dimanche 10 mai 2009

Les enseignants sont des fainéants, mais les blogueurs aussi !

Comme tu le sais bien, cher lecteur, nous traversons en ce moment un tunnel de ponts divers et variés. Pour nos lecteurs étrangers, un pont est composé d'un jour férié qui précède ou qui suit un week-end. Cela nous donne donc un long week-end. Il existe un modèle encore plus intéressant de pont, lorsque le jour férié est posé un jeudi ou un mardi. Là, les entreprises donnent parfois le vendredi ou le lundi, permettant aux salariés du privé, et parfois du public, de s'offrir un petit temps de vacances supplémentaire. Bon, pour moi, les ponts longs n'ont aucun intérêt : vu le nombre de vacances qu'on a, on ne ferme pas les écoles. Quoiqu'en région parisienne, le primaire ferme le 21 mai 2009, avec rattrapage le 1er juillet de la journée de travail…

Il est intéressant de constater que la fréquentation des blogs évolue de manière très intéressante durant ce type de période. Ayant le bonheur de gérer deux blogs, celui-ci seul et un autre avec deux camarades, j'ai accès à de nombreuses statistiques sur le sujet. Il est évident que la fréquentation des sites diminue rapidement dès que nous entrons dans un week-end, qu'il soit court ou long. De plus, les lecteurs restent aussi nombreux les soirs de semaine qu'en journée. Cela signifie donc qu'un nombre important de blogueurs et de simples lecteurs gèrent leurs sites depuis leur travail.

Personnellement, il m'est difficile de bloguer depuis mon lycée, parce que nous n'avons pas d'ordinateurs individuels et à l'écart des autres, qu'il n'y en a que 8 pour 90 profs (« eh, qu'est-ce que tu fais, là, j'ai un cours à imprimer d'urgence ! »), et il m'est bien évidemment impossible de twitter devant les élèves. Je ne le fais donc que très rarement, soit quand une discussion très chaude est en cours et que je ne parviens pas à m'empêcher d'aller voir, soit quand il y a un sujet d'actualité brûlant dont j'entends parler au lycée et sur lequel je veux écrire tout de suite, soit quand ma connexion internet est encore en panne et que je n'ai pas d'autre choix pour faire vivre mes blogs. Et puis, devant préserver mon anonymat auprès de mes élèves, du fait de mon devoir de réserve, je préfère autant ne pas prendre trop de risques.

Cela me pose, à chaque fois, la question du temps de travail. Régulièrement, les profs sont accusés d'être des fainéants, parce que le temps de cours devant élèves ne correspond pas à la totalité du travail.

Derrière cette constatation, se trouve la vraie question de la signification du temps de travail, et de la mesure de ce qu'il est vraiment. En clair, j'estime que je travaille vraiment entre 30 et 45 heures par semaine travaillée, en fonction des périodes bien sûr. Pourtant, cela ne se voit nullement sur le temps de service. Là se situe, à mon sens, le vrai privilège des enseignants. Si je travaille beaucoup, j'ai par contre la possibilité d'organiser mon temps comme je le souhaite. Rien ne m'empêche de bosser le dimanche de 9h00 à 13h00 si cela m'arrange, pour avoir du temps libre en semaine ensuite. De même, je peux parfaitement décider de préparer tous mes cours de l'année à venir au mois de juillet (ce n'est pas très pédagogique, parce qu'il faut s'adapter aux classes qu'on a, mais enfin…) et de me garder beaucoup de temps libre le reste de l'année pour bloguer par exemple. En plus, mon patron (le proviseur dans mon cas) ne peut être sur mon dos tout le temps, du moment que je remplis mes obligations de service : s'il me gonfle et que je n'ai pas envie de le voir, je pars dès que je le peux et je bosse ailleurs. Nous appliquons de fait l'annualisation du temps de travail, sauf que c'est nous qui décidons de ses modalités : là, c'est vraiment confortable, même si cela ne retire rien au poids du travail en lui-même.

Par contre, comment peut-on décompter le travail d'une personne qui reste assise face à un ordinateur durant 35 heures, mais qui parvient à travailler tout en tenant une conversation sur MSN, une autre sur Facebook, en rédigeant un billet puis en suivant les commentaires, en allant commenter chez les autres et en lisant quelques sites de journaux pour trouver une idée de billet, sans oublier les 180 twitts de la journée. Derrière se cache la question du temps de travail des autres salariés… Je suis en effet persuadé que ces blogueurs font leur travail, et que leurs employeurs n'ont pas à se plaindre d'eux. Si tel était le cas, ces blogueurs ne pourraient plus bloguer, les employeurs surveillant les activités sur le net des salariés. En clair, cette personne se fait payer pour 25 heures de boulot mais reste 35 heures sur place. Cela n'a aucun intérêt et devrait poser de vraies questions aux employeurs. Pourquoi ne pas, dans ce cas, réduire le temps de travail ? Pourquoi ne pas laisser davantage de temps libre aux employés ? Sans doute y a-t-il une volonté de garder le salarié sur place pour l'avoir sous la main en permanence et de mener ainsi un contrôle plus important, mais si le travail est fait en 25 heures plutôt qu'en 35…

