vendredi 23 avril 2010

Réponse au CDM sur son billet éducation : remarques et réflexions.

Hier, le centriste Crapaud a publié un billet sur l'éducation en faisant plusieurs propositions et en stigmatisant, comme à son habitude, les professeurs du secondaire. Ici, ce sont les profs d'anglais qui ont fait les frais de son énervement.

Je ne vais pas répondre sur les aspects enseignement supérieur, parce que je n'y ai été qu'étudiant et pas enseignant, et je ne peux donc me prononcer, d'autant plus que le système a beaucoup évolué ces dernières années.

Sur le reste, plutôt que de laisser un long commentaire chez lui, je voudrais répondre ici :
  • Il se propose d'abord d'enseigner l'anglais dès le primaire, ce qui existe déjà. Il souhaiterait que de véritables anglophones viennent dans notre pays y enseigner, ce qui serait en effet bénéfique, mais encore faut-il trouver les bons arguments pour les faire venir. Par contre, le voilà qui nous invite à imposer aux élèves l'enseignement du mandarin dès le collège. On remettrait donc en cause la liberté des élèves à choisir leur langue pour imposer la langue administrative de l'Empire du milieu. Certes, la Chine joue un rôle très important dans notre économie, mais les Chinois qui font des affaires parlent anglais en général. Si on peut encore justifier qu'on impose l'anglais (c'est déjà discutable en soi, car la diversité est aussi une richesse), établir une hiérarchie des langues peut sembler dangereux. Laissons les gamins choisir avec les moyens du bord (c'est-à-dire les profs que nous avons) leurs langues.
  • En second point, le Crapaud, qui l'avait déjà fait, remet en cause l'enseignement de la géographie et préfèrerait que nous fassions beaucoup plus de français au lycée. Je suis tout à fait d'accord qu'il faut revoir l'enseignement de notre langue (à mon sens, il faudrait inverser le tout, et faire de la grammaire en lycée, période où les élèves sont plus à mêmes de conceptualiser) mais renoncer à la culture générale se fera au détriment des plus faibles. Une personne qui fait des fautes mais qui a de la culture est, à mon sens, mieux engagée dans la vie que dans la situation inverse.
  • Une idée intéressante par contre : une année de plus pour les bacheliers non-généraux avant l'entrée en fac, même si je préférerais qu'on poursuive l'élévation de la culture générale dispensée dans ces bacs, ce qui bénéficierait à tous et pas seulement à ceux qui souhaiteraient aller vers le supérieur.
  • Arrive la question des classes de niveau. Je suis toujours étonné de voir défendre cet aspect. Les classes hétérogènes ont deux grands avantages. D'abord, elles enrichissent les gamins qui sont tous confrontés à la différence, ce qui est bon pour tout le monde. Ensuite, elles sont plus performantes pour l'ensemble, et ce n'est pas moi qui le dit, mais l'OCDE. Les systèmes qui ont les meilleurs résultats sont les systèmes, comme la Finlande et la Corée du Sud, qui mélangent le plus les élèves. La France produit des élèves faibles très faibles et des élites moins performantes que dans les pays qui mélangent les gamins. A moins d'accuser l'OCDE d'être un repère de gauchistes, je ne vois pas bien pourquoi l'on s'accroche à ce point à cette histoire de niveau, à moins de toujours rester attaché à l'idée que son gosse est trop beau pour se mélanger avec les torchons...

Évidemment, tout cela mériterait d'être longuement développé, mais je le fais régulièrement sur ce blog, alors, suivez-moi, et on y reviendra.

18 commentaires:

  1. Mathieu L. , j'arrive ici suite au billet de crapaud... c'est amusant, ce jeu de piste !
    Je dois être bien plus vieille que vous, mais j'ai été scolarisée, du primaire au collège, dans un petit village Tarnais avec maîtresses à l'ancienne (j'ai connu l'encrier, la plume sergent major et le poêle à charbon, mais le village était très retiré de la "branchitude") et profs de collège très politisés et idéalistes, mais très consciencieux dans leur job, d'où mon goût peut-être de la polémique et mon intérêt pour la chose publique.
    Bref, tout ça pour dire, que toute ma science de la grammaire et syntaxe françaises résulte de ces années là et que je crois, très fort, que c'est très tôt, et quotidiennement qu'il faut s'y coller.
    Je précise que mon niveau scolaire s'arrête au Bac.

