samedi 31 octobre 2009

Jeunes de banlieue : poids sociologique ou choix de l’individu.

Ce midi, je me trouvais dans une fête de famille, à la campagne. Vous savez, la fête qui réunit plein de gens qui ne se connaissent pas, durant laquelle le repas dure des heures, où on enchaîne les plats, les vins, les digestifs et le café sans trop savoir ce que l'on fait. Au final, on passe un moment intéressant et on découvre, ou on redécouvre, des personnes qu'on ne connaît pas toujours très bien et que l'on ne rencontre pas dans sa vie quotidienne.

A un moment du repas (entre les copieuses entrées et le plat principal), des cousins se sont lancés dans une discussion concernant les jeunes de banlieue qui peuvent parfois faire preuve d'une certaine violence. Un débat démarra concernant les causes de ces situations particulières. Globalement, deux positions furent développées :

  • La première, marquée par le poids de l'individualisme, visait à développer l'idée que ces jeunes avaient énormément de chances dans la vie du fait de l'aide de la collectivité et qu'ils se devaient d'en profiter, de travailler et de réussir. Globalement, l'échec et la violence relevaient des choix individuels.
  • La seconde tente d'expliquer ces comportements par des phénomènes de masse. Ainsi, on explique les violences des jeunes de banlieue par la pauvreté, les phénomènes de chômage, les difficultés des familles.

Il ne manquait que la théorie raciste et on aurait eu les trois visions traditionnelles expliquant la situation des jeunes banlieusards. Au passage, on n'a pas du tout évoqué les gens plus âgés vivant en banlieue et pouvant parfois aussi être violents. Il est évident que nous étions focalisés sur les adolescents.

J'ai toujours vécu en banlieue, en Seine-Saint-Denis, et je dois te dire que je connais bien ces « jeunes ». A l'école, au collège et au lycée, ils ont été mes camarades de classe. Il en fut d'ailleurs de même à l'université. Depuis, je suis professeur dans un lycée où l'ultra-majorité des élèves sont issus des cités.

Après ces années de pratique, je reste attaché à la seconde hypothèse : vu la masse du phénomène, on ne peut expliquer autrement les comportements des jeunes de cité que par des phénomènes économiques et sociologiques de masse. Cependant, je ne peux que constater que certains individus parviennent à échapper à ce carcan et à vivre une vie totalement différente.

Pour moi, les causes sont multiples. Il y a certes la volonté du gamin, mais aussi celle de ses parents et de sa famille, les amis de l'enfant, ses désirs. En clair, sans que je sois capable d'expliquer pourquoi, une minorité parvient à s'extraire des grands schémas sociologiques qui s'appliquent à la majorité et font autre chose. Le débat est tellement complexe, le phénomène a des causes tellement multiples, qu'on ne peut l'analyser en deux phrases, le réduire en quelques mots.

Durant cette discussion, je n'ai pas participé. En effet, cette opposition entre ces deux positions m'a semblé improductive, car deux opinions se sont confrontées, dans le but unique de convaincre l'autre, sans aucune chance de pouvoir le faire. Ce qui m'aurait plus intéressé, je l'avoue, aurait été de savoir quels ressorts nous amènent à avoir une lecture tellement différente du phénomène. Là, on entrerait dans l'intime de chacun, le jeune de banlieue ne devenant qu'un moyen d'exprimer ce qui fait nos fondements, et finalement, notre identité. De plus, je me demande toujours pourquoi le gamin de banlieue est tant au centre de nos préoccupations. Finalement, ils sortent peu de leurs cités, et il est tout à fait possible à un Français moyen de ne jamais en croiser un seul. Pourquoi nous fascinent-ils plus que les banquiers, les patrons ou les riches qui ont pourtant bien davantage d'impact sur nos vies ?

Trop saoul et risquant de ne pas intéresser grand-monde, je ne me suis pas lancé. Je le fais ici. N'hésite pas, cher lecteur, à te saisir du débat.

4 commentaires:

  1. Dommage que ce billet ait été aussi vite recouvert par une question de Miko, qui, lui, ceci dit, recueille 8 commentaires ...

    Je ne comprends pas trop la logique du premier argument. En gros, il n'y a pas de cause à la violence des jeunes, puisque gâtés comme ils sont, ils devraient ne pas être violents ?? C'est bizarre ou bizarrement exprimé ...
    A mon avis, la violence des jeunes est multicauses, alors n'importe comment, pourquoi chercher à en n'élire qu'une ?

    Je tenais surtout à réagir sur ces deux phrases là :

    "Finalement, ils sortent peu de leurs cités, et il est tout à fait possible à un Français moyen de ne jamais en croiser un seul. Pourquoi nous fascinent-ils plus que les banquiers, les patrons ou les riches qui ont pourtant bien davantage d'impact sur nos vies ?"

