lundi 21 juillet 2008

Bon, qu'est-ce qu'on trouve dans cette réforme de la constitution ?

J'avais imaginé, en cas d'adoption du projet de loi constitutionnelle, de vous en faire un léger résumé, parce que j'adore le droit constitutionnel (je sais, c'est bizarre, mais vaut mieux ça que d'être passionné par Britney Spears, non ?). Cependant, avec tout ce remue-ménage autour de l'adoption, je m'étais dit que ce texte ne passerait pas et connaîtrait le sort de la réforme constitutionnelle tentée par de Gaulle en 1969. Je m'étais donc convaincu que la lecture de cette loi ne servait pas à grand-chose, et puis voilà ! Les parlementaires ont décidé de voter le texte, à une voix près ! Et zut !


Bon, devant tes yeux ébahis, cher lecteur, j'ai donc lu
la loi constitutionnelle et j'aurai tendance à classer les alinéas de ce texte en trois catégories : les choses qui vont vraiment changer ; les choses qui vont peut-être avoir un impact mais on en est pas sûr parce qu'il faut une loi organique derrière et que cela va prendre du temps parce qu'il y en a une dizaine à réaliser ; les trucs qui font jolis mais qui ne servent à rien dans le fond. Alors, pour résumer, on trouve, dans les grandes lignes:
  • les choses qui vont vraiment changer : la limitation du nombre de mandats de président de la république à deux (et encore, aucun n'a essayé d'en faire plus pour le moment), le contrôle du Parlement sur les interventions militaires extérieures, un meilleur contrôle du Parlement sur son ordre du jour, la limitation du recours à l'article 49-3 à une fois par sessions hors budgets divers, la possibilité de passer par le Congrès pour faire entrer un nouveau pays dans l'UE et d'éviter le référendum débile sur la Turquie.

  • les choses qui vont peut-être avoir un impact mais on en est pas sûr parce qu'il faut une loi organique derrière et que cela va prendre du temps parce qu'il y en a une dizaine à créer : le référendum provoqué par le Parlement soutenu par 1/10e des électeurs, la nomination aux fonctions par le président contrôlée par le Parlement, les conditions de présentation des projets de loi devant les chambres, la possibilité de créer plus facilement des commissions d'enquête parlementaires, la possibilité pour le Conseil Constitutionnel de vérifier qu'une loi déjà en vigueur est inconstitutionnelle et la possibilité pour les citoyens de le saisir, le fait que le président de la République ne préside plus le Conseil Supérieur de la Magistrature, la création d'un défenseur des droits pour aider les citoyens lésés par les services publics.

  • les trucs qui font jolis mais qui ne servent à rien dans le fond : le passage de la parité homme-femme de l'article 3 à l'article 1, la réforme de l'article 16 qui permet au Parlement d'en contrôler l'usage (il n'a été utilisé qu'une fois, en avril 1961, et je ne vois pas comment cela reviendrait), la grâce présidentielle à titre individuel (fin des grâces du 14 juillet et des élections), le discours du président devant le Parlement, la représentation des Français de l'étranger à l'Assemblée Nationale, la possibilité pour le Parlement de voter des résolutions que le gouvernement n'est pas obligé de suivre, le changement de nom du Conseil économique et social qui devient Conseil économique, social et environnemental, l'inscription des langues régionales dans la constitution, l'inscription de la francophonie dans la constitution.

Comme tu auras pu le constater, il y a quand même de petites choses dans cette loi qui sont intéressantes. Malgré tout, il n'y a pour moi que peu de choses vraiment fondamentales, à part peut-être le référendum d'initiative populaire et la possibilité pour le conseil constitutionnel de vérifier des lois déjà votées. Finalement, je trouve que la plupart de ces réformes sont techniques.

L'équilibre des pouvoirs reste le même, et le régime ne change pas : un régime semi-présidentiel, avec quelques modifications à la marge. Il n'y a rien de nouveau sur le Sénat non plus, cette assemblée d'un autre âge, mais après tout, le mot sénat ne vient-il pas du latin senex ?

J'ai entendu aujourd'hui sur la chaîne Public Sénat qu'on changeait de République. Après avoir lu le texte, j'ai plutôt tendance à considérer qu'on a seulement un peu modifié l'actuelle. Finalement, on se demanderait presque les causes de tout ce bruit qui a entouré cette réforme. Une tentative de plomber Sarkozy pour la gauche ? Une volonté d'occuper le terrain pour la droite et de faire oublier les autres problèmes ?

En tout cas, Sarkozy rêvait de mettre sa patte sur cette République. Je crains qu'il ne soit finalement parvenu qu'à la caresser...