    Ensuite, au lycée, j'ai eu un super prof d'histoire/géo et il me manquerait de ne pas avoir croisé sa route.
    De la culture générale, j'en ai reçu, tout au long de ma scolarité, de la part de presque tous les enseignants (exceptés de quelques nullités qui n'avaient pas leur place là, quand même) et je n'aime pas l'idée de scinder cela en tranches. Les parents aussi ont leur rôle à jouer, mais l'école se doit de combler au mieux les manques de ceux qui n'ont pas la chance de vivre dans un entourage riche intellectuellement.
    Je n'aime pas l'idée d'accepter que l'on fasse des fautes pourvu qu'on ait la culture. Ou vice-versa. Je préfère que l'on veuille le TOUT, point.

    Quant à l'apprentissage des langues, chez nous, c'est encore et toujours ce qui pêche par défaut.
    Ouvrir les choix possibles, commencer tôt (et pas seulement par des chansons), se donner les moyens d'enseignants compétents (difficile d'en trouver avec un bon niveau quand on observe ses capacités après 8 ans d'apprentissage de 1ère langue), tout ça a un coût et requiert d'y penser et de le vouloir vraiment.

    Une année de plus pour les bacheliers non généraux ? Les études sont déjà bien assez longues... De bonnes bases dans le premier degré est une solution possible.

    Et d'accord, absolument d'accord pour des classes hétérogènes. La vie n'est que cela, un mélange de tout, de bien, de mal, de beau, de moche, de fêtes, de galères, etc.... je ne comprends pas non plus cette idiotie à vouloir tout aseptiser ou ségréger.

    RépondreSupprimer
  2. @ Cat : on s'amuse bien dans la blogosphère...

    Sur le fond, quelques éléments :

    La question de la grammaire est passionnante, et personnellement, j'adore ça, même si ce n'est pas ma discipline. Dans mes souvenirs, en primaire, on ânonnait des définitions et des règles sans réellement les comprendre, et après, les professeurs de français réduisaient sans cesse cet enseignement. Au lycée, les profs de lettres estiment qu'ils font des lettres, et pas de la grammaire, alors que je ne vois pas bien comment faire l'un sans l'autre. La grammaire demande aussi un travail conceptuel que la plupart des gamins ne développe que tardivement et c'est dommage qu'on n'y revienne pas plus tard.

    Sur les langues, cela a un coût énorme, j'en suis d'accord.

    Je suis d'accord avec vous sur le TOUT, mais on le fait, sauf que cela ne marche pas avec tous les gamins. LCDM propose un choix que je n'approuve pas.

    Sur les bases, on les donne déjà je trouve. Le problème est plutôt qu'on cherche à massifier le supérieur sans donner les fondements aux élèves d'y arriver. Le travail devrait se faire tout au long de la scolarité.

    RépondreSupprimer
  3. Un billet sur l'éducation qui m'intéresse...
    L'enseignement des langues est pitoyable en France, il suffit de voir comment les français parlent anglais ou allemand. Pour faire venir des natifs étrangers, il faut les payer, c'est simple, c'est ce que font les autres pays.
    Je ne relève pas le truc du chinois, car c'est contre la liberté de choix, je n'aurais pas eu envie de parler chinois, tous n'ont pas envie de se frotter aux chinois.
    J'ai l'impression que les fautes sont de plus en plus acceptées dans notre société et c'est une évolution que je déplore. Maintenant les cours de grammaire en 5ème, c'était absolument incompréhensible, t'as pas tort avec ton inversement collège/lycée.
    Quand à l'Histoire/Géographie, est-il nécessaire de se taper les dates par coeur? Ne serait-il pas mieux d'insister sur les raisons et les conséquences des évênements?
    Et l'enseignement de l'histoire précolombienne des continent asiatiques et américains, ce serait pas mal non?
    Classes de niveau, c'est pas bon, mais refonte du collège unique et mise en valeur des filière technologique, c'est indispensable quand tous les plombiers refusent même d'émettre un devis pour un chantier qu'ils jugent pas intéressant...

