mercredi 9 juillet 2008

Mais pourquoi a-t-on aussi peur de la Chine ?

Ca y est, c'est sûr, cher lecteur agacé, l'annonce est officielle : notre joyeux président ira bien à la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques à Pékin. On ne sait pas si Carla Sarkozy l'accompagnera, mais c'est bien la seule information qui nous manque finalement. Sarkozy avait un moment hésité sur la conduite à tenir, coincé entre les autres chefs d'Etat, la population française et les aimables pressions chinoises. D'ailleurs, la Chine a bien compris que son pays avait pris le pas sur les autres pressions. Sarkozy ne mentionne même pas le Tibet dans ses communiqués.


On pouvait s'attendre à ce revirement, car le président avait toujours paru hésitant sur cette question. Il avait certes commencé par menacer et par critiquer la politique de répression au Tibet, mais il n'avait pas osé s'avancer autant qu'Angela Merkel, dont je dois dire ici que je lui reconnais le bénéfice de la constance. La chancelière allemande n'a beau pas être de mon bord politique, je ne peux que louer son comportement dans les relations internationales : elle n'a jamais hésité à critiquer Poutine, la Chine ou les Etats-Unis. Cela mérite d'être noté.


Je dois admettre que cette espèce de déférence que notre pays éprouve envers la Chine ne cesse pas de m'étonner. Bon, c'est vrai, la Chine est de plus en plus un acteur très important en Asie. Elle est aussi un immense marché potentiel pour nos entreprises et a une croissance à deux chiffres depuis 15 ans. Cependant, même s'il y a là un futur pactole potentiel, c'est encore loin d'être le cas. La Chine a certes une classe moyenne qui émerge, et qui devrait pouvoir consommer comme nous, elle a aussi une bourgeoisie très riche (pour un pays communiste, c'est drôle, quand on y pense...) qui se développe. Par contre, elle a encore 900 millions d'habitants qui vivent dans des conditions digne des pays les plus pauvres, et qui ne sont pas prêts de s'enrichir, vu comment se passe la croissance chinoise et la redistribution des richesses.


On pourrait alors se dire que la Chine est un partenaire tellement vital pour nous que nous ne pourrions pas nous en passer. Lorsqu'on se rend, là encore, sur le site de l'
INSEE, on constate que la Chine était le neuvième partenaire commercial de la France en 2007, ce qui est loin d'être négligeable. Vu notre croissance molle et notre déficit commercial de plus en plus abyssal, on pourrait en effet se poser la question. On pourrait...


Mais en fait, je reste persuadé que c'est un argument qui n'a aucun sens réel. Je t'en donne un exemple de suite, cher lecteur surpris. En 2002 (souviens-toi c'était il y a longtemps), les Etats-Unis se préparent à attaquer l'Irak. Les Américains sont des partenaires bien plus importants que la Chine pour nous. Ils sont nos vieux alliés, sont une démocratie, sont notre premier partenaire commercial hors-UE, et surtout, nos échanges avec eux sont 2,5 fois plus importants que ceux que nous entretenons avec la Chine à l'époque. Et pourtant, cher lecteur, et pourtant, souviens-toi ! Ne te rappelles-tu pas de Dominique de Villepin, à la tribune du Conseil de Sécurité, chargeant l'allié traditionnel, l'accusant de tous les maux ! Ah, la France était belle à l'époque. De droite comme de gauche, les Français se disaient que nous étions enfin redevenus l'un des phares du monde. Nous nous étions même imaginé que Villepin serait notre futur président, et les femmes et les homos du pays fantasmaient sur notre ministre des affaires étrangères sortant de l'eau de l'Atlantique et pris en photo par Paris-Match...


Bon, je sais, cela n'a pas empêché les Etats-Unis de se lancer sur l'Irak, mais de toute façon, pouvions-nous réellement les en empêcher ? Je pense qu'ils s'en mordent suffisamment les doigts aujourd'hui pour que nous n'ayons rien à regretter. Certes aussi, cette situation nous a valu quelques problèmes avec les citoyens américains : je sais que d'anciens élèves, partis faire une année d'études chez l'oncle Sam ont parfois eu quelques mésaventures sur les campus universitaires, mais la tendance a changé avec l'évidence, pour la majorité des Américains, que l'Irak était bel et bien une énorme erreur. Enfin, et c'est le point central, notre balance commercial a certes un peu souffert en 2003 et 2004, mais les choses se sont vite rétablies.


