lundi 24 novembre 2008

Les leçons du fiascos du PS : processus à revoir et dirigeants à virer.

Comme tu le sais, depuis hier, cher lecteur, je suis un militant actif de l'extension des règles démocratiques partout où c'est possible. J'ai donc suivi avec intérêt l'expérience menée par le PS ces dernières années. A plusieurs reprises, la direction du parti a tenté d'ouvrir la porte aux militants pour une expression directe. Ils ont pu s'exprimer lors du référendum sur la constitution européenne, lors de l'élection présidentielle de 2007 pour désigner leur candidat et durant l'ensemble des opérations du congrès de Reims ces dernières semaines.

Ce type d'expérience n'est pas nouvelle. Ces derniers mois, nous avons vu une longue campagne chez les démocrates américains, d'une grande violence entre les deux principaux candidats, qui a abouti à la désignation de Barack Obama, qui s'est progressivement imposé comme un leader incontesté, dans une position telle qu'il peut maintenant se permettre de prendre son ex-adversaire dans son futur gouvernement. Cela est dû à l'accord global sur les idées des leaders démocrates. Certains ont fait le lien avec l'histoire du PS, et déploré que les socialistes ne parviennent pas à se comporter de la même façon.

Pourtant, le PS est le premier parti français à mener une telle expérience, à part peut-être les Verts. Ni l'UMP, ni le FN, ni le PCF, ni, j'en suis sûr, le futur NPA, ni le Modem n'ont mis en place un tel cheminement démocratique pour arriver à définir à la fois une ligne politique et le nom d'un leader. Le PS a donc entamé une rupture avec l'héritage politique français, qui consiste plutôt à voir un chef incontesté et doté de grandes capacités s'imposer à la base, qui le suit et milite pour emporter la victoire. Historiquement, la gauche n'a pu tenir le pouvoir longtemps que dans cette configuration précise : en 1936 avec Léon Blum, en 1954 avec Pierre Mendès-France, en 1956 avec Guy Mollet et en 1981 avec François Mitterrand. On a du mal à revenir là-dessus, et la droite et l'extrême-droite le font tout autant. Seule l'extrême-gauche se refusait à cela en France, avec un succès très faible, jusqu'à Arlette Laguiller et Besancenot, personnifications du leader à nouveau.

Le PS a mené une double-révolution :
  • Tout d'abord, il a cherché à confier aux militants le choix d'une doctrine politique claire. Malgré tout ce qu'on a bien voulu dire, les militants ont globalement voulu la continuité avec le passé, en mettant le pack Aubry-Delanoë en tête, avec des programmes équivalents, puis les sociaux-libéraux à 30% et les mouvements de gauche plus durs à 20%. Ce vote a laissé apparaître un parti très divisé au total. Il aurait dû permettre de dégager une structure des idées et à équilibrer les courants dans le parti.
  • Une fois ce vote fait, la tradition ouvrait au PS la phase de la synthèse et la recherche d'un premier secrétaire consensuel et capable de remporter des élections. Or, les instances ont choisi de confier aussi cette phase-là aux militants.
Or, il y a eu alors un phénomène que je crois fondamental. Les militants ont eu l'air de ne pas prendre de décision claire, mais ils ont exprimé une contradiction forte : ils ont voulu montrer leur attachement aux idées traditionnelles de la gauche française tout en souhaitant un renouvellement des leaders en place. Je crois que c'est ainsi qu'on peut analyser le vote qui s'est déroulé : les militants PS souhaiteraient qu'on reste dans les traditions de la gauche républicaine française tout en choisissant un leader nouveau. Hamon est sans doute apparu trop jeune, et cela explique, malgré tous ses défauts et son positionnement libéral, la hausse de Ségolène Royal.

Et maintenant, le parti fait naufrage... Pourquoi, cher lecteur ?

Je pense que le PS a été trop vite.

"Quoi ???" vas-tu me dire, cher lecteur étonné. "Tu nous disais il y a quelques jours que le PS avait trop traîné à se remettre en question." C'est vrai, je le concède totalement, mais, quand on est face à un processus, il faut le prendre là où on peut, c'est-à-dire au moment de l'accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy.

