lundi 27 avril 2009

Aux Lilas, l’église va tomber.

Depuis plusieurs années, une polémique occupe la ville des Lilas, où j'ai la joie d'habiter. Il s'agit de la situation de l'église. Je vais pourtant revenir au plan local et me détacher de mes grands sujets habituels.

Et pourtant… L'église des Lilas (consacrée à Notre-Dame du Rosaire) n'est pas un bâtiment particulièrement remarquable. Elle a été construite en 1887, pour être provisoire. Cependant, comme dans de nombreux cas, le provisoire est devenu permanent. Et aujourd'hui, l'église est dans un sale état. De plus, elle est localisée dans une petite rue de la ville, la rue Jean Moulin, et n'est donc pas facilement repérable par les passants.

En 2002, la ville, propriétaire du bâtiment depuis 1905, suite à la loi de séparation de l'Église et de l'État, a lancé une étude pour détruire l'église et en construire une nouvelle qui doit marquer le rajeunissement de la commune. Cette construction prend place dans d'importants projets immobiliers dans la zone, et marque aussi l'arrivée au pouvoir de la gauche, dans un vieux fief de la droite en région parisienne.

Entre 2002 et aujourd'hui, les conflits politiques ont été nombreux : la droite et la gauche se sont écharpés sur ce projet, la gauche a aussi beaucoup discuté en interne (cela vaut-il la peine de mettre autant de moyens dans cette nouvelle église ?), des croyants attachés au lieu ont essayé de défendre l'idée d'une rénovation plutôt que d'une démolition. La municipalité a été obligée de publier un important dossier sur le site internet de la ville et de consacrer à plusieurs reprises des numéros du canard municipal à ce sujet, voulant montrer que le projet valait le coup d'être mené, avec le soutien mesuré du prêtre de la paroisse. Les Lilas ont ainsi la gloire d'accueillir la première église de Seine-Saint-Denis bâtie au XXIe siècle et c'est une mairie de gauche qui le dit !

Au départ, je ne m'étais pas particulièrement intéressé à cette affaire, dont je trouvais le retentissement disproportionné par rapport à d'autres questions concernant la vie de la commune. Les travaux sont nécessaires : j'ai beau ne pas porter les catholiques dans mon cœur, je ne leur souhaite pas de finir sous les toits de leurs églises. Seul le prix de la nouvelle construction (2 millions d'euros) peut réellement être critiqué, mais je préfère autant que ce nouveau bâtiment porte quelque chose de moderne et fasse du bien à cette ville, plutôt que de construire un machin sans aucun intérêt. Une église dure longtemps, et autant ne pas supporter un bâtiment infâme juste à côté de chez nous.

Pourtant, la démolition a commencé par les bâtiments annexes. Je ne suis lilasien que depuis cinq ans, mais j'ai ressenti une réelle émotion, ce qui n'avait pas été le cas pour les constructions alentours. C'est là qu'on voit poindre les symboles qui structurent notre espace géographique. On est élevé dans le fait que l'église est un lieu marquant de la vie d'une communauté. Même si celle-là n'a pas grand intérêt, on s'attache rapidement à ce lieu symbolique. Dans de nombreuses villes, l'église est un point de repère de l'espace vécu, et symbolise l'existence de la communauté, même si on n'est pas croyant. Aux Lilas, c'est la mairie, situé à un important carrefour routier, qui tient ce rôle de point de repère spatial. Un autre symbole pourrait être la redoutable tour du fort de Romainville, mais je ne peux pas dire que j'y sois vraiment attaché…C'est là tout le défi de reconstruire un bâtiment pareil : nos concitoyens y tiennent. Si on fait une construction infâme, tout le monde en souffre.

En tout cas, en tant que bon gauchiste estampillé, je m'étonne toujours autant de cette mélancolie que je ressens en passant devant l'église encore intacte… Sans doute mon côté conservateur qui fait tinter sa petite clochette.

4 commentaires:

  1. Salut,
    Rassures toi on est tous pareils même sans être pratiquant.
    Ce n'est pas un hasard si sur l'affiche de Mitterrand "La force tranquille" il y avait une église en fond !...c'est la force d'un symbole forgé par 2 000 ans d'histoire (ou presque) !

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  2. Les lieux de cultes sont une présence forte dans notre vie.Sans être particulièrement catho..
    Les Lilas, la ville où est né mon fils, à la maternité des Lilas près de la Mairie, Rue du Coq Héron..

    Beaucoup de souvenirs dans cette ville...
    Et l'église y a sa place.

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  3. Rien ne vaut un bon vieux temple maya ou un puits des âmes ^__^
    On a un attachement aux vieilles bâtisses.
    Et aussi aux citations (enfin moi en tout cas):
    Oui, nous avons, nous aussi, le culte du passé. Ce n'est pas en vain que tous les foyers des générations humaines ont flambé, ont rayonné ; mais c'est nous, parce que nous marchons, parce que nous luttons pour un idéal nouveau, c'est nous qui sommes les vrais héritiers du foyer des aïeux ; nous en avons pris la flamme, vous n'en avez gardé que la cendre.
    (Jean Jaurès, janvier 1910, à Paris, Chambre des députés, dans Pages choisies, éd. Rieder, paru en 1922, p. 115)

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  4. @ Nicolas007bis : eh oui, même la gauche en est victime.

    @ Christie : ah, la célèbre maternité des Lilas. Elle est juste derrière chez moi...

    @ Ferocias : vive Jaurès, trop méconnu aujourd'hui.

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