vendredi 6 mars 2009

L'accord sur les 200 € en Guadeloupe aboutit à financer le refus de partager des plus riches par l'impôt sur les pauvres et les classes moyennes.

Mercredi dernier, réagissant un peu brutalement à un billet d’Ivan Rioufol, je m’étais révolté contre l’analyse faite par ce journaliste de l’accord obtenu en Guadeloupe entre le LKP et le gouvernement, le MEDEF local refusant de relayer la mesure. Aujourd’hui, la polémique provoquée par la déclaration de Domota m’a amené à réfléchir à nouveau à l’accord.

Je te résume les clauses : les Guadeloupéens les plus pauvres obtiennent la somme de 200 € supplémentaires mensuels sur leurs fiches de paie. Cette somme serait supportée par trois biais différents : 50 € payés par les entreprises, 50 € assumés par les collectivités territoriales de Guadeloupe et 100 € par des actions sur les contributions sociales des citoyens.

Quand je repense vraiment à cet accord, je me dis qu’il est révoltant à plus d’un titre, et je m’explique.

Il y a 45 jours que la grève a commencé. Les acteurs sont tous arc-boutés sur des positions différentes :

  • Le MEDEF refuse catégoriquement d’augmenter les salaires. Malgré le fait que les revenus du capital n’ait cessé d’augmenter au détriment des salaires depuis les années 1980, le patronat local se refuse à consentir une hausse des salaires en utilisant la justification de la crise économique. A mon humble avis, les entreprises ne doivent pas être en pleine forme en ce moment, mais le patronat paie finalement le blocage des salaires de la période de croissance précédente, et le sentiment fort que cette croissance récente n’a bénéficié qu’à un tout petit nombre de nos concitoyens.
  • Les grévistes sont dans l’action depuis 45 jours. Pour eux, renoncer à une augmentation serait synonyme d’une lutte sans effet, totalement démoralisante, et d’une défaite idéologique en plus. L’extension de la lutte dans les autres DOM donne de la légitimité à ce mouvement et les problématiques soulevées intéressent en métropole, à l’approche de la grève du 19 mars. Pour Domota, il fallait à la fois gagner quelque chose mais aussi finir par s’arrêter, pour que les Guadeloupéens ne s’usent pas, en utilisant de la menace du contexte. Le MEDEF refusant de céder, il restait l’État.
  • Et celui-ci, en ce moment, n’est pas rassuré, à cause du même contexte. Le mouvement s’étend, et le président craint une explosion en métropole. Pour le gouvernement, il fallait obtenir une solution pour stopper la grève avant le 19 mars, mais on ne pouvait pas s’en prendre au MEDEF représentant l’électorat de droite. Obtenir de force une hausse aurait en plus inquiété les riches métropolitains.
Donc, on a innové et décidé de faire prendre en charge l’augmentation de salaires du privé par l’État, inventant une nouvelle forme de redistribution de la richesse, et préservant en partie les revenus des entreprises. C’est par l’impôt et le déficit de la Sécurité sociale qu’on va payer les salaires des Guadeloupéens.

Cette solution est délirante et montre une vision du budget de l’État de république bananière. Pour préserver les revenus du patronat guadeloupéen qui, s’appuyant sur les valeurs libérales et sous prétexte de la crise, paie pourtant son blocage des salaires, le gouvernement va donc faire payer par l’impôt des salaires ! Te rends-tu compte, cher lecteur, du sens de cette mesure ? Cela signifie que le gouvernement est prêt à aller très loin pour défendre les intérêts de ses affidés.

Pour moi, la solution n’était pas là. Il fallait forcer la main du patronat, comme cela avait pu se faire en 1968 par exemple, pour des motifs de sécurité publique. Vu les écarts qui se sont creusés depuis les années 1980, cette mesure de rattrapage ne changeait pas grand-chose. En plus, on sait pertinemment que les entreprises auraient rapidement répercuté cela dans des hausses de prix.

Certes, vas-tu peut-être me dire, cher lecteur, nous évitons l’inflation. Peut-être, mais si le gouvernement étend ce type de mesure aux autres DOM puis à la métropole, la hausse des impôts qui va suivre (ou la dégradation des services publics par manque de moyens) sera payé par les pauvres et les classes moyennes.

Le salaire est le seul moyen honnête de gagner sa vie. Cette hausse de revenus par l’impôt ne l’est pas. Finalement, j’en suis presque arrivé à espérer que le MEDEF tienne bon et rejette l’accord, juste pour que ce marché de dupes ne rentre pas en application et que la réalité de la répartition des richesses actuelle soit visible.

Parce que faire payer la hausse de salaires de pauvres de Guadeloupe par les pauvres de métropole et de Guadeloupe (n'oublions pas les 50 € des collectivités territoriales), c'est quand même vicieux...

7 commentaires:

  1. Les choses changeront le jour où les travailleurs se battront pour tous et pas simplement pour leur chapelle. Nous sommmes un pays corporatif et nous subisson de plein fouet, le 'diviser pour mieux régner'

    RépondreSupprimer
  2. Je n'avais pas fait attention aux implications de cet accord, mais ton analyse est convaincante. Cynisme et politique de gribouille!

    RépondreSupprimer
  3. @ Tahar : c'est discutable. Les travailleurs de Guadeloupe ont vraiment fait un travail d'ensemble cette fois. C'est plutôt les riches qui se sont arc-boutés et ont tenu bon. La question est de savoir comment faire comprendre aux riches que cette posture n'est plus tenable.

    @ LCC : Merci, camarade, et bravo pour ta progression au Wikio.

    RépondreSupprimer
  4. D'accord avec toi sur la conclusion, c'est un accord scandaleux parce qu'il revient encore et toujours à faire payer par la collectivité ce qui n'es qu'une rustine (en or) faute d'assez de courage ou d'imagination pour régler les problèmes de fond !
    Allez, tenez voilà quelques sous et maintenant foutez nous la paix !...je ne leur donne pas 2 ans pour remettre ça !

    Fondamentalement, même si le patronat avait accepté de payer, cela n'aurait rien réglé : 25% de chômeurs , une économie sous perfusion…
    C'est tout le système qu'il faut remettre à plat, c'est la nature des relations des DOM/TOM avec la métropole. Il faut notamment revoir complètement le statut de ces entités territoriales et ne plus les considérer comme l'Ardèche ou le Calvados !

    ou alors il faut les vendre au plus offrant !....nonnnnn je blague !!!...quoique ...

    RépondreSupprimer
  5. @ Nicolas007bis : non, mais cela aurait donné un peu de facilité aux gens. De plus, comme je l'ai déjà expliqué plusieurs fois, les pauvres et les classes moyennes utilisent à meilleur escient, à mon sens, leurs revenus que les riches. Ils consomment !

    Mais d'accord avec toi que les DOM ont besoin de changement, y compris dans la répartition des richesses. Je suis sûr que c'est à cela que tu pensais...

    RépondreSupprimer
  6. @Mathieu
    les pauvres et les moins pauvres consomment, certes, mais ils consomment des biens importés et pas les productions locales !
    Oui, je pensais bien à une nouvelle répartition des richesses par la remise en cause de toutes les positions établies et notamment les situations de monopoles induites par la législation et sur lesquelles sont assis un petit nombre de "privilégiés" (des vrais) !

    RépondreSupprimer
  7. @ Nicolas007 : ah, les pauvres, ces mondialistes...

    RépondreSupprimer

Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

La modération des commentaires est activée 14 jours après la publication du billet, pour éviter les SPAM de plus en plus fréquents sur Blogger.