Pourquoi ? Je suis persuadé que les acteurs économiques n'ont absolument rien à faire de la politique dans les échanges commerciaux, sauf lorsque cela perturbe la réalité des échanges. Le gouvernement américain avait certes mis en place quelques taxes sur le fromage ou le vin, ce qui avait ennuyé nos exportateurs, mais cela n'a pas résisté à la réalité : les Américains qui boivent du vin français et qui mangent du fromage ont certes diminué leurs achats pendant un petit moment, puis ils ont recommencé à consommer comme avant, tout simplement, parce qu'ils aiment nos produits. Nos viticulteurs souffrent plus aujourd'hui des prix plus bas des vins sud-américains, que de l'opposition de la France à la guerre en Irak. Finalement, la politique ne perturbe les échanges commerciaux que quand il y a un vrai conflit, ce qui n'était pas vraiment le cas ici.


La vraie question est donc la suivante : la Chine a-t-elle un intérêt à sanctionner ses partenaires s'il y a boycott ? Pour l'Allemagne, sans doute pas, parce que ce pays est un partenaire bien trop important au plan industriel. Pour la France ? En fait, la France n'est pas un partenaire important pour la Chine, alors pourquoi pas ? Mais là encore, je reste persuadé que les acteurs économiques rétabliraient bien vite les choses, et remettraient en place les processus d'échange très rapidement.


Alors, je ne peux au final que déplorer le manque de courage politique de notre président dans cette affaire. En plus, il aurait eu le soutien des Français, ce dont il a cruellement besoin en ce moment, de droite comme de gauche. Certes, cela n'aurait pas changé grand-chose à la vie des Tibétains et des prisonniers politiques chinois, mais, parfois, un acte politique gratuit peut être fort et porteur. Je regrette vraiment que, pour une fois, Sarkozy n'ait pas jugé bon de s'inspirer de l'exemple allemand.


P.S. : le député UMP
Lionnel Luca appelle les Français à boycotter la cérémonie d'ouverture à la TV. Là, on a bien un acte totalement gratuit politiquement et qui ne nous coûte pas grand-chose. En plus, il n'aura pas d'impact (surtout que les cérémonies d'ouverture, c'est ennuyeux). J'aurai tendance à proposer d'élargir l'appel : puisque nous sommes des citoyens responsables, boycottons l'ensemble des retransmissions télévisées. Nous sanctionnerons ainsi la Chine, mais aussi les FTN qui ont investi massivement dans cet événement. Je ne suis malheureusement pas un blogueur z'influent qui pourrait avoir une audience forte, mais je trouverai que ce type d'appel aurait au moins un peu de gueule. On pourrait appeler cela : Au mois d'août, préférez la plage aux J.O. !" Bon, on peut toujours rêver...

6 commentaires:

  1. de toute façon, les JO se dérouleront la nuit je crois, chez nous? J'avais déjà pas trop envie de les suivre donc je suivrai l'invitation au boycott. Et zou !

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  2. Dans ce cas, on pourrait remplacer par : "Au mois d'août, préférez les boites au J.O. !"

    Je suis sûr que ça aurait de la gueule.

    A bientôt,

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  3. Je suis perplexe quand aux raisons de N. Sarkozy de faire la chèvre devant les chinois.
    Tout comme toi, je ne pense aps que nos relations commerciales soient remises en cause par des désaccords sur le Tibet ou les droits de l'homme.
    Je regrette que nous n'ayez un véritable président, mais un homme qui occulte complètement la place de la France sur l'échiquier mondial.
    Le gentil ambassadeur de Chine vient quand même de nous menacer si Sarkozy rencontrait le Dalaï-lama.
    J'ai sérieusement honte de notre faiblesse sur le plan international.
    Les couacs sont nombreux et sont dûs à un homme.

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  4. Manuel, je suis encore d'accord avec toi. Si cela continue, je vais finir par m'inquiéter...

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  5. A ce sujet, il n'y a pas de mal...
    Tu connais nos sujet de discorde.!

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  6. Il faut donc que je prépare un sujet sur le Moyen-Orient. La visite du dirigeant syrien à Paris va peut-être me donner des idées.

    A bientôt,

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