Le débat sur les motions aurait dû démarrer très rapidement, dès septembre 2007, pour que les militants aient la possibilité de débattre longuement. Ces débats auraient pu être comparés à la politique mise en œuvre par Nicolas Sarkozy dès le départ, au lieu de laisser celui-ci seul avec Bayrou et Besancenot, et aurait amené les Français à se saisir eux aussi de ces questions. Évidemment, les personnalités du parti auraient pu se positionner selon ces motions. A mon avis, cela aurait amené à l'éclatement du parti, ce qui risque de toute façon d'arriver maintenant.

Ensuite, dès maintenant, il aurait fallu ouvrir la question du leadership, par un système de primaires internes, en laissant les éléphants s'exploser sans pouvoir remettre en cause le programme adopté, mais en mettant en avant leurs compétences et leurs équipes. Cela aurait évité le délire actuel.

En effet, les militants ont dû trancher à la fois sur les idées et les personnes, mais en deux phases séparées, et les deux candidates majoritaires ont joué à fond sur cette confusion. Aubry a joué sur les valeurs traditionnelles du PS mais en traînant le poids du passé, Royal attaque sur le renouvellement du parti tout en jouant la rupture et le lien avec le libéralisme.

Bon, tout a été mal fait, mais il y a eu un vote. Là, ce qui provoque l'échec, c'est le rejet de la décision des militants, quelle qu'elle soit, par l'ensemble des cadres du parti. Dans cette situation-là, n'importe quel schéma aurait été un échec. Pour un mouvement de gauche, c'est une belle catastrophe et une illustration de l'ensemble des maux qui mine notre démocratie et notre république...

6 commentaires:

  1. On peut craindre une scission encore plus forte des idées une fois le dépouillement terminé: la remise en cause du vote est un scandale qui ne passera pas dans les idées de certains.

    RépondreSupprimer
  2. @ Homer : peut-être. Je suppose que tu parles de l'offensive de Ségolène. A mon avis, l'arrogance des dirigeants actuels est aussi un réel problème...

    RépondreSupprimer
  3. Virer les dirigeants ? Par un vote ? Un tirage au sort me paraît davantage de circonstance.

    Cela dit, il n'y a guère d'opérations de vote qui échappent aux contestations dont on nous parle. Tu parles des militants comme s'ils formaient un corps unique avec un seul cerveau... Les électeurs ont fait des choix à un moment donné, les électeurs du jeudi n'étant pas tout à fait les mêmes que ceux du vendredi, eux-mêmes n'étant pas tout à fait les mêmes que ceux qui ont voté dans des motions dans leurs sections respectives. Ils n'ont pas été préparés au vote de la même manière, la situation étant inédite. On sait que dans ces conditions, le réflexe majoritaire prévaut. On ne peut pas être adepte de la démocratie et refuser un scrutin serré. Et pour finir, on n'a pas à regretter le fait que la gauche n'ait pas la même tradition de césarisme que l'UMP...

    Ce qui me gêne, c'est surtout que la majorité des électeurs socialistes ne sachent pas compter et conclure : il n'y a guère de socialistes au PS ! Et on peut recompter, devant les tribunaux le cas échéant, on peut refaire l'histoire avec Mathieu mais c'est comme ça.

    RépondreSupprimer
  4. @ Mtislav : mais je n'ai rien dit de tout cela. Je condamne le comportement de ces deux leaders qui rejettent l'exercice de la démocratie, je condamne les fraudes qui ont eu lieu, je conchie le césarisme démocratique.

    Par contre, je continuerai à refaire l'histoire, car il s'agit de tirer des leçons de tout cela...

    RépondreSupprimer
  5. Ton analyse, Mathieu (tiens, je vous tutoie!) est intéressante, sans doute juste. Mais là, nous sommes devant une élection peu ou pas du tout fiable, quelle que soit notre préférence. Il y a un problème de transparence, de règles, insuffisantes, non?

    RépondreSupprimer
  6. @ LCC : oui, c'est vrai, mais comme le signalait Mtislav, je fais de la prospective historique. La fiabilité de l'élection n'est importante qu'à cause du faible écart de voix. Par contre, l'irrespect des leaders envers la démocratie est une évidence assez flagrante, malheureusement...

    RépondreSupprimer

Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

La modération des commentaires est activée 14 jours après la publication du billet, pour éviter les SPAM de plus en plus fréquents sur Blogger.