on fait la somme globale (en considérant que peu de S prendront l'option et qu'il y aura donc moins d'élèves), on arrive ainsi à gratter 30 mn en seconde (ce qui représente une heure-prof, car cette demi-heure était effectuée en alternance pour les élèves, un demi-groupe ayant une heure chaque semaine) et des heures en terminale S, malgré la hausse d'1h30 en 1ère S. Cette évolution a été continue. Depuis 1990, les élèves ont perdu presque une année d'histoire-géographie en volume (c'est aussi le cas en maths et en français), à force de réduire les horaires hebdomadaires. C'est un vrai problème, d'autant plus que rien ne démontre que cette baisse régulière des cours aide nos élèves à être meilleurs...

Cependant, cher lecteur, je ne suis pas choqué, si l'on considère que la terminale est une étape de spécialisation vers l'universitaire. Je le deviens plus si l'on conçoit le lycée comme un moyen de donner au citoyen une formation générale et humaniste, permettant de se lancer dans n'importe quelles études mais aussi de devenir un citoyen apte à comprendre le monde et son pays et à prendre des décisions politiques le jour venu.

Cette conception-là est la mienne, et dans ce cas, des études d'histoire et de géographie généralistes et solides prennent leur sens. Dans l'autre cas, si on veut commencer, dès 17 ans, à fabriquer des scientifiques purs, pourquoi pas supprimer les cours d'histoire-géographie ?

A mon sens, si on voulait poursuivre la massification de l'enseignement et amener plus d'élèves vers des études à haut-niveau de connaissance (ce qui va dans le sens des traités européens), le lycée devrait être de moins en moins spécialisé et offrir une formation généraliste et humaniste solide, avec éventuellement des colorations, en fonction de leurs intérêts, mis par les élèves sur leurs choix de matière.

Mais de toute façon, le débat n'est pas là. La réforme proposée aujourd'hui vise simplement à réduire les dépenses. Le débat ci-dessus est bien au-dessus de ça, et peut-être, dans un futur je l'espère proche, pourrons-nous débattre, entre démocrates, de ce que nous voulons pour la formation de nos enfants...

PS : tu trouveras dans cette perle tous mes billets sur la réforme du lycée depuis octobre 2008. Bonne découverte !

 Le privilégié et la réforme du lycée. 

9 commentaires:

  1. J'aurais été mortifié qu'il n'y ait pas eu d'histoire géo en S : c'était ma matière préférée...

    (enfin, je ne suis pas représentatif, soupir...)

    Bonne journée

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  2. Merci pour ce billet très intéressant. J'ai l'impression que l'on veut bâtir des moutons de panurge, incapable de penser. Cette suppression est une véritable honte.

    Après on nous parle d'identité nationale...

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  3. Mais alors si je comprends bien tu demande un retour au lycée de Napoléon avec une filière unique on ressort la loi du 11 floréal de l'an X et on fixe « Les langues anciennes, l'histoire, la rhétorique, la logique, et les éléments des sciences mathématiques et physiques » allez on dépoussière tout ça et on sort le anciennes pour ne rien mettre -parce qu'il ne faut pas non plus exagérer on ne va pas faire que des langues vivantes...

    PS moi je n'aurais pas mal vécu à l'époque l'abolition de l'Histoire géo, mais maintenant je me rends compte qu'il m'aurait manqué quelque chose... :s

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  4. D’accord avec toi sur le fond… L’histoire-géographie va dans le sens d’une formation du citoyen. Cependant je ne serais pas pour qu’elle disparaisse complètement des cursus « pointus ». Combien d’élèves de ces filières S poursuivent effectivement leurs études au delà de la deuxième année universitaire ? Ou bien se réorientent vers quelques choses de plus accessible ?
    Ancien de D (c’est vieux je sais), j’ai déjà pu être confronté à d’autres issus de A ou B sur le marché du travail et constater un manquement en culture générale parfois préjudiciable…
    Et puis, tu n’as pas tord, la question est autrement plus importante qu’une éventuelle candidature de DSK !

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  5. @ Faucon : moi aussi, c'était ma matière préférée, mais je ne suis sans doute pas représentatif non plus.

    @ Mancioday : tiens, j'avais oublié l'identité nationale...

    @ Julien L. : oui, je pense que le seul moyen cohérent de massifier est de reculer la spécialisation. Cependant, cela demande du débat et j'en suis bien conscient.

    @ Gwendal : oui, la culture générale est importante, mais le gouvernement actuel veut plutôt spécialiser davantage. C'est un choix de société, et la question mérite d'être posée.

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  6. Si le bac de Français est avancé en Première c'est parcequ'il y a la Philo en Terminale. Si on fait de même avec l'Histoire géo, quelle sera la justification? Certainement pas sauver le niveau en sciences ou en maths en tout cas. Les universités n'ont pas fini d'en baver avec leurs premières années. Le système n'en fini pas de se désagréger. On finira par recruter les étudiants d'histoire au Québec, les élèves ingénieurs en Bulgarie et les juristes à Abu Dhabi.
    G.

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  7. @ G. : je pense cependant que tout dépend de notre vision des finalités du lycée. Si c'est pour spécialiser, l'histoire en S se justifie moins que si c'est pour donner une solide culture générale à tous. Ma vision est la seconde, mais cela ne semble pas être celle du gouvernement.

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  8. merci de rappeler quel est le débat vraiment important...
    Les querelles d'aujourd'hui me semblent tellement basses que j'en viens à les ignorer froidement, et qu'elles peinent à éveiller mon militantisme sur le sujet.

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  9. @ June : damned, un prof qui ne milite pas ??? C'est quoi ce bordel ??? ;)

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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