Vu d'Europe, nous pouvons avoir l'impression que les États-Unis restent loin de nos préoccupations historiques. Or, nous oublions (ou nous faisons exprès d'oublier) que les États-Unis ont participé à la Seconde Guerre Mondiale et qu'ils se sentent concernés par ces événements.
Ainsi, à Boston, en plein milieu du centre-ville, se trouve un monument visant à commémorer l'horreur de la Shoah, le New England Holocaust Memorial. Il a été initié par un collectif de survivants des camps et financé par des entreprises, des particuliers, l'État du Massachusetts et la ville de Boston, à destination des jeunes générations. Comment se compose-t-il ? Dans un petit parc, le Carmen Park, à proximité d'importants monuments bostoniens, comme le Old State House ou le Faneuil Hall, et sur le Freedom Trail (ligne rouge traversant Boston pour permettre aux touristes de voir tous les sites importants de la ville), se dressent six tours de verre traversées par un chemin. Le visiteur passe par chacune des six tours, censées rappeler à la fois les six camps d'extermination mais aussi les six millions de juifs tués. Lors du passage du passant, des fumées sortent d'une grille et l'entourent, pour évoquer les chambres à gaz. Plusieurs stèles expliquent rapidement le processus d'extermination, rappelant aussi la mort des tziganes, des prisonniers de guerre russes et des résistants au régime nazi dans les camps.
Lors de ma première visite à Boston, je n'avais pas réellement prêté attention à ces six tours, et je ne me suis réellement posé la question que la deuxième fois, intrigué par ces édifices. En effet, si l'on ne fait pas l'effort de lire les plaques, rien n'indique qu'il s'agit d'un monument sur cet épisode de notre histoire, d'autant plus qu'on ne s'attend pas vraiment à le trouver là.
Ce monument provoque depuis une certaine gène chez moi. Pourquoi ? En historien de formation, je reste persuadé que l'abord de tout événement historique, Shoah comprise, doit se faire avant tout par le fait. Par la simple évocation de ce que les historiens ont pu dire de la Shoah, la spécificité et l'horreur apparaissent d'elles-mêmes, sans avoir besoin de recourir à l'émotion, car elles sont au centre de leurs préoccupations. J'ai pu moi-même l'expérimenter en cours : les élèves, qu'on dit indifférent à ce type de choses, ressentent cette spécificité et peuvent alors éprouver des émotions. Ils réagissent au contraire souvent assez mal si on essaie de leur imposer l'émotion sans passer par le travail historique.
Or, ce monument joue purement et simplement sur l'émotion. Les fumées ont un effet immédiat, une fois que l'on a compris de quoi il s'agit. Or, il est impossible que nous puissions ressentir, nous vivants, en quelques secondes, ce que les déportés ont vécu dans les chambres à gaz. Certains diront qu'on édifie nos jeunes contemporains ainsi. Je ne peux pas remettre en doute les intentions des concepteurs du mémorial, mais respecte-t-on réellement ces morts en croyant faire vivre aux vivants ce que personne ne peut ressentir ? Je reste dubitatif.
Évidemment, il n'est pas facile d'évacuer l'émotion lorsqu'on aborde ce sujet, mais il est important de rappeler que les négationnistes ne se sont pas attaqués aux émotions, mais à la réalité des faits. Pour évoquer l'histoire auprès des jeunes, nous nous devons de rester accrochés aux faits, et rien qu'aux faits. Ayons confiance aux jeunes pour, confronter à ces éléments, pouvoir en concevoir une émotion.
Ainsi, à Boston, en plein milieu du centre-ville, se trouve un monument visant à commémorer l'horreur de la Shoah, le New England Holocaust Memorial. Il a été initié par un collectif de survivants des camps et financé par des entreprises, des particuliers, l'État du Massachusetts et la ville de Boston, à destination des jeunes générations. Comment se compose-t-il ? Dans un petit parc, le Carmen Park, à proximité d'importants monuments bostoniens, comme le Old State House ou le Faneuil Hall, et sur le Freedom Trail (ligne rouge traversant Boston pour permettre aux touristes de voir tous les sites importants de la ville), se dressent six tours de verre traversées par un chemin. Le visiteur passe par chacune des six tours, censées rappeler à la fois les six camps d'extermination mais aussi les six millions de juifs tués. Lors du passage du passant, des fumées sortent d'une grille et l'entourent, pour évoquer les chambres à gaz. Plusieurs stèles expliquent rapidement le processus d'extermination, rappelant aussi la mort des tziganes, des prisonniers de guerre russes et des résistants au régime nazi dans les camps.
Lors de ma première visite à Boston, je n'avais pas réellement prêté attention à ces six tours, et je ne me suis réellement posé la question que la deuxième fois, intrigué par ces édifices. En effet, si l'on ne fait pas l'effort de lire les plaques, rien n'indique qu'il s'agit d'un monument sur cet épisode de notre histoire, d'autant plus qu'on ne s'attend pas vraiment à le trouver là.
Ce monument provoque depuis une certaine gène chez moi. Pourquoi ? En historien de formation, je reste persuadé que l'abord de tout événement historique, Shoah comprise, doit se faire avant tout par le fait. Par la simple évocation de ce que les historiens ont pu dire de la Shoah, la spécificité et l'horreur apparaissent d'elles-mêmes, sans avoir besoin de recourir à l'émotion, car elles sont au centre de leurs préoccupations. J'ai pu moi-même l'expérimenter en cours : les élèves, qu'on dit indifférent à ce type de choses, ressentent cette spécificité et peuvent alors éprouver des émotions. Ils réagissent au contraire souvent assez mal si on essaie de leur imposer l'émotion sans passer par le travail historique.
Or, ce monument joue purement et simplement sur l'émotion. Les fumées ont un effet immédiat, une fois que l'on a compris de quoi il s'agit. Or, il est impossible que nous puissions ressentir, nous vivants, en quelques secondes, ce que les déportés ont vécu dans les chambres à gaz. Certains diront qu'on édifie nos jeunes contemporains ainsi. Je ne peux pas remettre en doute les intentions des concepteurs du mémorial, mais respecte-t-on réellement ces morts en croyant faire vivre aux vivants ce que personne ne peut ressentir ? Je reste dubitatif.
Évidemment, il n'est pas facile d'évacuer l'émotion lorsqu'on aborde ce sujet, mais il est important de rappeler que les négationnistes ne se sont pas attaqués aux émotions, mais à la réalité des faits. Pour évoquer l'histoire auprès des jeunes, nous nous devons de rester accrochés aux faits, et rien qu'aux faits. Ayons confiance aux jeunes pour, confronter à ces éléments, pouvoir en concevoir une émotion.
D'accord avec toi, d'un autre côté, je suis toujours content qu'on en parle, même maladroitement.
RépondreSupprimer@ Manuel : mouais, je ne conteste pas l'initiative, juste la manière de le faire.
RépondreSupprimerCe n'est sans doute pas le billet à commenter le plus indiqué mais Meilleurs voeux!!!
RépondreSupprimer(et d'accord avec toi: l'histoire, pas l'émotion)
@ Ferocias : merci, et meilleurs vœux à toi aussi.
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