jeudi 30 avril 2009

Les syndicats français souffrent de l’état désastreux de l’ensemble de la gauche française (et internationale).

Hier, cher lecteur, je te faisais part de mes doutes concernant la manifestation de demain. Pour moi, cette manifestation, dernier développement des mouvements de janvier et de mars, est l'aboutissement d'un processus qui illustre la décomposition avancée de nos organisations syndicales.

Regardons un peu la situation. Je suis, cher lecteur, enseignant depuis huit ans maintenant. J'en ai fait, des grèves et des manifs, à tel point que je suis incapable de t'en dire le nombre exact. En tout cas, j'y ai mis des centaines d'euros. Tout cela pour quoi ? Depuis 2001, le syndicalisme enseignant n'a remporté aucune victoire significative. En 2003, nous avons fait une grève très dure et très longue. Personnellement, j'ai perdu un mois de salaire sans aucun résultat positif. Depuis, nous allons de journée de grève en journée de grève. Nous avons eu 0,5% d'augmentation par ci, 0,8% par là, mais nous avons été incapables de bloquer les suppressions de postes et l'évolution libérale de l'offre éducative.

Pour les mouvements interprofessionnels, les résultats sont similaires. Certes, il y a bien eu la victoire contre le CPE, mais je reste convaincu qu'elle est davantage le résultat de la défaite politique de Dominique de Villepin contre Sarkozy que de l'ampleur des manifestations. A part ça, depuis 1995, je ne vois rien, absolument rien de positif qui ait été obtenue par la lutte sociale.

Souvent, on lit que ces échecs sont liés à la division du syndicalisme français. On met aussi en avant le fait qu'un syndicat unique rendrait de bien meilleurs services aux salariés. L'histoire démontre pourtant le contraire. Le Royaume-Uni est dominé par un syndicat, le Trade Union Congress, qui a été incapable d'appuyer la grande grève des mineurs de 1983 et de bloquer les réformes néolibérales de Margaret Thatcher. Aujourd'hui, le mouvement syndical anglais est moribond et la situation des pauvres et des classes moyennes de ce pays s'est largement dégradée. En France, on a fait un peu mieux avec des syndicats divisés. Après tout, cet éclatement illustre la situation idéologique actuelle du paysage idéologique syndical français (en particulier la différence entre syndicalisme révolutionnaire et syndicalisme réformiste) et est aussi un gage de démocratie : le salarié a le choix et peut aller où bon lui semble selon ses convictions.

Le problème est bien davantage lié à la crise idéologique que connaît le syndicalisme, comme d'ailleurs l'ensemble des mouvements progressistes, depuis la dépression des années 1970 et les succès idéologiques de la droite néolibérale. Nous souffrons d'un manque de courage certain, de difficultés à sortir des modèles marxistes-léninistes et à rénover nos idées, d'absence d'une perspective politique crédible, et d'une dégradation des conditions de travail des salariés qui a affaibli les mouvements sociaux. A ce jour, les syndicats, enseignants et/ou autres, n'ont pas été capables de mener le travail nécessaire et se sont embourbés dans la gestion et l'accompagnement du mécontentement.

Les mouvements récents en sont la démonstration. Le contexte de crise a fait croître les contestations. L'échec du modèle néolibéral de croissance par la dette a subi un el camouflet que le contexte est idéal. Or, les centrales parviennent à se mettre d'accord sur un appel mou pour le 29 janvier, histoire d'occuper le terrain. Surprise : l'action est un succès ! Devant cette attente des travailleurs, les syndicats mollassons sont obligés de rappeler au 19 mars, avec un nouveau succès. Or, comme on ne sait pas quoi faire de cela, on parvient à un appel unitaire unique dans l'histoire, mais qui devrait s'arrêter là. Certains évoquent un nouvel appel le 19 mai mais sans grève. A l'évidence, les centrales sont démunies et craignent qu'un mouvement les déborde, sans aucune suite possible.

Pourtant, l'attente existe chez les salariés et elle est forte. Dans les mouvements en cours localement, les représentants syndicaux jouent un rôle positif. Les Français manifestent massivement et les syndicats conservent malgré tout une bonne image, bien plus que les partis. Le mouvement social a remporté dans le passé de réels succès. Les Français sont en attente d'une alternative autant sociale que politique.

C'est donc à nous, à gauche, de faire des efforts, de proposer, de déconstruire les discours de nos adversaires, de montrer que nos propositions valent le coup d'être tentées. Il ne faut surtout pas renoncer.

Et demain, on va montrer au gouvernement et au patronat qu'on veut autre chose. Cela ne va peut-être pas avoir de résultats tangibles de suite, mais une chose est sûr : ça défoule !

PS : rendez-vous, pour les Parisiens, à 14h30 à Denfert-Rochereau. La manifestation empruntera le boulevard Denfert, le boulevard Saint-Michel, le boulevard Saint-Antoine, la rue de Rivoli et s'achèvera à la Bastille.

13 commentaires:

  1. "L'échec du modèle néolibéral de croissance par la dette"... à quoi fais tu référence exactement ?

