dimanche 27 septembre 2009

Les Français ignorent l’histoire du Canada, et perdent ainsi une partie de la leur.

Il y a un événement qui est passé relativement inaperçu en France. Le 13 septembre, le Québec (et le Canada) ont commémoré les 250 ans de la bataille de la Plaine d'Abraham.

Qu'est-ce que c'est, vas-tu me demander curieux, cher lecteur ? Le 13 septembre 1759, assiégé depuis plusieurs jours, le Marquis de Montcalm, qui commande les forces françaises en Nouvelle-France, décide de faire une sortie pour affronter les forces britanniques. La bataille est une espèce de match nul, même si Montcalm est grièvement blessé et ne survivra pas à ses blessures. Cependant, cet affrontement entraîne la capitulation de la forteresse de Québec et l'effondrement de toute la colonie, soit l'un des plus importants empires coloniaux construits par la France. N'oublions pas que près de la moitié de l'Amérique du Nord fut, en théorie tout du moins, sous domination française.

Dans notre beau pays, cette histoire reste relativement inconnue par la grande majorité de nos concitoyens. Certes, on sait vaguement que se trouve, de l'autre côté de l'Atlantique, un groupe d'Américains qui parlent le français (avec un accent rigolo mais difficilement compréhensible), que ces gens utilisent un vocabulaire fleuri, qu'il fait froid là où il vive et que, malheureusement, ces braves gens tentent régulièrement de se débarrasser d'une de leurs chanteuses en l'exilant de ce côté-ci de la mare. Mais, de là à être capable d'expliquer ce que ces francophones font là-bas, il y a un pas que nos concitoyens ne sont pas capables de faire.

Il faut dire aussi que les programmes scolaires n'y aident pas. Il est finalement assez cohérent que les empires coloniaux africain et asiatique occupent une place plus grande. Ils sont plus récents chronologiquement et de nombreuses familles portent encore, dans leurs mémoires, les traces des guerres d'Indochine, d'Algérie et le retour des pieds-noirs en France. Cependant, il est intéressant de constater que l'empire colonial américain n'occupe quasiment aucune place, avec une brève évocation en quatrième et un retour de bâton en seconde, non-obligatoire. D'ailleurs, l'histoire de la Guyane, des Antilles et de Saint-Pierre et Miquelon, pourtant terres françaises encore aujourd'hui, n'est pas plus évoquée, sauf pour parler de l'abolition de l'esclavage, et ce sans aborder l'histoire de ces territoires pour elle-même. Il ne faut pas alors s'étonner que nos compatriotes restent interdits devant les troubles sociaux qui ont secoué les Antilles en début d'année.

Comment expliquer une telle absence ? Pourtant, ces dernières années, des historiens français se sont lancés sur ce terrain et les Québécois ne s'occupent plus seuls de leur histoire. Sans vouloir s'avancer trop vite, on peut évoquer d'abord la marque de la défaite et de la perte d'un tel territoire. Il faut aussi rappeler que la France fit le choix, en 1763, de perdre le Canada pour conserver Saint-Domingue et son précieux sucre, et qu'elle n'en a pas tiré un profit si important, puisque 30 ans plus tard, les Haïtiens se débarrassaient de nous. Enfin, sans doute les pamphlets de Voltaire sur l'inutilité du Canada ont-ils laissé des traces…

Il ne s'agit pour moi de dire qu'il faudrait aller faire la promotion de l'histoire coloniale de la France (la colonisation de l'Amérique a été moins violente que celle de l'Afrique parce que la France ne disposait pas des mêmes moyens et que la rougeole s'est chargée seule de faire un sort aux indigènes) mais simplement de donner quelques bases à nos élèves sur notre histoire, d'abord parce que la perte de la Nouvelle-France explique aussi le soutien de la France aux jeunes États-Unis quelques années plus tard, l'endettement de la monarchie et l'installation progressive d'une situation de crise de l'État très violente dans les années 1780. Il s'agit aussi de permettre à nos concitoyens de prendre conscience de l'histoire de nos anciens compatriotes du Canada. Après tout, le Canada est habité par les seuls groupes de Français qui ont réussi à se maintenir après la fin de l'empire colonial, et ignorer l'histoire de cette population serait une vraie perte, pour les deux côtés du lac…

6 commentaires:

  1. Très intéressant comme article. Merci pour le lien, même si je ne sais pas exactement sur qu'il vient faire là ;-)

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  2. Mathieu L. : parce que la France ne disposait pas des mêmes moyens et que la rougeole s'est chargée seule de faire un sort aux indigènes.

    C'est une présentation totalement caricaturale qui peut bien passer en classe de collège français, mais qui fera hurler les Québécois. D'abord, il y a eu beaucoup d'exterminations inter-indiennes, du fait des alliances avec les Français ou les Anglais selon les tribus, mais aussi précédemment puisque les Cris et les Inuits ne s'appréciaient guère; Il faut souligner que l'un des effets de la colonisation a été de propager encore plus des guerres qui existaient déjà. Il fallait conserver de vastes territoires de chasse, puisque le principe de l'alliance avec un des deux occupants était en fait le commerce de fourrures.

