vendredi 24 octobre 2008

Tous les jours, je vous écris une lettre anonyme.

J'ai découvert avec intérêt un billet du Chafouin qui concerne l'anonymat des blogueurs. Comme tu pourras le lire dans les commentaires, une violente polémique l'a opposé à certains contradicteurs. Cette question de l'anonymat est intéressante en soi.

Personnellement, j'aimerai vraiment ne pas être anonyme. Lorsque j'ai créé ce blog en avril dernier, j'avais volonté à ne pas l'être. J'y avais mis ma photo, un lien vers mon ancien blog sur lequel est écrit mon nom. La seule chose que je m'étais très logiquement imposé comme convention personnelle de départ était simple : ne jamais donner aucun élément explicite qui permette d'identifier le nom de mon lycée dit difficile, les collègues de mon établissement et les élèves. Pour moi, il me fallait être capable de parler d'éducation quand je le souhaitais sans engager les gens avec qui je travaille directement.

J'ai assez bien tenu cet engagement de départ. Normalement, si tu lis régulièrement ce blog, cher lecteur, tu devrais être totalement incapable d'identifier mon établissement. Je sais que quelques collègues me lisent, et ils m'auraient indiqué un éventuel dérapage.

Pourtant, rapidement, j'ai commencé à effacer de ce site les éventuels moyens de me reconnaître. En effet, des anciens élèves puis des élèves actuels m'ont trouvé. C'est un peu de ma faute, car j'ai eu tendance au début, pour m'attirer des visiteurs, à laisser traîner l'adresse du site partout. Je me suis alors demandé s'il était sain de leur montrer à ce point mes opinions politiques. En tant qu'enseignant, et surtout en tant que professeur d'histoire-géographie, je me dois d'essayer de maintenir une certaine image d'objectivité. Il serait possible, si des élèves commençaient à me lire régulièrement, qu'ils doutent de ma volonté d'objectivité lorsque j'enseigne. Certes, je peux quand même compter sur leur intelligence et leur capacité à faire la part des choses, mais je ne peux être sûr qu'ils soient tous capables de le faire.

En plus, je ne parle pas que de politique ici. Il serait possible que mes chers élèves connaissent des aspects de ma vie privée que je n'ai pas forcément envie de partager avec eux. Certains font tellement tout partager, avec drôlerie, tout en mettant leur nom, que j'en suis envieux. C'est dommage, car un nom n'est qu'un nom, et la majorité des lecteurs s'en fichent : ils ne viennent pas ici pour le nom mais pour la qualité du texte et le plaisir éventuel lors de la lecture.

Ainsi, j'ai ôté ma photographie, retiré le lien vers mon ancien blog et supprimé mon adresse de certains endroits. Je subis donc un anonymat contraint. Je pourrai m'en passer, et peut-être que je pousse la contrainte professionnelle un peu loin, mais je ne me sens pas de faire autrement pour le moment. Malgré tout, mon prénom est le vrai, de même que la première lettre de mon nom de famille. Le Chafouin et ses adversaires n'ont apparemment pas envisagé cet anonymat-là, même si je me l'impose pour des raisons sans doute peu fondées.

Je me sens d'ailleurs assez mal avec ça. Tous les jours, je dis à mes élèves qu'une source non-anonyme a forcément plus de poids qu'une autre, et ici, je fais l'inverse. Ah, conscience professionnelle, quand tu nous tiens...

P.S. : à noter que la conclusion la plus claire laissée chez le Chafouin sur ce sujet, finalement assez personnel et peu intéressant pour la grande majorité des lecteurs, me semble être un très court commentaire de Rubin. Comme quoi, pas besoin d'en écrire des tartines pour dire des choses intelligentes.

23 commentaires:

  1. Eh bien, moi, je donne mon prénom, mon nom, mon occupation, et je fais connaître mon blog publiquement !

    Normal : j'en fais un atout, même si les gens auprès desquels je le promeus ne partagent pas mes idées.