    RépondreSupprimer
  4. En vrac:

    Qu'est-ce qui marche mieux chez les autres que chez nous au collège ?

    J'ai vu, d'année en année, le niveau d'exigence baisser concernant la rédaction en français (dans toutes les matières où l'on demande des textes, des paragraphes argumentés). Et ça se ressent dans le niveau d'expression des jeunes professeurs. Il y a de quoi se gratter la tête quand on lit un bulletin scolaire, ou des corrections dans les copies. Pour l'enseignement des langues: je pense qu'avec la méthode Assimil, une leçon par jour, on apprend mieux qu'au collège ou au lycée, nonobstant l'accent, pas très important.

    RépondreSupprimer
  5. L'accent n'est peut-être pas important, mais l'expression oral l'est, par contre. Les japonais ont une maîtrise grammaticale exceptionnelle en anglais mais demandez à Mathieu, ils savent pas parler et ne parlent donc pas.

    RépondreSupprimer
  6. @ Manuel : ton commentaire s'appuie sur la vision de l'école quand nous y étions. Les choses ont changé.

    L'enseignement des langues est réformé sans arrêt. La tendance actuelle est à l'utilitarisme (apprendre la technique et laisser la civilisation de côté). Je ne sais pas si cela marche mieux car on ne pourra le savoir que quand les élèves actuels seront sur le marché du travail.

    Pour l'HG, l'attente en par coeur a beaucoup diminué. Je trouve que l'on renonce un peu à la culture générale sur ce point. Par contre, la part conceptuelle a augmenté, et ça, c'est intéressant.

    L'Asie et l'Amérique entrent dans le nouveau programme de seconde. Cependant, certains te diront (suivez mon regard) que l'important est que les élèves maîtrisent l'histoire de France.

    Sur les filières technologiques, tant que les Français considéreront que le travail manuel est avilissant pour l'homme, on pourra toujours danser la carioca dans l'EN, on n'avancera pas beaucoup.

    @ Suzanne : sur le collège, je vous invite à consulter les études PISA, disponible sur internet et sur le site de l'OCDE. Vous y verrez que le collège français n'est pas mauvais mais moyen, ce qui n'est certes pas satisfaisant. Nous sommes mauvais dans l'aide aux élèves en difficulté et notre système a tendance à aggraver les inégalités sociales.

    sur l'exigence en français, je suis d'accord avec vous. Cependant, il faut bien avoir conscience que cette réduction régulière de la langue dans nos programmes s'est faite pour y faire entrer d'autres disciplines. Faut-il sabrer, et dans quoi ?

    Sur l'accent, je ne suis pas d'accord, et je rejoins tout à fait Manuel sur mes expériences au Japon, assez édifiantes sur la catastrophique pratique de l'anglais de ce peuple faisant pourtant davantage d'anglais que nous.

    RépondreSupprimer
  7. Ça ne doit pas être si difficile que ça d'avoir des enseignants en langues qui viennent de pays dont on étudie l'idiome. Quand j'étais en 3e, à la fin des années soixante, j'avais pour professeur d'anglais un Anglais qui avait d'ailleurs amené avec lui les méthodes de l'enseignement britannique, et n'hésitait pas à en user et en abuser : j'ai le souvenir de quelques douloureuses séances de torture.

    Plus tard, j'ai connu d'autres enseignants en langue venant d'Angleterre, d'Espagne, d'Allemagne. La chose est donc possible, et c'est probablement la volonté politique qui n'existe pas (je ne suis pas sûr qu'ils aient tous été des enseignants qualifiés, et ils ne venaient que pour un an, ou deux).

