mercredi 4 mars 2009

L'université est en grève : pourquoi les enseignants du secondaire ne suivent pas...

Depuis plusieurs jours, on me demande, cher lecteur, pourquoi, alors que les universités sont en pleine révolution, les enseignants du secondaire ne rejoignent pas le mouvement.

La première réponse qui m’était venu était que nos amis universitaires, alors que les profs du secondaire s’étaient largement battus ces dernières années pour essayer de sauvegarder un peu l’école, n’ont que peu remué pour nous aider, mais je ne peux me contenter d’une telle réponse, tu en conviendras.

Aussi, il me faut tenter de décrire un contexte qui n’est pas évident pour des personnes qui ne connaissent pas l’Éducation nationale.

Le problème vient d’abord des enseignants eux-mêmes. Nous sommes tous très concernés par le mouvement des universités, surtout qu’il concerne en partie le recrutement des futurs enseignants du secondaire. Or, les profs sont largement usés par les mouvements divers qui se sont déroulés depuis 2003.

Mais il y a plus, et là, c’est au niveau syndical que les choses se nouent. Depuis le milieu de l’année 2008, Xavier Darcos a entamé un processus de négociation avec la FSU sur la masterisation du recrutement des enseignants.

Qu’est-ce que c’est que ce truc, vas-tu me dire, cher lecteur ? Aujourd’hui, les enseignants sont recrutés majoritairement par le CAPES et le CRPE (pour le primaire), qui est un concours qui se passe à BAC+3. Or, depuis les années 1980, la majorité des profs qui passent ces concours ont une maîtrise ou un master, du fait de l’élévation régulière du chômage qui a accru la concurrence dans les concours de la fonction publique. Les syndicats enseignants réclament depuis le début des années 1990 une hausse des qualifications des enseignants, qui entraînerait mécaniquement une hausse des salaires. C’est ce qui est arrivé aux instituteurs, devenus professeurs des écoles depuis.

Xavier Darcos a repris cette idée, ce qui a d’abord fait penser à une grande victoire. Or, le système proposé est désarmant, car notre ministre sait réutiliser nos travers. Si le CAPES est élevé au niveau master, la question de la rémunération n’a pas été abordée. En clair, nous savons qu’une absence de revalorisation risquerait de décourager de nombreux candidats, considérant que le jeu (vu la difficulté de ces concours) n’en vaudrait pas la chandelle. De plus, Darcos en a profité pour supprimer les IUFM et pour faire former les futurs profs par les universitaires. Au départ, ceux-ci ont dit « oui » parce qu’ils y ont vu un moyen de regagner des postes.

Or, ces nouveaux masters innovent dans le sens où on abandonne un fondement de l’Éducation française. En France, le recrutement était basé sur le niveau disciplinaire, les profs recrutés se formant ensuite à l’IUFM puis tout au long de la carrière. Les nouveaux masters délaissent ces aspects et devraient former davantage sur l’acte d’enseigner que sur les contenus. Les futurs profs feraient leurs années de master I, passeraient les concours à la fin, puis feraient leurs années de stage en master II.

De plus, et c’est là le point nodal, il est prévu que les étudiants pourraient achever un master II et avoir ainsi un master d’enseignement sans obtenir le concours. L’Éducation nationale pourrait alors embaucher ces personnes en CDI de type privé, pour compenser la baisse du nombre de fonctionnaires qui serait provoqué à la fois par le niveau du concours et le salaire peu attractif proposé avec. Rien ne garantirait la capacité de ces gens à enseigner, ce que le concours arrive encore à préserver en partie maintenant. Aujourd’hui, le salaire peu attractif (pour des BAC+5, j’entends) est contrebalancé par les vacances et la sécurité de l’emploi, malgré la difficulté du travail devant élèves et la charge importante de boulot.

Sur ces questions, nous sommes très divisés, et la confusion règne, d’autant plus que notre syndicat majoritaire, la FSU, s’accroche au gain de la requalification en prenant des risques énormes sur de nombreux autres points de notre système éducatif. Les réactions des universitaires nous ont beaucoup échaudé. Ils ont d’abord dit oui, puis ont eu peur à cause de la séparation entre master d’enseignement et master disciplinaire : actuellement, ils recrutent beaucoup de chercheurs dans le secondaire et le primaire.

Bon, il est vrai aussi qu'on est dans l'attente du 19 mars...

Cette situation est très complexe, et j’espère t’avoir un peu éclairé, cher lecteur. Cependant, n’hésite pas à demander des précisions en commentaire…

2 commentaires:

  1. Ta description révèle une complexité qu'on ne connaît pas dans le privé. Tu sembles dépeindre un mélange de craintes corporatistes, une altération du niveau et le maintien d'un certain niveau de cynisme. Un enseignant peut-il concevoir son environnement autrement que comme un tout avec ses 850.000 collègues solidaires ? Je veux être optimiste sur ce point.

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  2. @ Aurélien : j'admets que je n'ai pas bien compris ton commentaire. Peux-tu expliquer tes trois conclusions ?

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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