mardi 17 février 2009

La remise en cause du congé parental ou comment appliquer le travailler plus pour gagner plus aux jeunes mères de famille.

Comme beaucoup, je suis assez curieux de savoir ce qu’il va se passer demain, lorsque notre président adoré recevra les grands responsables syndicaux. A priori, il a déjà dit que rien n’en sortirait, mais le contexte a un peu changé. Hier, des violences ont commencé en Guadeloupe. Après de nombreux autres territoires d’Outre-Mer, c’est en Guyane que l’on semble se diriger vers une mobilisation. A cela s’ajoutent les nouvelles économiques toujours plus mauvaises et la perspective de la grève du 19 mars en France, qui ne doit pas rassurer outre-mesure au palais.

Malgré ce contexte totalement désastreux, Sarkozy est encore parvenu à faire parler de lui avec quelques réflexions sur le congé parental. La blogosphère s’est enflammée sur ce sujet, à travers, d’ailleurs, des conflits de sexe assez stériles sur ces questions.

Qu’est-ce que le congé parental ? En soit, contrairement à ce qu’affirment certaines blogueuses, cette mesure n’est à priori pas féministe au départ. Ce congé permet à l’un des deux membres du couple de cesser ou de diminuer son activité professionnelle, de la naissance du bébé jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant. L’objectif est de permettre aux parents de se consacrer pleinement à l’éducation de leur enfant. Certes, les femmes le prennent plus souvent que les hommes, preuve du machisme toujours latent de la société française. Si vous remplissez les conditions, la CAF vous verse une allocation pour vous permettre de survivre, mais qui ne dépasse jamais 552 € par mois. Durant cette période, votre emploi est préservé, mais il est sans doute plus facile de prendre ce congé dans le public que dans le privé. De plus, vous cotisez beaucoup moins pour votre retraite, de fait.

Le président a attaqué cette mesure en s’appuyant sur l’idée que les femmes (on ne parle pas des hommes dans cette affaire) coupaient leurs carrières professionnelles et remettaient en cause leur avenir. En fait, l’enfantement a toujours provoqué, depuis que les femmes peuvent travailler librement, ce type de situation, qui s’illustrent à la fois dans la différence salariale entre hommes et femmes et dans les régulières affaires de femmes abusivement licenciées dans le privé.

Que propose le président ? L’idée est de remettre en cause ce congé et de ramener les femmes sur le marché du travail, tout en bâtissant, à côté, des crèches pour accueillir 200 000 enfants supplémentaires. Encore une belle illustration du « travailler plus pour gagner plus. »

Quand on réfléchit un peu, on peut quand même s’étonner de la réaction sarkozyenne, et ce sur trois points très simples.

D’abord, Sarkozy remet en cause, de fait, la politique familiale française. Avec les allocations familiales, l’existence des crèches et la scolarisation précoce, le congé parental fait partie des actions publiques qui tiennent notre natalité. N’oublions pas que la France maintient, contre vents et marées, la deuxième natalité du monde développé. Sarkozy semble en avoir conscience, puisqu’il annonce, pour compenser cela, la création de places de crèches.

Là, il y a une deuxième série de réflexions possibles. D’abord, ces crèches sont payées par les collectivités territoriales, qui devraient perdre la taxe professionnelle prochainement : encore un beau transfert de charges ! De plus, si cela peut permettre à de nombreuses mères de travailler, et je ne peux que saluer la proposition de créer des crèches, les femmes, lorsqu’elles ont peu de moyens, vont être obligées de choisir la crèche, ce qui réduit le libre-choix des citoyens. Enfin, il me semble que la construction et l’entretien de crèches sont finalement plus coûteux que le fait de laisser des femmes ou des hommes, peu payés, chez eux à gérer leurs enfants. On aura sans doute une baisse des cotisations sociales, mais une belle hausse des impôts locaux par un effet de second tour. Il n’est pas dit non plus qu’il ne soit pas plus mauvais de laisser des très jeunes enfants avec des inconnus à la crèche que de leur permettre de vivre cette période avec leurs parents.

Enfin, dernière analyse, et pas la moindre, Sarkozy se plaint que 800 000 femmes restent hors du marché du travail. D’abord, il s’agit d’un choix, qui retire peut-être un peu de force de travail au pays, mais qui épanouit aussi des centaines de milliers de familles et d’enfants. Surtout, cher lecteur, est-il bon, dans le contexte actuel, de ramener de force 800 000 personnes sur le marché du travail alors que nous sommes en pleine crise économique et que le chômage est en pleine croissance ? Le congé parental peut aussi être une autre manière de gérer des personnes, qui seraient sans-emploi en ce moment, et de leur permettre de faire quelque chose d’utile pour elles, pour leurs enfants et pour la société.

En clair, encore une belle idée présentée sous des aspects très positifs, mais qui me semble être une belle bêtise économique et sociale. Attendons maintenant d’en voir la réalisation…

En plus, le président se contredit : lui qui vient d'accorder un congé parental à Rachida Dati...

6 commentaires:

  1. Le congé parental ne serait pas supprimé, mais raccourci. Merci de ne pas faire de mensonge militant :)

    Un tiers des personnes qui prennent un congé parental n'ont en fait pas le choix. Pas de solution de garde. Quand tu auras des enfants et tu chercheras une place en crèche à Paris, avec des nounous libérales à 750 euros par mois, tu comprendras...