    Ils n'en apprécient que mieux ma sincérité. Et ma cohérence aussi.

    C'est que j'ai une visée idéologique.

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  2. Sujet pas facile ! Sarkofrance en parle aussi sur une de ses annexes, aujourd'hui.

    Mais l'audience des blogs est tellement nulle que je finis par m'en foutre (je me cachais quand je cherchais du boulot... maintenant je me contente de me taire au boulot).

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  3. @ Criticus : j'ai bien vu. Je pense quand même que notre différence de métier explique assez facilement cela. Avec le Chafouin, vous faites le même boulot, ce qui explique que vous puissiez avoir de telles disputes.

    @ Nicolas : d'un autre côté, pour un employeur, avoir le numéro 1 français des blogs politiques chez soi, cela peut être une plus-value pour l'entreprise, non ?

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  4. @ Nicolas : cela m'étonnerait qu'il n'ait pas fait le raisonnement lui-même...

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  5. C'est un thème récurent du blogage, que j'ai abordé également plusieurs fois,en divers lieux. Au début, j'avais tendance à juger sévèrement l'anonymat, faute de connaitre les contraintes des salariés —j'ai toujours eu la chance d'être libre professionnellement. À présent, je suis devenu plus compréhensif, mais il y a tout de même un aspect qui me bloque : une information venant d'un anonyme est à prendre avec des pincettes. Je m'explique : un point de vue anonyme sur l'actualité peut-être bienvenu et son apport mériter d'être signalé par un lien. Par contre, si ce même anonyme fait état d'une information que je ne peux recouper ailleurs, je m'en désintéresse. Je vois bien tout ce qui peut justifier l'anonymat, l'estimable et le critiquable. S'il est anodin dans le cas de productions artistiques, littéraires, ou fantaisistes diverses, pour protéger sa vie privée (j'ai utilisé plus de 30 ans un pseudonyme de moins en moins protecteur), il me semble en revanche très mal convenir au discours politique.

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  6. On peut dire de grosses conneries en mettant nom et prénom, j'en ai vu!
    Et l'anonymat,quand on tient un blog et qu'on écrit sur soi, qu'on expose ses opinions, c'est relatif.
    Donner son nom change t'il tout?
    Mon adresse c'est notre blog, on veut venir discuter, voilà, on est toujours là.

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  7. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  8. Bonjour Mathieu. Je fais comme toi, je préserve mon anonymat. Pour celà, j'ai une autre raison: Je souhaite pouvoir m'exprimer sans inhibition. De plus, étant un professionnel du secteur privé, je suis un potentiel chercheur d'emploi. Le premier réflexe de tout chasseur de tête aujourd'hui lorsqu'il recoit un CV est de taper le nom dans google. Je ne pense pas que mes opinions politiques et intimes n'aient à avoir une quelconque influence sur mon "employabilité". Pourtant, les préjugés étant tenaces, et je les adresse justement sur mon blog, je ne pense pas que j'aurais la moindre chance si je rompais cet anonymat.

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  9. C'est reparti !
    Pouvoir s'exprimer sans inhibition nous dit l'un, serait l'une des principales raisons de son anonymat !
    Tartufferie. En général, celles et ceux qui prônent la déshinibition à tout crin sont exactement celles et ceux qui n'ont strictement rien à écrire.
    Cela tombe bien encore, j'écris à visage découvert et je n'ai aucune inhibition, le patron de ce blog m'ayant "linké" sous le terme fourre-tout de polémique...
    En accord, donc, avec Criticus (même si je n'ai pas mésestimé les réponses du Babouin).

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  10. @Stalker

    "Celles et ceux qui prônent la déshinibition à tout crin sont exactement celles et ceux qui n'ont strictement rien à écrire"

    Désolé de rebondir mais regarde ce que fais Eolas de son blog avec les mouvements des magistrats : rien de tout cela ne serait possible sans anonymat. Malheureusement...

    @ Mathieu l.