    Ensuite, il y a eu mélange entre la population indienne et la population française qui manguait de femmes, malgré l'arrivée de quelques centaines de filles de France (des jeunes filles orphelines de bonne famille et pas des prostituées comme en Louisiane). Actuellement, tous les Québécois francophones dits pur laine ont au moins une ancêtre amérindienne même s'ils ne disent pas métis. Il y a eu fusion et non génocide sous forme maladive. Les Améridindiens du Canada sont pour une part des Amérindiens qui ont conservé leurs traditions et leur langue dans leur territoire, mais aussi des Amérindiens invisibles qui sont les Canadiens francophones actuels même hors du Québec. C'est étonnant, non ?

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  3. @ Rubin : le lien avec le mot "américain" ne me semblait pas incohérent te concernant. Et puis, cela faisait longtemps que je ne t'avais pas lié. Merci pour le compliment.

    @ Elmone : de rien.

    @ Dominique : je me permets d'être en désaccord avec toi, et même si je dois faire sautiller quelques Québécois au passage.

    Certes, les guerres entre Amérindiens, provoquées par les manœuvres des Européens, furent nombreuses. Les Français y ont joué un rôle négatif pour leurs alliés en refusant de vendre des fusils aux Indiens non-convertis. Cependant, la rougeole, mais aussi la varicelle et la petite vérole, ont fait des ravages. Je peux te donner un exemple précis.

    Durant les années 1620, le jésuite Jean de Brébeuf arrive en Huronie. Il décrit une population nombreuse pour un groupe indien (près de 50 000 âmes d'après lui). Lorsqu'il revient au milieu des années 1630, il n'y a déjà plus que 25 000 personnes. Et en 1648, un an avant la grande offensive des Iroquois contre les Hurons, il reste peut-être 12 000 personnes. D'ailleurs, les Hurons restent, durant cette période, très méfiants envers les jésuites qui ne tombent pas malades ou survivent à la maladie, les accusant même de favoriser les démons qui les causent. Brébeuf dira lui-même être passé à plusieurs reprises à deux doigts de la casserole.

    Certes, les guerres ont eu un impact, mais les Amérindiens ne disposaient pas de moyen d'extermination de masse. Le choc microbien, si bien décrit par Pierre Chaunu, a fait des ravages dans ces groupes de population. Chaunu estime qu'il devait vivre 5 millions d'Indiens en Amérique du Nord au XVe siècle, et que cette population a été divisée par 5 au XVIe siècle, alors que les Européens sont encore totalement absents de la zone.

    Attention : je ne dis pas que les Français n'ont commis aucun crime dans ces régions, mais juste qu'ils n'auraient pu massacrer des millions d'Indiens vu leur faible nombre. Ils ont été bien aidés par les maladies, je le confirme.

    Quant au mélange que tu cites, il a réellement existé, et les historiens québécois l'ont vraiment démontré. Cependant, la crise de la population amérindienne alliée aux Français a poussé aussi à cette fusion. Se mélanger renforçait les populations et les alliances, des deux côtés. Cependant, on ne peut pas dire que les Québécois d'aujourd'hui fassent tous les jours référence à leurs origines indiennes. Par contre, la francophonie est présente en permanence.

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  4. Soldat Sanspareil

    Le rapatriement des armoiries royales de France au Québec.

    Il y a moyen de rendre hommage à nos ancêtres de 1759 1760, voici un lien internet sur le sujet, à vous de militer pour ce rapatriement de notre patrimoine.

    http://www.ameriquebec.net/actualites/2009/08/03-rapatriement-des-armoiries-royales-de-france.qc

    Rapatriement des armoiries royales de France

    Par Soldat Sanspareil

    Permettez moi humblement de faire la requête suivante qui serait tout aussi significative dans le cadre d’ouverture envers le Québec et qui selon moi mettrait un baume à la polémique ayant entourée la reconstitution de la bataille des plaines de la CCBN.

    Lorsque Québec a capitulé devant les troupes anglaises, le 18 septembre 1759, les vainqueurs avaient arraché les armoiries de Québec – une sculpture de Noël Levasseur – pour les transporter à Londres en guise de trophée. La sculpture a été rendue au Canada en 1909. Elle est maintenant exposée au Musée de la guerre à Ottawa. Ne serait-il pas de mise de la restituer à la ville de Québec en cette année ? C’est une idée comme ça.

    Pour plus de détails voir le billet de Raymond Lemieux publié dans la revue Québec Science d’avril 2009.

    Les armoiries royales de France

    À partir de 1725, un ordre est donné d’accrocher les armoiries royales de France au-dessus des portes principales des villes et des forts de Nouvelle-France. L’exemple montré plus haut est installé à Québec jusqu’en 1760.

    Il y a une belle occasion de rapatrier les armoiries royales de France qui se présentera en septembre 2009 à Québec dans le cadre du dévoilement du projet Montcalm. Je vois bien son retour au musée de l’Amérique Française près du drapeau de Carillon.

    Merci de l’attention que vous porterez à ce billet en espérant cette fois-ci que les groupes de reconstitutions historique du Québec soient invités à toutes commémorations si ceci se concrétise.

    Soldat Sanspareil, Il y a un moyen de rendre hommage à nos ancêtres de 1759 1760, voici un lien internet sur le sujet, à vous de militer pour ce rapatriement de notre patrimoine.

    http://www.ameriquebec.net/actualites/2009/08/03-rapatriement-des-armoiries-royales-de-france.qc


    Soldat Sanspareil,
    2ième bataillon du régiment de la Sarre
    vive le Roy!
    www.regimentdelasarre.ca

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  5. @ Anonyme : ce commentaire est totalement incompréhensible. Tu aurais pu l'écrire toi-même, au lieu de faire du copier-coller, et expliquer ta proposition.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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