mercredi 3 septembre 2008

Cher lecteur, aujourd'hui, je prédis la future communication politique de Xavier Darcos !

Cher lecteurs chéris, je vais d'abord... oui, bon, chéri, je sais, cela fait un peu trop proche, mais comme j'ai un peu abusé de la boisson ce soir, j'ai envie de te faire un peu partager ma bonne humeur, mais je m'égare... En effet, je veux te parler ce soir d'un sujet qui est la conséquence d'une incompétence administrative notoire et qui pourrait se transformer en un véritable argument politique positif pour le gouvernement.

Je vais te parler de l'Education nationale. En effet, depuis deux jours, nous, les privilégiés, avons repris le travail. Cela m'a permis de découvrir cette petite manipulation.

Durant l'été, Xavier Darcos avait annoncé une mesure nouvelle pour faciliter l'entrée des jeunes profs dans le métier. Il s'agissait de baisser le temps de travail de ces jeunes de deux heures par semaine pour un an, dans le but d'alléger le travail très dur et stressant de la première année et de remplacer cela par des heures de formation supplémentaires. Les jeunes profs s'attendaient donc à cette situation et arrivait dans les établissements lundi plutôt tranquillisés.

Mais ils ont vite déchanté. En effet, depuis 2002 et les suppressions massives de postes, l'Education nationale gère la pénurie de personnels. Aujourd'hui, on n'arrive plus à remplacer les congés maternités ou les longues maladies avec de vrais enseignants diplômés. On recrute des vacataires mal payés, sans expérience et incapables de faire très rapidement du travail correct. Or, les bahuts qui reçoivent beaucoup de jeunes profs (ce sont les plus durs) ont brusquement dû ôter à chacun de ces services deux heures. Cela semble facile comme cela vu de l'extérieur, mais en réalité, si un prof ne fait pas deux heures, il faut que quelqu'un d'autre le fasse, car les élèves doivent avoir cours. Or, on ne peut pas recruter un vacataire pour deux heures dans un bahut, on n'a plus de vrais remplaçants profs comme il en existait dans le passé et les autres profs, déjà tous pleins d'HS du fait de la politique gouvernementale, n'en veulent pas non plus.

Résultat : les jeunes profs se retrouvent avec deux heures supplémentaires plutôt que deux heures de service normal, soit le même temps de travail qu'avant, avec des heures de formation en plus. Leurs situations se sont donc dégradées. Je ne crois pas que le ministère l'ait fait exprès. Il n'a simplement pas pris en compte le résultat de sa politique par ailleurs.

Comment réagissent les néo-titulaires* ? Très majoritairement, ils acceptent ces heures, soit parce qu'ils débutent et ne veulent pas directement se faire repérer comme des agitateurs gauchistes, soit parce que les HS sont payées en plus et qu'ils ont besoin d'argent vu le niveau du salaire du début de carrière, soit parce qu'ils n'ont aucune idée du travail qu'ils vont fournir cette année et qu'ils pensent que cela ne sera pas grave, soit enfin parce qu'ils ont senti la pression de l'administration et des autres profs et qu'ils ne veulent pas directement se fâcher avec les collègues de leurs bahuts.

Bon, comme cela, c'est compliqué, mais venant de le vivre, je peux t'assurer que très peu de ces jeunes ont accepté les HS par un choix positif. Or, je suis persuadé que le gouvernement va dire le contraire.

Dans un mois ou deux, Darcos annoncera que les jeunes profs se sont rués sur les HS et que le "travailler plus pour gagner plus" fait effet, alors que ces jeunes se sont faits avoir pour la plupart et vont encore plus souffrir cette année. Nos concitoyens penseront que les profs sont en effet des fainéants puisqu'on a le temps de faire plein d'HS, et on mettra bientôt en avant l'idée d'une augmentation du temps de travail des professeurs en activité pour solder le problème de la pénurie.

Ainsi une incurie administrative se transforme en une bonne opération politique. Malin, Xavier Darcos !


* Un néo-titulaire est un prof du secondaire qui est dans sa première année d'activité professionnelle après l'année de stage. C'est du vocabulaire Education Nationale.

4 commentaires:

  1. Finalement, le gouvernement au complet trouve toujours le moyen de caser son slogan, sans jamais préciser que quoi qu'on fasse, ce ne sera jamais dans le sens d'une avancée sociale...

    RépondreSupprimer
  2. @ Homer : pour moi, c'est là que l'on voit le mieux la différence entre communication et politique.

    RépondreSupprimer
  3. Merci du lien, Mathieu. Ce que vous dites des conditions réelles de la rentrée ne m'étonne pas, même s'il est souvent difficile d'appréhender les réalités cachées sous le discours officiel. À fréquenter épisodiquement (en visiteurs ordinaires) les établissements scolaires, du primaire ou du secondaire, ma femme et moi sommes admiratifs devant l'enthousiasme des jeunes profs, et davantage encore devant celui que conservent les plus expérimentés. Pour notre part nous en serions incapables au-delà de quelques jours : aussi attendrissants que soient les enfants individuellement, une classe nous paraît toujours être une véritable pompe à énergie.

    RépondreSupprimer
  4. C'est vrai qu'il est toujours étonnant de voir l'enthousiasme des journées de rentrée. Cependant, l'ambiance en ce moment est quand même morose. J'en ferai peut-être un billet prochainement.

    RépondreSupprimer

Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

La modération des commentaires est activée 14 jours après la publication du billet, pour éviter les SPAM de plus en plus fréquents sur Blogger.