    Je crois que tu te trompes : c'est l'inverse.
    Vu qu'on a déporté les classes dangereuses en banlieue, forcément qu'on les voit, dans leurs déplacements.
    Alors qu'au contraire, on ne voit pas les riches (ne prennent pas les transports en commun, ne vont pas dans les restos bon marché, ne consomment pas dans les mêmes commerces etc.).
    D'ailleurs, les classes dangereuses, du fait des déplacements, sont à peu près la seule catégorie qu'on est sûr de rencontrer.
    De plus en plus, nous vivrons dans notre catégorie de population et c'est déjà très prononcé.
    Je l'ai observé plusieurs fois, quand je vais au musée ou dans les cinés que je fréquente, dans les restos où je vais, le type de loisirs etc.
    Même des personnes handicapées, nous n'en voyons pas forcément, si nous n'en connaissons pas dans notre entourage proche.
    Par exemple, as tu rencontré, parlé, avec des aveugles, des sourds, as tu côtoyé de près des attardés ?
    Nous vivons aussi en ignorant complètement le monde paysan, si nous en n'avons pas dans notre famille, autre exemple.
    Enfin, il y a aussi le très grand âge, qui est isolé dans son coin.

    Donc, les jeunes qui "bougent" font partie de la seule catégorie qui se frotte un peu à l'ensemble de la population, qui n'en voit que les messages négatifs. Violence verbale ou physique, communication impossible.
    De ce qu'en retiennent les gens que j'ai entendu, de ce que j'ai parfois la tentation d'en retenir, ce sont les chaussures sur les sièges, la musique à fond, les filles extraordinairement grossières, le sans gêne, l'agressivité.
    Le total manque d'éducation, la limitation dramatique de vocabulaire, une susceptibilité à fleur de peau.
    Ils font peur pour tout ça.

    Voilà ce qu'il se passe, d'après moi.

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  2. @ Audine : oui, pourquoi chercher à n'en élire qu'une ? Je ne sais pas, mais ce cousin l'a fait.

    Je comprends ton raisonnement sur les phrases citées. Pourtant, je ne te suis pas. Les jeunes que je fréquente dans l'éducation bouge assez peu. Peut-être qu'on les remarque quand on les croise, vu les réflexions de la fin, mais je ne les crois pas plus mobiles que les autres.

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  3. Sur Montpellier, c'est très frappant.
    Les cités populaires se trouvent dans les périphéries autres qu'à l'est, l'endroit "up" où va se trouver la nouvelle mairie, où se trouve la fac, et surtout, à trois ou quatre stations de tram après (on ne va pas tout mélanger) où se trouvent le Multiplexe, le nouveau grand centre commercial dans lequel le tramway aboutit. Il y a aussi patinoire, bowling, et restos à prix max moyenne gamme, dont Mc Do.
    D'où la transhumance dont je te parle.
    Quand ils ne vont pas à ce terminus de tram, les jeunes qui déambulent (pour cause de manque d'argent), vont trainer dans le centre commercial du centre ville et squatter les fast food.
    On en croise donc beaucoup, mais Montpellier est une ville très jeune, de toutes manières, avec ses 50 000 étudiants.
    Autour de moi, et avec toutes les personnes avec qui j'en parle, jeunes ou moins jeunes d'ailleurs, c'est du fait des transports que l'on cotoie des jeunes, plus ou moins ... agréables à fréquenter.
    La question de l'éducation, des incivilités, de leur agressivité est une question importante : car même lorsqu'ils ne sont pas violents, ils font peur. Peur de ne pas pouvoir les maitriser, peur de ne pas se faire comprendre, peur que ce soit pire.
    Ceci dit, je trouve les adultes souvent très lâches.
    J'ai déjà demandé à un jeune avec ses potes de baisser sa musique, il l'a éteinte tout de suite et c'est seulement après que des gens se sont plaint ... à moi !!
    Une autre fois, j'ai dit à une gamine d'arrêter de taper ... sur un copain à elle ! Le chauffeur a failli s'arrêter d'ailleurs, elle était surexcitée, très pénible. Elle l'a moyennement fait, mais j'ai été la seule à rouspéter.
    Il se peut qu'un jour, je finisse par me faire taper dessus, mais si déjà on n'ose pas dire quoique ce soit, que va t on faire ???

    Je trouve qu'il faut franchement aborder cette question, et cette violence plus ou moins sous jacente, qui est quasiment tout le temps le fait de jeunes de la 2e génération d'immigrés d'Afrique. Ce qui fait qu'on se censure, et c'est ce qui fait qu'on courre à un échec.
    Nous vivrons, (nous = bobos comme toi ou moi) dans des quartiers barricadés, ouatés et dans une ségrégation parfaitement débilitantes, sous tranquilisants et anxiolitiques.
    Ca a déjà commencé.

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  4. @ Audine : ton commentaire me semble rempli d'angoisse, chère Audine.

    Le fait qu'ils t'angoissent ne signifie pas que tu nous pourras pas les maîtriser. La preuve, quand tu rouspètes, on t'écoute. Evidemment, il y a des individus dangereux, mais ce ne sont pas forcément ceux que nous entendons le plus.

    Sur ton enfermement par quartier, c'est sans doute vrai pour les riches. Pour les classes moyennes, à Paris en tout cas, cela me semble impossible, car nous sommes bien obligés de nous déplacer. D'autre part, je ne suis pas un bobo : pas les moyens de ce mode de vie-là.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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