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  2. Au passage, petite page de réclame ; je vois que tu as ajouté une bannière de pub, vilain capitaliste, alors je me le permet. J'ai fait un billet sur l'éducation, ta présence est envisagée, voire souhaitée en commentaire ;)

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  3. J'y serai sans doute !
    Peut être à tout à l'heure qui sait !

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  4. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, les syndicats ici (au japon) sont bien plus puissants que les syndicats francais, puisqu'ils obtiennent des negociations sans besoin d'employer de trop grands moyens : rien que la greve des heures sup (partir du boulot a 19h00 au lieu de 23h30) ca fait bien bien mal a l'entreprise, donc...

    Bien sur, ce n'est pas dans la nature des gens ici de manifester, ni de demander l'impossible aux patrons... Mais les patrons nippons sont plus vertueux que les occidentaux. Ce sont les premiers a baisser leurs salaire significativement, et l'ecart de salaires employe de base - patron n'est pas si eleve que ca. Exemple celebre du moment, c'est le patron de JAL (Japan Air Line), qui se paye moins cher que ses pilotes, mange avec le personnel a la cantine, etc.
    Mais c'est connu, au Japon on ne gagne pas beaucoup d'argent, de facto... les payes astronomiques occidentales, c'est vraiment pas la mentalite ici. Une celebrite occidentale de l'industrie automobile qui a bosse pendant sa carriere dans l'industrie automobile japonaise (chez Toyota), et qui avaient, fait rare pour un etranger ici, la possibilite de sieger au board de l'entreprise, ont prefere repartir aux US tout simplement pour des raisons de salaires...
    Lire cet article qui fait un point interessant je trouve : http://www.aujourdhuilejapon.com/actualites-japon-au-japon-les-pdg-economes-sont-epargnes-par-la-colere-populaire-6265.asp?1=1

    Tout n'est pas parfait ici, loin de la, mais le corporatisme n'est pas casse comme en occident, et l'entreprise a encore des avantages d'image pour elle.

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  5. @ Paul : j'ai fait une série de billets là-dessus fin mai et début juin dernier. Tu peux les consulter.

    Pour la pub, elle y est depuis le début. On m'a dit que cela entraînait un meilleur référencement de Google.

    @ Quentin C. : cela risque d'être dur pour se croiser dans un tel machin. Mais j'ai déjà eu des cas plus bizarres. Alors, à tout à l'heure.

    @ Tinou81 : le patronat européen est devenu assez particulier, et je crois que la vraie crise morale de notre société se trouve là. Merci pour le lien, assez intéressant.

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  6. @ Mathieu : pas trouvé les réponses attendues dans les archives, mais les fouiller m'a permis de tomber sur d'intéressants billets !

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  7. @ Paul : ah bon ? Je vais fouiller et je te dirai où regarder.

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  8. Et si les syndicats arrêtaient de faire de la politique et faisaient du syndicalisme ?

    Non, je rigole. Les syndicats sont là pour dicter la politique aux gouvernements démocratiquement élus afin de maximiser l'arrosage d'argent frais sur les membres de leur corporation.

    L'association libre de salariés -cotisant volontairement- afin de garantir le respect des contrats et d'améliorer les conditions de travail, y compris (surtout) dans le privé, c'est pas du syndicalisme. D'ailleurs il n'y a pas de syndicat qui ressemble à ça en France de près ou de loin. C'est bien la preuve que ce n'est pas du syndicalisme.

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  9. @ LLPLD : et c'est quoi, un vrai syndicat ?

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  10. Ok, j'attends des explications ;)
    Au passage, le site de LLPLD est très sympa.

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  11. @ Paul : ok. Pour LLPLD, j'attends qu'il réponde à ma question.

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  12. @Mathien L, vous avez des tics de langage professionels ..'j'attends qu'il réponde à ma question'. C'est mignon. Bref..

    Un vrai syndicat, cela peut être beaucoup de choses mais à minima :

    - Une comptabilité publique
    - qui entrainera le début de la transparence des revenus et des dépenses.

    - 100% de financement par les adhérents.
    - fin de la présomption irréfragable. Répresentativité basée sur le nb d'adhérents réels, les elections et le taux de participation à ces elections.


    Par les vertus de la libre concurrence (hé hé) et du choix des personnes libres (hé hé) cela devrait suffire à l'apparition de vrais syndicats, c'est à dire qui ne s'occupent plus

    - de politique
    - du financement de diverse associations n'ayant rien à voir avec la defense des salariés.
    - de detournements divers pour siphonner de l'argent.

    mais qui s'occupent :
    - de veiller aux respects des contrats (ce que certains font déjà, suivant la responsable..)
    - et d'offrir des services aux salariés (assistance juridique, professionnelle etc..)
    - et d'être très attentifs aux attentes des adhérents.. (même ceux du privé*)

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  13. @ LLPLD : je ne vois pas comment un syndicat ne peut plus faire de politique, vu que de nombreux salariés bossent directement ou indirectement pour l'Etat. De plus, les patrons font de la politique. Supprimons la gestion occulte des syndicats de patrons et je te suis.

    Pour le reste, je n'ai rien contre, sauf pour la présomption irréfragable. Si on ne maintient pas cela, des salariés de nombreuses structures n'auront plus aucune représentation, en particulier dans les PME. Malheureusement, les employeurs doivent être obligés de supporter les syndicats.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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