lundi 17 mai 2010

L'Education nationale n'évalue pas l'enseignement privé.

Hier, je t'avais annoncé, cher lecteur, que je démarrais la lecture du volumineux rapport de la Cour des Comptes sur l'évaluation de l'Éducation nationale. Ce rapport est sévère, c'est peu de le dire, et il soulève bien des thématiques que j'ai souvent abordées. Les rapporteurs auraient pu écrire sur ce blog et je trouve honnête leurs constats.

J'aurai l'occasion de reparler des constats et des propositions, mais je préfère l'achever avant.

En attaquant ce document, j'espérais aussi y trouver une comparaison des résultats de l'école privée et de l'école publique. Nous avions déjà traité cette question dans ce billet sur les classements des lycées. La question n'est pas neutre, car le privé en France est financé de manière importante par le public. La Cour signale que 20 % des jeunes passent au moins un an dans l'enseignement privé et font des allers-retours entre les deux systèmes. L'État salarie 130 677 enseignants du privé en 2009 et les écoles privés sous contrat accueillent plus de deux millions d'élèves.

Vu que des fonds publics sont utilisés, il serait donc normal que le ministère évalue aussi ces écoles, comme le fait d'ailleurs l'OCDE dans le cadre des études PISA.

Et là, surprise, on découvre que la Cour des Comptes a été incapable d'évaluer l'enseignement privé, parce que le ministère ne fournit pas les chiffres. Voici les extraits qui parlent d'eux-mêmes :
"En effet, dans ses projets et rapports annuels de performance, le ministère de l’éducation nationale a retenu, pour l’enseignement privé sous contrat, un ensemble d’indicateurs qui sont le décalque de ceux utilisés pour l’enseignement public, au motif que les objectifs et programmes d’enseignement sont les mêmes dans les deux secteurs d’enseignement. Un tel choix aurait dû permettre la mise en oeuvre d’évaluations comparatives. Pourtant, ce n’est que depuis 2008 que les indicateurs de l’enseignement privé sont renseignés à un niveau comparable à celui de l’enseignement public.

En outre, les études disponibles au sein du ministère sur l’enseignement privé sont en nombre très limité, ne sont pas actualisées et n’ont pas été complétées par des travaux spécifiques des inspections générales. Lorsqu’elles existent, ces études ne permettent pas de comparer de façon pertinente les performances des enseignements privé et public. En effet, elles portent sur les compétences et les résultats des élèves à un moment précis de leur parcours, mais ne donnent aucune information sur le niveau initial des élèves, ni sur leur progression au cours du cursus scolaire, alors même que les établissements privés peuvent sélectionner leurs élèves.

Une telle lacune - qui interdit toute comparaison - doit être impérativement corrigée. Il appartient au ministère de l’éducation de mettre en place un système d’évaluation régulière des modalités d’organisation et des résultats de l’enseignement privé sous contrat. Pour l’heure, et compte tenu de cette absence d’information, il convient de souligner que le présent rapport, centré sur l’organisation de l’enseignement scolaire public qui scolarise plus de 80% des élèves, ne porte aucune appréciation sur l’enseignement scolaire privé, puisque ce dernier n’a pas été contrôlé." (Ces extraits sont localisés aux pages 11 et 12 du rapport)
Cela permet quand même de relativiser les discours des politiques sur la meilleure efficacité de l'enseignement privé, puisque personne ne prend la peine de la vérifier.

On se situe là pleinement, lorsqu'on affirme l'efficacité de l'un par rapport à l'autre, dans l'idéologie la plus pure. Ainsi, la décision du gouvernement, alors que les postes aux concours de recrutement du public sont bloqués, d'augmenter de 130 % les postes disponibles aux concours du privé en 2010 (je rappelle qu'il s'agit d'argent public et non d'argent privé) prend tout son sens.

2 commentaires:

  1. Plus exactement : 20 % des jeunes sont scolarisés dans l'enseignement privé sur une année, mais si l'on cumule ceux qui ont papillonné entre privé et public on arrive à 40 % d'élèves étant passés par le privé avant la fin du secondaire. Les pourcentages sont faibles pour la maternelle et l'élémentaire, mais ils augmentent énormément au collège du fait de la volonté de sélection ou bien tout simplement parce que le secteur permet plus facilement de créer un collège privé (une petite commune ne peut se permettre le luxe de deux écoles primaires concurrentes par exemple). Voici des chiffres de 2002 qui ont peu changé (on peut juste ajouter 1 ou 2 % dans certains cas).
    ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/revue66/question15.pdf
    Si on regarde les courbes, on ne peut être que frappé par la chute dans l'enseignement professionnel : celui-ci demande des investissements lourds en équipements et ce serait à la charge des associations en charge des écoles privées. Ce n'est pas forcément un rejet de classes plus populaires, mais aussi un manque de trésorerie. Le nombre de filières professionnelles a été aussi considérablement réduit et concentré dans certains pôles parfois régionaux ou nationaux (allez donc faire une formation de facteur d'orgue ou de vannier ou de soigneur de chevaux partout). Il faut dire encore que certaines filières professionnelles sont prises par défaut par des élèves sans aucun projet et que bon... on maintient parfois des sections fictives dans le public pour dire que l'élève est encore scolarisé, mais les classes se dégarnissent très vite durant l'année, surtout dans le secteur tertiaire et en particulier le commerce. Il y a eu donc énormément de fermetures de sections bidons dans le privé, puisque cela aurait conduit à accueillir des élèves en mal d'établissement. D'autres plus sûres ont fermé parce que les moyens financiers n'étaient pas là, c'est le cas des sections industrielles. C'est une situation très contrastée, le public accueille bien les élèves les plus en difficulté, mais ce n'est pas forcément parce que le privé les refuse de son propre chef (même s'il se réserve le droit de choisir ses élèves).

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  2. @ Dominique : n'empêche que le privé peut sélectionner, ce qui n'est pas le cas de la grande majorité des bahuts du public.

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