    Ces femmes obligées d'arrêter ont un mal fou à reprendre un travail. Pour certaines, c'est carrière brisée, car déjà avant, les perspectives n'étaient pas terribles.

    Tu critiques les propositions de Sarkozy, c'est ton droit. Mais alors, que proposes-tu pour ces personnes pour qui le congé parental est un piège et qu'il est inévitable ?

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  2. Heu, Mathieu, tu dis avec ton esprit de synthèse ce que je dis sous un angle plus provoc. Je n'en fais pas une question de conflits de sexe en fait. J'ai relevé précisément que ce n'était pas une question féministe, qu'en tout cas, ce dispositif n'était en aucun cas bénéfique aux femmes.

    Comme tu le notes si bien, les femmes sont plus souvent en congés parentaux que les hommes : c'est une preuve que notre société a peu évolué. Ce qui devait être un bénéfice devient un handicap. Vu qu'aujourd'hui, les places en crèche sont bien en deçà des demandes, nombre de femmes y sont plutôt contraintes qu'autre chose.

    Sur la fin, je suis en désaccord relatif. Ce que je veux dire, c'est que Sarkozy détruit pas à pas la politique de la petite enfance. Congé parental, bien sûr, mais remise en cause de la scolarisation des plus petits, aucun appui pour les collectivités sur la question des crèches et bien entendu, maniement du fouet "allocations familiales" pour des desseins plutôt démago.

    A ce titre (et là, je parle à Autheuil) raccourcir le congé parental est encore plus bête que tout. Car c'est alors une fausse mesure. Pourquoi le raccourcir ? S'il est de trois ans, c'est qu'après trois ans, on entre à la maternelle (or, cette possibilité là est déjà menacée). Que fait-on à la place. Si c'est juste bosser, en effet, on voit bien que ça n'a aucun intérêt (vu également que l'offre de garde est très nettement inférieure à la demande)

    Donc, une fois que l'on a démontré 1 - que le congé parental est tout sauf une victoire féministe ; 2 - qu'il crée de l'inégalité ; 3 - que Sarkozy n'est pas disposé à penser de manière cohérente une politique de la petite enfance. Et bien...on se demande (encore une fois) ce que fout la gauche ?

    Il serait temps qu'elle propose enfin un projet alternatif de société.

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  3. "Mais alors, que proposes-tu pour ces personnes pour qui le congé parental est un piège et qu'il est inévitable ?"

    Ben heuuuuuuu créer des crèches sans toucher au congé parental ?
    (comment ça c'est trop simple comme réponse ?)

    Mathieu : comment ça les débats sur le blog de Didier sont stériles ??? s'pèce de sexiste va :)

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  4. Audiiiiiiiiiiiiiiiiiiiine,

    créer des milliers de crèches !!!

    En effet, il me semble qu'ensuite le congé parental cessera d'être un choix par défaut...

    Mais bon, laisse, c'est pas rentable une crèche (à moins de transformer les chiards en panneau publicitaire)

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  5. @ Authueil : oui, aujourd'hui, c'est ma journée mauvaise foi.

    Plus sérieusement, le problème que tu décris ne concerne à mon avis pas les plus riches, pour qui l'arrêt partiel de l'activité n'a qu'un impact modéré.

    Pour les pauvres, le problème est plus large, car la crèche est aussi payante, et c'est encore assez cher. Le congé parental devient forcé. La diminution du congé parental va mettre encore plus en difficulté des femmes déjà mises à mal par le prix des crèches et des nounous.

    Pour les classes moyennes se pose ton problème. La carrière est une vraie problématique ici. Là, le développement des crèches est une solution, mais sans diminuer le congé parental pour laisser le libre-choix. J'ai beaucoup de collègues femmes qui prennent des temps partiels en congé parental, histoire de passer du temps avec leurs enfants, mais pour elles, le redémarrage de l'activité ne pose pas de problème (sur ce point, l'État est bon père). Par contre, dans le privé, le machisme des employeurs joue à plein.

    Ma proposition : développer les crèches sans diminuer les congés parentaux. Si tu dis vrai, les dépenses de la CAF diminueront mécaniquement puisque les femmes se rueront vers les crèches. De plus, le développement des crèches, pour moi, est un investissement dans la démographie, et non pas une dépense courante.

    Enfin, pour Paris, il me semble que la paternité de ce manque de places en crèche revient à l'administration Chirac-Tibéri, non ?

    @ Dorham : je ne te cacherai pas que je n'ai pas lu ton billet... Je sais, c'est mal, j'ai juste vu que tu étais devenu, chez Didier, victime des engagées en furie. Je vais le lire immédiatement.

    Pour ce que fout la gauche, c'est une très grande question qui va ravir Authueil...

    @ Audine : la stérilité, dans une discussion homme-femme, est une bien triste conséquence...

    Aaarrgghh, une foule de blogueuses courent vers moi, décidées à me lyncher !

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  6. @ Dorham : nos commentaires se sont croisés. Tout à fait d'accord avec le dernier.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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