lundi 2 février 2009

Et, alors qu'on négociait à Sciences Po, Xavier Darcos relança sa réforme des lycées.

Ah la la, en politique, il ne faut surtout pas faire de prévisions…

En décembre dernier, Xavier Darcos décida de revenir sur sa réforme des lycées, sous la pression amicale mais ferme du bouillonnant président de la République. Comme la plupart des analystes politiques, je me suis dit que Darcos risquait bien de ne pas faire long feu, après une claque pareille. Bizarrement, alors que les icônes de la SarkoFrance ne cessent de dégringoler au box-office (Rachida Dati virée en juin, Rama Yade en sursis), le joyeux ministre de l’Éducation est bien accroché à son siège. Le site du ministère publie même un point d’étape et une liste importante de projets. D’ailleurs, il est intéressant de constater que la partie « L'amélioration de la condition enseignante » est majoritairement consacrée au développement des heures supplémentaires

Pourtant, dans ce bilan d’étape, rien n’est dit sur l’évolution de la réforme des lycées. En début d’année, le président de la République avait tenté de reprendre la main sur cette réforme en nommant Richard Descoings pour la coordonner. Peut-être les conditions désastreuses du discours lui ont-elles un peu scié les pattes, mais toujours est-il que le directeur de Sciences Po annonçait plein de nouvelles idées, un redémarrage à zéro et des négociations longues et fructueuses avec les acteurs de l’école.

Et pourtant, en parallèle, le ministre poursuit son travail. Il vient d’être lancé un appel à candidature pour que 100 lycées de France expérimentent certains aspects de la réforme qu'il vient pourtant de reporter. Immédiatement, le SNES a réagi en demandant à ses militants de ne pas se porter candidat, vu que les aspects expérimentés n’avaient pas été négociés auparavant.

Pourtant, en soi, l’idée de faire des expérimentations n’est pas du tout mauvaise. Pourquoi ne pas tester des dispositifs ? Pourquoi ne pas voir ce qui marche, et ce qui ne marche pas ? Cela permettrait de déjouer les ressorts idéologiques des uns et des autres, et de rechercher ce qui est avant tout bon pour les gamins.

Malheureusement, je ne peux qu’apporter mon soutien au SNES. D’abord, dans cette administration, les expérimentations sont nombreuses et fréquentes, y compris dans mon propre lycée. Ensuite, ces expérimentations demandent du temps, ce que ne peut donner Darcos, coincé dans le temps politique et dans l’empressement présidentiel. Enfin, dans l’éducation, on ne fait jamais vraiment de bilans rationnels de nos expériences. Qui se souvient de la polémique sur les travaux personnels encadrés (TPE), que Fillon, alors ministre de l’Éducation, décida de supprimer en terminale sans aucune concertation, alors que les syndicats, qui avaient combattu ce système lorsque Claude Allègre l’avait proposé, avaient finalement rallié le concept et le soutenaient ? Jamais aucune évaluation de ces TPE n’a été faite, autant sur les bons points que sur les mauvais. On les a mis en place, puis on les a supprimé. Ils subsistent en première, mais plus personne ne s’y intéresse, et on sait qu’ils disparaîtront avec le nouveau lycée.

Alors, même si expérimentation il faut (c’est même plus sain), ne pouvons-nous pas au moins tenter de trouver, entre ministère, parents d’élèves, enseignants et élèves, quelques idées que l’on pourrait tester, d’un commun accord ? Libre ensuite au pouvoir politique d’en faire ce qu’il veut, mais il aura au moins des éléments pour réfléchir posément. Ces éléments seront, en parallèle, débattus par la collectivité, ce qui serait, à mon sens, très positif.

Cela implique de prendre le temps et de ne pas simplement chercher, de manière plus idéologique que pragmatique, la réduction des dépenses. Dommage que notre société ne se confine plus qu’à la rapidité et à l’optimisation du temps…

16 commentaires:

  1. Pas de doléances. Juste l'envie de dire que je trouve votre billet très juste, sensé et équilibré, et comme ce n'est pas la première fois que je le constante, que vous allez aussi rejoindre ma blogroll dans la catégorie infidèles et païens :-)

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  2. @ L'Hérétique : merci beaucoup pour le commentaire.

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  3. Tu as tout à fait raison. Simplement, ce gouvernement s'est donné cinq ans pour faire passer le plus de réformes possibles dans tous les domaines, pour tout démolir. Ce sera au prochain de prendre le temps de reconstruire sur un chantier bien fouillis. Au détriment de nos enfants et du corps enseignant, qui manque de repères et à qui on impose beaucoup d'un coup.

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  4. J'aime beaucoup ta conclusion, tes deux derniers paragraphes. Vraiment.

    Bonne journée

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  5. D'ailleurs, quelle était la raison de la suppression des TPE ? Et pourquoi les syndicats ont râlé lors de leur mise en place ? Ces TPE étaient une excellente idée.

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  6. @ Homer : on essaie de résister, c'est pas tous les jours facile...

    @ Faucon colline : merci beaucoup, et bonne fin de journée à toi.

    @ Paul : l'argument avancée par Fillon à l'époque était que les enseignants auraient utilisé les TPE pour faire leurs cours classiques et pour rattraper les retards de programme. Je ne sais pas ce qu'il y a de vrai là-dedans. Dans mon lycée difficile, on les faisait, parce que les élèves y réalisaient des productions intéressantes, et y prenaient souvent beaucoup de plaisir.