6 commentaires:

  1. Je te trouve tout de même assez généreux avec cette répartition.
    Par exemple, dans les choses qui vont vraiment changer, lorsque tu mets le contrôle du Parlement sur les interventions militaires extérieures. Le Gouvernement n’aura l’obligation que d’informer le Parlement et ce au maximum 3 jours après le début de l’intervention !! Ca n’est qu’en cas d’intervention de plus de 4 mois qu’il sera demandé la prolongation de l’intervention au Parlement, lorsque celui-ci sera en session …
    J’ai un peu de mal à qualifier ça de contrôle tout de même.
    Pour le reste, la possibilité pour le citoyen de saisir le Conseil Constitutionnel par exemple, pour laquelle tu précises qu’une loi organique doit intervenir. Il me semble qu’il est prévu que le Conseil d’Etat ET la Cour de Cassation doivent se prononcer préalablement. De plus, je vois mal comment un citoyen s’engager dans une telle procédure … La saisine que j’ai en tête du Conseil Constitutionnel est celle des socialistes (60 députés je crois ?) à propos de la recodification du Code du Travail. La réponse est arrivée rapidement, en quelques mois (et pour mémoire ne donnait pas droit aux requérants).
    Je ne sais pas si le fait que Dupont puisse, après avoir été voir le CE et la Cour de Cass accéder au Conseil Constitutionnel n’est pas un hochet voire un «prestige » devant les yeux éblouis des quelques socialos séniles (Lang ne doit pas être tout seul non ?) qui désirent qu’on les berne.
    Un Défenseur des Droits pour aider les citoyens lésés par les services publics ?? (enfin ce qu’il en restera …). Si ça n’est pas un gadget ça ! Il serait mieux venu de moderniser les tribunaux administratifs, de faire en sorte qu’ils puissent rendre une justice plus rapide, qu’ils soient mieux connus.
    En ce qui concerne les Commissions d’Enquête, leur création sera fixée par le règlement intérieur de chaque assemblée : on attend de voir les sénateurs se déchaîner là-dessus …
    Enfin, il est soi-disant mis en place une meilleure gestion des projets de loi par les assemblées. J’ai noté un article qui indique que cette procédure « ne s’applique pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale
    et aux projets relatifs aux états de crise ». Faisons un petit jeu : combien de « cavaliers » législatifs (ce sont des bouts de loi qui n’ont aucun rapport avec l’ensemble du texte qui est voté) dans les lois de financement de la Sécurité Sociale ? En matière de droit du travail, c’est assez courant …

    Voilà pourquoi tout de même, même si je pense également qu’il n’y a pas de quoi hurler au déni de démocratie (faut tout de même pas abuser !), c’est assez triste de passer en VIe République avec une refonte aussi minable.

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  2. Bonjour Audine,

    Après avoir lu ton commentaire, je suis retourné voir la loi et je peux donc maintenant te répondre de manière plus assurée.

    Pour les interventions extérieures, tu as raison, bien sûr. De toute façon, ce sont aujourd'hui les médias qui informent les parlementaires. Il est quand même bon que le Parlement puisse obliger l'exécutif à interrompre une intervention, même si ce n'est que quatre mois après.

    Pour la saisine du CC, tu as raison là encore. Cependant, il me semble primordial que l'on accepte l'idée de pouvoir se débarrasser d'une loi qui est anti-constitutionnelle, après qu'elle ait été promulguée. On était l'une des seules démocraties à ne pas faire cela.

    Pour le défenseur des droits, je suis d'accord, de même que sur les TA. C'est bien pour cela que je l'ai mis en deuxième catégorie. Idem pour les commissions d'enquête.

    Sur ta dernière remarque, les cavaliers législatifs sont déjà régulièrement retoqués par le CC, quand il a l'occasion d'en voir passer. Je crains en effet que cette pratique ne cesse pas. Quand aux lois de finances, elles sont très encadrées par les articles 47 et 47-1. Ces articles obligent les parlementaires à des délais serrés, et le 49-3 est toujours possible. Là, rien n'est réformé, je te l'accorde.

    Au total, je maintiens que je trouve cette loi creuse, sans grande évolution, à part une ou deux. Au moins, cela laisse le terrain ouvert à la gauche pour une future vraie réforme.

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  3. N'ayant pas lu la réforme en question, tout dépend de la définition qui est donnée des interventions militaires extérieures, mais la plupart des interventions françaises durent bien plus de 4 mois : Liban, Afghanistan, Cote d'Ivoire...
    Donc le Parlement aura largement le temps d'exercer un contrôle, a posteriori certes, mais permettant néanmoins de sanctionner l'exécutif si l'engagement est jugé injustifié ou inefficace.
    Quelque part, cela consituera aussi une épée de Damoclès, obligeant le Gouvernement à se poser avant même de s'engager la question de la réaction du Parlement au bout des 4 mois...

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  4. Bonjour Elyas,

    Voici le texte exact :

    « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de
    faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard
    trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs
    poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui
    n’est suivi d’aucun vote.
    « Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le
    Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du
    Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider
    en dernier ressort."

    C'est peu de chose, mais c'est déjà ça. Cependant, cela ne change pas l'esprit général des institutions, là encore...

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  5. Bonjour,
    Enfin quelqu'un qui explique la réforme d'une manière claire et pas trop partisane.
    Merci
    Je crois que je vais me plaire ici ;)

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  6. Merci pour le compliment, mais tu verras que je peux aussi être très très partisan...

    A bientôt,

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