    Je comprends votre souci vis à vis de vos élèves, ils ne sont pas censés pouvoir faire autant la part des choses que le peuvent les lecteurs de roman bernard-criticus, par exemple, qui sont grands pour faire le tri.

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  11. L'anonymat procure certaines limites : on ne sera jamais un gourou du net sous couvert d'anonymat. Mais c'est aussi une protection de la vie privée.
    Et puis, on fait bien comme on veut non ?

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  12. Merci à tous pour vos commentaires.

    @ LCC : tu as entièrement raison sur le fond. Si je faisais de la politique, je ne pourrai évidemment pas être anonyme. Cependant, je ne diffuserai sans doute pas de textes de ce type sur internet. Je souhaite juste préserver ma vie avec les élèves.

    @ Manuel : dans le fond, cela ne change pas grand-chose, mais le nom a aussi une importance symbolique malgré tout.

    @ Titophe : voilà un autre argument. Dagrouik avait évoqué dans un billet le fait qu'il ne trouvait pas de boulot à cause de ces écrits. C'est un vrai aspect à prendre en compte. Maintenant, on pourrait aussi répondre qu'il faut assumer les conséquences de ses actes.

    @ Stalker : sous ma plume, le terme de polémique n'est pas forcément péjoratif. D'autre part, IR est linké sous le terme "certains"...

    @ Le Chafouin : je laisse Stalker répondre sur Eolas. Pour les élèves, c'est un problème, d'autant plus qu'ils sont maintenant très "internet"...

    @ CC : oui, on fait comme on veut, mais le débat mérite d'être posé. Il est vrai que si j'ai un jour envie d'exploiter différemment mon blog, il faudra bien que je me décide à sortir de l'anonymat.

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  13. Chaque cas est particulier.
    Même pour écrire des textes de fiction, il faut quelques fois être discret. Ca permet de "flouter" les collègues ou amis que l'on décrit, de pouvoir mieux raconter certaines situations.
    J'ai déjà inclus dans mes histoires des anecdotes qui étaient arrivées à certains, je ne suis pas certaine que ça leur plairait, ce que j'en fais. Alors je sais, la liberté de l'auteur et tout ça, mais moi, je veux surtout ne pas blesser inutilement.
    Certains blogueurs peuvent vivre dans des petites villes, et n'ont pas forcément envie de tout mélanger, et de voir débarquer "l'extérieur" dans leur vie sur la toile (commentaires de la famille, des collègues etc).
    Et puis, surtout, il y a le problème de la profession, qui peut imposer une énorme discrétion.
    Peut être pour un prof, la discrétion (le devoir de discrétion, de réserve, ce qui s'impose à tout fonctionnaire - et à certains plus, suivant le poste) est plus facile à respecter ?
    Pour un inspecteur du travail, par exemple, c'est très compliqué. Dans le département où je vis (dont d'ailleurs je ne fais pas mystère), nous sommes moins de dix ...
    C'est assez vite fait de faire des recoupements.
    Un collègue a reçu de fortes menaces enfin non, on va dire pressions, pour cesser son blog, qui commençait à être trop connu de tous : il s'agissait de Bereno, qui écrivait "carnet d'un inspecteur du travail".
    http://rezo.net/sources/bereno
    (ce lien emmène sur certains de ses écrits).
    Jamais une entreprise ou une personne n'a été citée dans ses chroniques, et pourtant, il a du cesser très rapidement.
    Donc même sans donner son nom, c'est parfois compliqué.
    Le fait de le donner, à mon avis, peut accélérer les problèmes à vitesse grand V ... avec en plus des comptes à rendre sur le plan professionnel (en l'occurence, heureusement qu'il n'avait pas donné son nom !).
    Il m'arrive de même, de raconter ce que je vois au boulot, voir même ce qui est arrivé avec telle ou telle personne. Même sans donner mon nom sur mon blog, je me pose la question des règles de discrétion.