En clair, la question de la fainéantise me semble totalement idiote prise comme telle. Ce que voudraient les personnes qui disent que les enseignants sont des fainéants, c'est qu'on soit nous aussi forcé de rester 35 heures devant un bureau alors qu'on peut très bien faire autrement. D'ailleurs, cela coûte aussi moins cher à l'État, parce que mon bureau est chez moi et que je paie le loyer ou le crédit me permettant d'avoir cette pièce en plus. De plus, il est évident que cette liberté permet à l'État de justifier ses refus d'augmentation de salaires. La conquête du temps pourrait être un vrai sujet de progrès : dommage que la gauche ne soit pas un peu offensive sur ce sujet.

Reste un mystère. Pourquoi les blogueurs qui bossent depuis le boulot continuent-ils le soir venu mais ne le font-ils plus le week-end ? Peut-être s'agit-il d'une pression du conjoint, des enfants, ou d'autres activités ? A toi, cher lecteur, de me le dire dans les commentaires à venir…

PS : bien évidemment, ce billet concerne des salariés qui font un travail équivalent à celui des enseignants, soit un travail de cadre. Je suis bien conscient qu'un serveur, qu'un ouvrier ou qu'un agriculteur ne peut s'appliquer ces théories. Dans ces cas-là, conquérir le temps imposerait de créer des postes, et la logique serait bien différente.

10 commentaires:

  1. Votre dernière question appelle une réponse très simple : dans la journée, le blogueur blogue pour oublier qu'il a un patron.

    Le soir, il reblogue pour oublier qu'il a une femme et des enfants qui le gonflent.

    Le week-end, il se résigne, en pensant que le divin lundi finira bien par arriver.

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  2. @ Didier : vous êtes encore plus sévère que moi.

    @ Ferocias : je ne l'ai pas dit ci-dessus ? De toute façon, je passe mon temps à en parler...

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  3. Quelques éléments de réponse, à mon avis : les blogueurs sont des cadres qui gèrent librement leur temps de travail, ce n'est pas de la pression patronale, mais il faut être présent pour répondre aux clients, aux collègues, ... même quand aucun dossier n'exige la présence au boulot. En outre, les charges de travail sont variables selon les périodes. Tu poses une bonne question sur le temps de travail, mais les cadres occupent "un poste" plus qu'un emploi. "Je" suis nécessaire à mon entreprise de part les compétences que j'ai et les responsabilités que je suis amené à prendre, pas nécessairement pour bosser 45 heures par semaine.

    Bon. Je réponds pour moi. Je passe tout simplement beaucoup d'heures au boulot et j'évite les dicussions "au café" avec les collègues (la préparation de l'anniversaire du petit ou le diabète de la grand-mère m'intéressent assez peu), ce qui me permet de dégager deux ou trois heures par jour, pendant mon temps de présence, tout en assurant mon boulot.

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  4. Il y a eu un article sur Yahoo actualités au sujet des internautes au boulot qui tendait à démontrer que la productivité de cette engeance était relativement importante (j'vais embaucher Nicolas, ça doit dépoter au boulot!).

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  5. @ Nicolas : je ne visais personne en particulier, et surtout pas toi...

    Pour répondre, ce que je lis dans ton commentaire me confirme que tu pourrais rester trois heures de moins par jour au travail et bloguer de chez toi, à salaire égal, non ?

    @ Ferocias : je vais aller chercher ça.

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  6. Plus sérieusement, sur le temps de travail : je suis d'accord avec Nicolas et je pense que vous (vous, Mathieu) vous trompez. Je vais prendre mon cas personnel, si vous le voulez bien. Je travaille rarement plus de trois heures par jour (et souvent moins). Seulement, étant situé presque en bout de chaîne, et donc tributaire d'un certain nombre d'impondérables, personne ne peut savoir à l'avance QUAND le travail va arriver au stade où je me trouve.

    Ce qui fait que plus de la moitié de ma journée de présence se passe à ATTENDRE le travail. D'où les blogs.

    Cela peut donner ce type de "journée de merde" : arrivé vers 10 h 30 à mon bureau, je ne vois rien venir avant 17 h. Là, tout tombe en même temps et je reste coincé jusqu'à 20 h voire plus...

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  7. @ Didier : dans ce cas, comment vous dédommage-t-on de cette attente ? Est-ce pris en compte dans votre salaire, dans vos conditions de travail ou d'une autre manière ?

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  8. je pensais jusqu'à aujourd'hui que Nicolas bloguait à la cométe et DG dans sa maison ou son jardin dont il nous a montré les photos.
    si je comprends bien, pour arriver à faire plusieurs billets par jour il faut bloguer au boulot. Logique effectivement !

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  9. @ Olympe : ce qui est redoutable, c'est qu'ils bloguent du bistro. Non mais, franchement...

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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