    RépondreSupprimer
  8. Quelqu'un peut-il m'expliquer en quoi le fait que les enseignants en langues soient natifs des pays concernés améliorerait le niveau des élèves français? Vous croyez vraiment que si le niveau est si bas, c'est parce que les profs ne maîtrisent pas assez bien la langue qu'ils enseignent?

    RépondreSupprimer
  9. @ ZapPow : je ne crois pas que cela soit si simple, car il y a l'acte d'immigration avec. Le problème de la qualification est aussi très important.

    @ Lnk : personnellement, j'ai dit que cela pouvait être bénéfique. Par contre, il est clair que la qualification exigée doit être la même pour tous les enseignants, quelles que soient leurs origines.

    RépondreSupprimer
  10. Bien sûr, à qualification égale, un "native" parle nécessairement mieux sa langue. Mais je crois que c'est sans rapport avec ce qui empêche les élèves d'être bons en langues. La différence de maîtrise de la langue entre un Français et un "native", sauf mauvais accent, n'est pas perceptible par les élèves (sauf bilingues)et je ne vois pas en quoi ça changerait leur apprentissage.

    RépondreSupprimer
  11. @ Lnk : les aspects culturels peut-être ?

    RépondreSupprimer
  12. Evidemment, un prof de langue qui ne connaîtrait pas bien le(s) pays concerné(s), ce serait vraiment triste...D'ailleurs, des séjours sur place réguliers devraient être obligatoires pour entretenir la maîtrise de la langue et se tenir au fait des aspects culturels. Ca, ça me paraît important. Mais ça n'est pas gratuit...

    RépondreSupprimer
  13. @ Ink : la collectivité pourrait très bien participer au financement des voyages, plutôt que de laisser la charge aux familles.

    RépondreSupprimer
  14. Ce n'est pas à vous de danser la carioca, mais au gouvernement d'orienter l'éducation nationale dans une direction plus adaptée aux réalités du marché du travail sur vos conseils.

    RépondreSupprimer
  15. Moi j'aime bien le commentaire de Manuel qui n'as pas du tout une vision passéiste. Je crois Mathieu que tu es victime de l'école de la démagogie de l'IUFM : l'enfant est bon, il est roi. Pour améliorer l'éducation nationale, il faut lui enseigner de plus en plus de trucs (car il est connu que plus on sait, mieux c'est) et il faut bien évidemment augmenter à cette fin le budget. Bref, savoir, superficiellement mais savoir... Pour faire quoi ?
    Comme disait Guitry : pq apprendre ce qu'il y a dans les livres si c'est dans les livres ?
    Si un jour je suis prof de fac, je ferai ceci : je donnerai aux exams une feuille avec les dates des décisions de justice. Car cela me sert à quoi de savoir de tête que tel arrêt est de 1971 et pas 1972 ???

    RépondreSupprimer
  16. @ Manuel : je crains que beaucoup d'enseignants soit sur la même ligne que la société.

    @ LCDM : non, je ne suis pas du tout dans cette vision de l'IUFM, qui d'ailleurs n'est pas du tout sur cette ligne. Je pense qu'il faut que les gamins aient de la culture générale car c'est là-dessus que l'enseignement supérieur discrimine aujourd'hui, alors que le secondaire va de plus en plus vers le conceptuel et le raisonnement, ce que, je le répète, je trouve intéressant et souvent enrichissant. Sur la vision passéiste de Manuel, je parlais de l'enseignement des langues, qui a quitté la civilisation pour devenir beaucoup plus pratique. J'ai la chance de participer à un enseignement en langue étrangère et les choses ont vraiment changé. Cela donne-t-il des meilleurs résultats ? On ne le saura que dans quelques années, là encore...

    RépondreSupprimer
  17. Donc vous ne dansez pas la carioca dans l'EN...

    RépondreSupprimer
  18. @ Manuel : moi, oui, mais je suis souvent seul sur la piste sur ce sujet-là.

    RépondreSupprimer

Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

La modération des commentaires est activée 14 jours après la publication du billet, pour éviter les SPAM de plus en plus fréquents sur Blogger.