    Plus personnellement, je trouve les écrits sur le Net trop exhibitionnistes, on s'en fout par exemple du visage du blogueur (et encore plus du commentateur héhé), j'ai du mal à supporter cette personnalisation, cette mise en spectacle permanente que l'on nous fait subir, alors, sur le Net, on peut très bien y échapper si on veut, je ne me cache pas spécialement, mais je n'ai pas envie de me mettre en vue en tant que "personne réelle".
    Montrer les photos de ses mômes, aussi, je trouve ça bizarre comme démarche.

    Bref, comme dirait Mtislav, tout cela participe de la "décroissance de l'intime".
    Et je n'aime pas ça.

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  14. le commentaire d'audine mériterait en fait une véritable discussion de vive voix, tant il y aurait à dire, et redire aussi… On comprend parfaitement que certaines professions exigent la discrétion. On comprend que quelqu'un obligé de bosser pour un patron, de nourrir une famille, etc, ne s'expose pas à visage découvert. Par contre, cela pose aussi des limites à la portée des propos tenus, dans ce qu'ils comportent d'invérifiable. D'autre part revendiquer l'anonymat, lorsqu'on est contraint de l'adopter, comme un gage de liberté, me fait sourire. Liberté de se lâcher? Enfin, lorsqu'on "prend" la parole publiquement pour débattre de problèmes politiques locaux (c'était mon cas à l'origine), j'estime que l'on doit à ses lecteurs le minimum d'honnêteté qui consiste à le faire à visage découvert. La frontière entre clarté et exhibitionnisme n'est peut-être pas facile à tracer, mais il en existe une.

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  15. Je comprends tout à fait ce que tu dis, Le Coucou, mais en fait, j'ai l'impression que le débat focalise sur les blogs de militantisme (ou influence) politique, écrit par des blogueurs vivant dans des grandes villes, et exerçant des professions soit quasi médiatiques (journaliste par exemple).
    Evidemment, dans ces circonstances tout de même assez précises et qui ne concernent pas tous les blogueurs, loin s'en faut, les arguments que développe Le Coucou et Criticus notamment, sont très recevables.
    Maintenant, si l'on regarde l'ensemble de la blogosphère, même en se limitant aux blogs que l'on considère "de qualité", on est obligé de nuancer.
    Quand je regarde mes favoris, ou même juste ma blogroll, à part Nicolas - et il fait partie des blogs "politiques" - aucun ne donne son nom véritable, (à part Trondheim, mais il était connu avant son blog !), encore moins sa photo ou celle de ses mômes (pour moi c'est un peu la même démarche), de Soph' à Dorham en passant par Eolas (ce qui lui permet effectivement une très grande liberté, et ce billet extraordinaire de témoignages ... anonymes de plus de 60 magistrats, document exceptionnel qui n'aurait pu exister sans ... l'anonymat).

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  16. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  17. des professions soit quasi médiatiques soit "anonymisées" (exercées massivement)

    voulais je écrire avant de me déconcentrer !!
    Il est temps d'aller au lit !

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  18. @ Audine et LCC : je trouve que, chacun de votre point de vue, vous avez raison. Je reviens au commentaire de Rubin chez le Chafouin, qui dit finalement que cette question concerne chaque blogueur en fonction de sa situation...

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  19. Il conviendrait aussi de ne pas confondre les professions qui exigent une certaine réserve et les blogueurs qui croient que leur profession (donc eux-mêmes, en fait) sont suffisamment importants pour entraîner l'anonymat. Celui-ci, dans beaucoup de cas, est juste un mouvement de vanité, il me semble.

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  20. @ Didier Goux : je m'abstiendrai de vous demander dans quelles catégories vous classez les différents commentateurs et le taulier du blog que je suis...

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  21. Ah mais, je n'en sais rien ! Ma remarque était d'ordre général : je ne viens pas chez vous depuis assez longtemps (je sais, c'est mal) pour juger des uns et des autres.

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  22. @ Didier : en tout cas, rebienvenue sur ce blog.

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