    Les syndicats étaient contre au départ, pour deux raisons d'inégale valeur à mon sens. D'abord, pour créer les TPE, on a supprimé des heures de cours classique (il ne s'agissait pas d'heures en plus dans l'emploi du temps des élèves) qui ont été supprimées définitivement en 2004. Ensuite, et c'est là l'argument discutable, beaucoup d'enseignants étaient rétifs à travailler à deux (ce qui se passe durant un TPE) mais ont fini par s'y faire. Moi, je bosse avec un autre prof sur certaines heures, et j'adore ça.

    A bientôt,

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  7. Le TPE supprimé ? On n'aurait pas prévenu notre Lycée de Banlieue ? Aux dernières nouvelles, le TPE existe toujours et il compte dans la note du bac, l'écrit est à rendre pour fin février, la soutenance est en mars ... Ou bien, on ne parle pas de la même chose. A part ça, avant l'expérimentation, on pourrait peut être tenter une petite enquête, non ?
    Ca me rapellera mon jeune temps quand j'ai répondu à celle des transports, cré vindiou !

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  8. @ Miss : il y eu un temps où les TPE notés au bac avaient lieu en terminale. Maintenant, c'est uniquement en première. Mais, en effet, cela compte pour le bac.

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  9. @ Mathieu : merci. L'argument 1 des syndicats est très valable, et discutable (les TPE peuvent apporter davantage aux élèves que les cours supprimés). Les raisons évoquées par Fillon pour leur suppression répond finalement aux syndicats dans un écho absurde (qui reflète l'état du dialogue gouvernement/corps enseignant).

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  10. @ Paul : tout à fait d'accord sur l'argument 1. Et d'accord sur la réponse de Fillon. Dialogue ? Dans l'éducation ? Personnellement, je n'ai jamais connu cela.

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  11. Mathieu, tu évoques implicitement la méthode employée. Un calendrier doit prévoir plusieurs étapes (préparation - mise en oeuvre - bilan) et fixer des critères de jugement précis.

    Peut-être que la voie de l'autonomie réelle des établissements constituerait-elle la rupture souhaitable avec ce type de décision centralisée, parfois trop rapidement mise en oeuvre et trop rapidement balayée pour des raisons hélas essentiellement politiques.

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  12. @ Aurélien : cela dépend des modalités de mise en oeuvre. Le problème actuel est que nos gouvernants, ancrés dans la tradition politique française, décident puis reviennent, puis décident. C'est le fait du prince, toujours et encore. D'autre part, l'autonomie existe déjà puisque les établissements disposent déjà d'un volant d'heures adaptables en fonction des projets.

    Pour mettre en place une autonomie plus forte, il faut plusieurs critères, à mon sens :
    1) Préserver l'égalité des citoyens dans l'école, que ce soit au niveau des programmes, des qualifications des profs et des systèmes d'évaluation.
    2) Construire une autonomie qui soit démocratique et qui associe l'ensemble des acteurs du système éducatif (profs, parents, élèves, autres personnels, collectivités territoriales en action dans l'établissement, État)
    3) Permettre que la marge budgétaire laissée à l'autonomie soit adaptée au type d'établissement, pour préserver le point 1.
    4) Refuser la mise en concurrence des bahuts, qui n'a aucun sens à part celui de créer des ghettos. Le retour d'une carte scolaire (dont les modalités sont à discuter) doit être effectuée.
    5) Contrôler les établissements par des organismes de contrôle associant les institutions représentatives de l'ensemble des acteurs. Cela éviterait les dérives dans certains bahuts.

    Voilà, à mon sens, les critères qui permettraient une saine autonomie.

    A bientôt,

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  13. Si les établissements scolaires touchaient un chèque identique pour chaque élève dans une autonomie budgétaire absolue (frais d'entretien, rémunérations du personnel enseignant et technique), les collèges de ZEP recevrait entre 25 et 35 % de plus qu'aujourd'hui par élève (et ceux du centre de Paris...l'inverse). C'est ce que rapporte une étude de l'Institut Montaigne.

    Plutôt que de parler de "concurrence" entre établissements scolaires, je parlerais d'émulation et de diversité pédagogique permettant l'innovation et des cadres adaptés. Connais-tu le programme KIPP ?
    kipp.org/

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  14. @ Aurélien : je ne suis pas certain des chiffres de Montaigne. Il existe déjà un système de péréquation, et les établissements du 93 reçoivent davantage que les autres.

    Je ne connais pas KIPP, je vais aller voir cela.

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  15. Sur ce doc :
    institutmontaigne.org/medias/documents/amicus_4pages.pdf

    Je cite : "Depuis 1982, les collèges des zones d’éducation
    prioritaires, en se fondant sur un certain nombre d’indices de difficultés, disposent de moyens supplémentaires d’enseignement officiellement évalués à 9 %8. Mais en réalité, si l’on tient compte des salaires des personnels, plus gradés et plus expérimentés
    dans les écoles de « centre-ville », la « discrimination positive », souvent avancée, disparaît et devient même négative : la dépense publique par élève dans les ZEP est en effet inférieure de l’ordre de 30 % à la moyenne nationale."

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  16. @ Aurélien : vu de cette manière, ce n'est pas idiot. Cependant, on est pas prêt de faire venir les profs expérimentés mais non motivés dans des lycées comme le mien, à moins de les y forcer ou de les payer encore plus cher, ce qui reviendrait à une dépense forte. Je ne suis pas très optimiste là-dessus.

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